Les familles de six des détenus dans le cadre de l'attentat de Marrakech ont tenu, hier au siège de l'AMDH à Rabat, une conférence pour dénoncer la violation des droits des détenus, notamment leur privation de toute visite. Elle retient difficilement ses larmes. Hasna Chergaoui a traversé 400 km depuis Safi jusqu'à Rabat pour participer à la conférence organisée lundi 27 juin au siège de l'Association marocaine des droits humains (AMDH). «Je veux dire à tout le monde que mon frère Brahim est innocent, qu'il n'a aucune relation avec l'instigateur présumé des attentats perpétrés à Marrakech. Il n'est ni salafiste, ni terroriste et pourtant il a été arrêté et jeté en prison», dénonce-t-elle, la gorge nouée par l'angoisse collective que les familles des six détenus sont venues exprimer aujourd'hui. Brahim Chergaoui, Mohamed Réda, Abdessamad Bettar, Abdelfattah Dahhaj, Azzeddine Lechdari et Ouadie Skiraiba, ont été interpellés entre le 5 mai et le 6 juin derniers dans le cadre de l'affaire Argana, du nom du café secoué le 28 avril dernier par un acte terroriste d'une rare violence. Ce crime, qui a fait 17 morts et 21 blessés, a donné suite à une série d'arrestations à Safi, lieu de provenance du cerveau présumé de l'attentat, Adil El Athmani. «Mon frère l'a connu en 2008 et depuis, il n'a eu aucune relation avec lui. Au moment de l'attentat, mon frère était au chevet de notre père malade à l'hôpital», répète Hasna tentant de défendre son frère, commerçant et père de deux enfants. «Notre vie est devenue un enfer. Depuis près de deux mois, nous n'avons pas eu le droit de visiter nos proches et à chaque fois que nous nous présentons devant le portail de la prison de Salé, nous nous faisons renvoyer d'une façon inhumaine par les gardiens qui se moquent de nous», crient Zineddine Skiraiba et Mohamed Lechdari, frères de Ouadie et Azzedine. «Le traitement accordé à ce dossier est vindicatif, à notre sens. Nous ne cesserons de revendiquer l'abolition de la loi antiterroriste au Maroc». Khadija Ryadi, présidente de l'AMDH. C'est surtout sur les conditions de vie lamentable des détenus que les familles ont axé leur plaidoyer. «Nous nous sommes tous réunis dans l'ambition de constituer une association à travers laquelle nous pourrions dénoncer ce que subissent nos proches au nom de la lutte contre le terrorisme », affirme Hassan Bettar, frère de Abdessamad. Représentant l'ensemble de ces familles, Hassan est devenu leur porte-parole. «Si El Athmani est passé aux aveux dans des conditions que nous qualifions d'obscures, rien ne peut justifier réellement les poursuites engagées contre nos proches, ni les violences qu'ils subissent et que nos avocats assimilent à la terreur de Guantanamo». «Mon client est privé de toutes les conditions les plus rudimentaires de détention respectant les droits de l'Homme. J'avoue que les quelques heures que j'ai passé avec lui ont été les plus pénibles de toute ma vie. Il pleurait et tremblait, j'avais en face de moi une personne déprimée, anorexique depuis plusieurs jours et sans aucune confiance en elle, ni en personne», déplore Me Naïma Guellaf, avocate de Abdessamad Bettar. Membre également de l'AMDH, cette avocate décrit un désastre que les détenus n'arrivent plus à supporter. «Mon client ne s'alimente plus, il m'a confié que la mort serait pour lui la meilleure solution pour fuir le cauchemar», dit-elle. Abdessamad et les autres se disent, par la voix de leurs familles et avocats, innocents. Pourtant, plusieurs chefs d'inculpation pèsent sur eux, dont la constitution d'une bande dans le but de commettre des actes terroristes et des violences. «La loi antiterroriste au Maroc a juste apaisé des pressions étrangères, alors que nous n'en avions pas besoin. Le Maroc est d'ores et déjà doté d'un arsenal juridique suffisant. Avec cette loi, tous les dossiers sont maculés de violations au nom de simples appartenances ou choix idéologiques», souligne Me Naïma Guellaf. «Le traitement accordé à ce dossier est vindicatif, à notre sens. Nous ne cesserons de revendiquer l'abolition de la loi antiterroriste au Maroc», martèle Khadija Ryadi, présidente de l'AMDH, qui réunit en ce moment toutes les données afin d'établir un rapport complet sur l'attentat de la Place Jamaâ El Fna.