Le 2e rendez-vous du Forum de la capitale rappelle la persistance des disparités sociales et urbaines dans la ville de Rabat. Le résorption des bidonvilles arrive en tête des préoccupations. Immeubles de haut standing, villas gigantesques dans le quartier Souissi, rues « clean », parterre de fleurs dans les carrefours. A première vue, Rabat est une ville propre, peu peuplée, et ses habitants sont enviés par ceux des autres villes du pays. Ne jamais rester sur la première impression… Il suffit de faire un tour du côté de quartiers de Yacoub El Mansour ou Youssoufia pour se rendre compte que l'homogénéité de la ville n'est qu'apparente. Et les chiffres viennent conforter ces observations. Lors du 2e forum de la capitale tenu jeudi dernier à Rabat, Mekki Zouaoui, économiste qui a animé les débats, a mis des chiffres sur cette réalité. «Le taux de pauvreté est deux fois plus élevé à Yacoub El Mansour (3,16%) qu'à Agdal Riad (1,40%)». La fracture urbaine est donc béante, dans une ville qui devrait donner l'exemple. «La ville de Rabat a des responsabilités nationales, elle doit être un exemple, en particulier au niveau de la mixité sociale», soutient Abdelkader Kaioua, inspecteur régional de l'Aménagement du territoire. Le L'architecte-urbaniste Olivier Toutain, présent lors du forum de la capitale, a révélé les résultats d'une étude récente d'Al Omrane à laquelle il a participé. Plusieurs milliers de ménages ayant vécu dans des bidonvilles puis qui ont bénéficié d'opérations de résorption ont été sondés. Le premier constat qui ressort est l'amélioration des conditions de vie de ces ménages. «Tous les gens sont unanimes, ils ne regrettent pas d'avoir quitté l'insalubrité de leur ancien logement». Cependant, «s'il ont un toit digne, il ressort pourtant le lien économique extrêmement fort qu'ils ont avec la ville». Ainsi, Olivier Toutain «doute fort que des personnes aussi bien intégrées à Rabat, comme dans le douar Garaâ, à travers leur économie (le taux de chômage est très faible dans les bidonvilles, contrairement aux idées reçues), aient envie d'être déplacés loin de leur base». Rabat dispose d'une spécificité qui révèle l'absence de mixité sociale en son sein. En effet, en 20 ans, sa population n'a pas connu d'augmentation, si bien que son poids démographique dans la région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaërs a baissé, passant de 68% en 1971 à environ 35% à l'heure actuelle. Ce taux s'explique par le fait que Rabat est devenue en quelques années une ville transit, pour une masse de travailleurs qui habitent souvent dans des villes périphériques comme Témara, Skhirat, Kénitra, ou même Khemisset. Parmi les contraintes identifiées, on ne trouve pas uniquement la rareté du foncier, que de nombreux élus locaux pointent du doigt pour leur défense. Abdelkader Kaioua ajoute «la faiblesse de l'accompagnement social, la faible implication des partenaires, ainsi que la réticence des populations». Aujourd'hui, le premier défi qui s'impose est la résorption des bidonvilles. On comptabilise près de 6 000 ménages vivant dans les bidonvilles à Rabat. Quant à ceux vivant dans les quartiers et zones vétustes, (pas uniquement dans les bidonvilles) ils sont 100 000 au total, pour la plupart touchés par la pauvreté, même s'ils travaillent pour la grande majorité. Vivre en dehors de la capitale est la solution souvent proposée aux ménages bidonvillois par les programmes de relogements. Ménages qui refusent de s'éloigner de ces lieux, aussi vétustes soient-ils. L'idéal pour eux serait d'être relogés dans des logements salubres, mais au sein même de la ville. Ce qui conduit les pouvoirs publics à l'impasse. Pourtant, d'autres espaces pourraient devenir des zones d'habitat social. A titre d'exemple, «le plan d'aménagement d'Akreuch, nouvellement approuvé, n'a prévu aucun territoire pour accueillir des logements sociaux alors que sur le millier d'hectares, une partie aurait suffi à désengorger les habitats insalubres de la ville», précise Mekki Zouaoui. Même problème au niveau de Yacoub El Mansour, où des terrains sont toujours vacants.