Dans une distribution des rôles savamment élaborée, le PJD et le MUR se présentent comme les défenseurs de l'Islam, un domaine strictement réservé à Amir Al Mouminine. A quelques heures de la promulgation du projet de la Constitution, les islamistes du MUR, tiennent à jouer les trouble- fête. Sous le substrat de « défendre les principes de la nation » et « la religion musulmane » contre les laïques, la matrice du PJD, dans un communiqué de son bureau exécutif réuni le 11 juin, se lance dans une série de mises en garde contre toute atteinte à la place de l'Islam comme « religion de l'Etat, telle qu'elle figure dans l'actuelle Constitution ». L'article 6 de la Constitution de 1996, en vigueur pour quelques jours encore, stipule en effet que « l'Islam est la religion de l'Etat qui garantit à tous le libre exercice des cultes ». Pour le mouvement présidé par Mohamed Hamdaoui, « le référentiel islamique est l'un des fondements de l'Etat marocain » et constitue sa « spécificité ». Du coup, le MUR propose de la « consolider » au lieu de la « banaliser et de la contourner ». Les conservateurs du MUR mettent en garde contre toute modification de l'appartenance du Maroc à la nation arabe et musulmane, la langue arabe en est d'ailleurs le symbole. « La révision de la Constitution est une occasion de consolider la place de la langue arabe », et ce, en insistant sur « les garanties juridiques et constitutionnelles à même de concrétiser l'officialisation de la langue arabe ». Le bureau exécutif de MUR se réunira le 19 juin pour débattre du document de la Constitution que le PJD va lui remettre. Ce mouvement n'est pas membre du mécanisme politique du suivi de la révision de la Constitution. Ne dérogeant point à sa ligne, le MUR tire à boulets rouges sur toutes les manœuvres visant à contourner ce principe, par la mise en place d'une « structure des langues et dialectes » à même de fragiliser la position de la langue arabe. Cette position réactionnaire des intégristes du MUR, de surcroît en déphasage avec la réalité du pays, traduit un sentiment de malaise suite aux annonces, dans les médias, de l'officialisation de la langue amazighe dans le projet de Constitution. Une perspective qui a suscité des grincements de dents chez les chantres du conservatisme, entre ceux en barbes et djellabas et les autres en costumes et cravates. L'Istiqlal et quelques petites formations, telles Annahda Wa Al Fadila de Khalidi, Réforme et Développement de El Kouhen, un ancien du RNI, ou encore le Parti du renouveau et de l'équité de Achahbar, un ancien du MP, ont des positions parfaitement en phase avec celles exprimées par le mouvement de Mohamed Hamdaoui. Par ailleurs, le MUR se positionne en véritable défenseur de l'identité nationale. Cette fois, il met en sourdine sa politique de mise en garde et sonne le tocsin de la « mobilisation ». « Si le MUR se lance dans une politique de mise en garde, Benkirane du PJD, ne faisant pas dans la dentelle, menace de voter contre le projet de Constitution, si « le référentiel islamique de l'Etat » est modifié. Une position exprimée par le secrétaire général de la Lampe, vendredi à Témara, lors d'un meeting organisé par la jeunesse du parti, au cours duquel Benkirane a exhorté le roi à intervenir pour introduire des modifications au document élaboré par la Commission Mennouni, accusée par le SG du PJD d'être des « agents du colonialisme » qui œuvrent pour fragiliser la langue arabe. Soufflant le chaud et le froid, Benkirane a souligné que « les rois de la dynastie alaouite ont été assistés par l'Islam et les ouléma » et non par des parties tierces. Le message est on ne peut plus clair. Il appelle les religieux de toutes tendances, les intellectuels, les partis politiques et la société civile à « faire face à toute tentative à même de perturber notre pays dans cette phase historique », au cours de laquelle le peuple aspire à « une Constitution démocratique qui consolide l'islamisation de l'Etat et renforce l'identité nationale ». La messe est dite. Le bureau exécutif du Mouvement unicité et réforme se réunira le 19 juin pour débattre du document de la Constitution que le PJD va lui remettre, sachant que le MUR n'est pas membre du mécanisme politique du suivi de la révision de la Constitution. Mohamed Jaabouk