Trois mois de contestation et autant de répression. Depuis des jours, les forces de l'ordre syriennes ont entrepris de ratisser les villes pour éradiquer le mouvement de contestation. Entre désinformation et propagande, l'Onu exhorte Damas de l'autoriser à envoyer une mission d'experts pour enquêter sur les violences. Contraints à l'exode, les réfugiés syriens affluent aux frontières turque et libanaise. Plus de 9 000 personnes ont déjà trouvé refuge sur le sol d'Ankara, mais de l'autre côté de la frontière, ce sont des milliers de Syriens qui attendent, espérant obtenir l'autorisation de pénétrer en Turquie. En face, l'accueil s'organise et de nouveaux camps de réfugiés sont en train d'être montés. Au Liban, 5 000 personnes ont également passé la frontière. A l'origine de cet exode : la répression brutale des autorités syriennes, qui ont entrepris de ratisser les villes pour éradiquer l'opposition. Selon Reuters, des blindés de l'armée ont été déployés à l'Est, à Deir al Zor, autour d'Albou Kamal, mais aussi dans les villages autour de Djisr al Choghour, non loin de la frontière turque. Le mode opératoire est rodé, selon un témoin. « C'est un modèle qui se répète à travers le pays. La garnison locale se retire dans ses casernes puis quitte la ville en espérant que le désordre s'installe. Soldats et chars reviennent plus tard en force pour balayer les manifestants », a expliqué ce militant pro-démocratie à Reuters. Des centaines de personnes auraient été arrêtées et d'autres tuées. Objectif : mater définitivement le mouvement de contestation. Depuis le 15 mars, des manifestations sont organisées à travers le pays. Le mouvement a peu à peu pris de l'ampleur et face à la réaction brutale des autorités, les protestataires ont radicalisé leurs revendications. Si au départ les Syriens demandaient plus de liberté et de justice sociale, aujourd'hui ils demandent un changement de régime. Un mouvement inacceptable pour le pouvoir en place, qui a réagi par la force. Ankara a lancé une mission diplomatique auprès de Damas. Premier pas de l'opération, mardi, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, s'est entretenu par téléphone avec le président syrien. Lors de ce long entretien, M. Erdogan a exhorté Bachar al Assad à mettre fin à la répression et à mettre en place des réformes. Deuxième étape, un émissaire du président Bachar al Assad, Hassan Tourkmani, s'est rendu à Ankara où il a rencontré le Premier ministre turc. Pendant ce temps, le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, s'est rendu mercredi dans la province turque de Hatay pour visiter les camps de réfugiés situés à la frontière syrienne. Hier, une réunion des ambassadeurs turcs de la région était prévue pour dessiner la nouvelle ligne politique d'Ankara à l'égard de Damas. Un des grands points d'interrogationde la situation syrienne est celui de l'information. Et pour cause, les médias étrangers n'ont pas droit de couvrir les évènements. Résultat : des informations souvent imprécises ou non vérifiées faute de sources, de la propagande, de la désinformation,… Dur de savoir ce qui se passe réellement en Syrie. C'est d'ailleurs le premier constat du rapport préliminaire publié mercredi 15 juin par le Haut commissariat de l'Onu aux droits de l'homme. Le Bureau du HCR décrit en introduction « l'impossibilité pour son équipe de se déployer sur le sol syrien ». Ne pouvant se rendre sur le territoire de Damas, une commission du Haut Commissariat s'est rendue en Turquie à la rencontre des réfugiés syriens, pour recueillir leurs témoignages, souvent accablants en matière de violations des droits de l'Homme. Le rapport se base donc sur des témoignages de réfugiés et sur des informations émanant d'organisations et observateurs des droits de l'Homme. Suite à ce recueil d'informations, le rapport dénonce un « usage excessif de la force, des détentions arbitraires, des exécutions sommaires et la torture ». Après trois mois de contestation et autant de répression, plus de 1 100 personnes sont mortes et environ 10 000 ont été arbitrairement détenues. L'Onu continue de demander à la Syrie d'autoriser une enquête d'experts onusiens sur son territoire, pour déterminer l'ampleur et les responsables des violences. Pour l'instant, Damas refuse tout feu vert à une mission d'enquête sur son territoire. Céline Girard