Günther Uecker est un peintre et plasticien allemand de génie. Il était présent jeudi soir pour le vernissage de son installation “L'homme torturé : 14 outils pacifiés” à l'ex-église du Sacré Cœur. Ce soir-là, à l'ex-église du Sacré-Coeur, un grand nombre de représentants des instances de droits de l'homme, de férus d'art et des étudiants ont tenu à honorer la présence du grand artiste à Casablanca. Le grand hall de l'ex-église était empreint d'une atmosphère singulière qui oscillait entre menuiserie d'époque et hôpital de campagne. Les curieuses installations en bois formées de 11 objets et 3 tableaux revêtaient toutes les formes de torture. Disséminées dans la salle et formées de lattes de bois, elle étaient percées, dans leur majorité, d'un enchevêtrement impressionnant de clous dont certaines enveloppées de tissus blancs. On y trouvait un âtre torturé par les clous où crépite un feu synthétique, de grands poteaux de bois formant des pièces énormes, des râteaux géants gisant à même le sol, une installation en vinyle montée sur du sable, un puits en bois gigantesque, ou encore des pierres noires érigées à même le sol et coiffées de bandages blancs. Oui, curieusement, les lattes de bois criblés de clous sont couvertes de tissus blancs, en guise de pansements. Comme si les blessures infligées aux objets sont vite pansées et soigneusement recouvertes. Un artiste du vécu En fond de toile défilait une vidéo qui montrait l'artiste transperçant les objets de clous puis les pansant soigneusement. Curieux mélange de torture et de pacifisme qui est sans doute un clin d'œil au titre «14 outils pacifiés ». Les 3 tableaux de l'exposition, ocre, jaune, ou noir, sont un travail d'empâtement lacéré par des dizaines de clous en fer, ou aussi des pierres noires engoncés et enroulés. On ne sait plus si l'artiste part en guerre contre la société, ou entreprend de trouver des solutions, neutralisant ou «pacifiant» l'aspect destructif de l'homme. Gunther Uecker est un grand humaniste qui s'inspire du vécu et qui exprime ses “révoltes” dans les objets et la matière. Gunther Uecker est un grand humaniste qui s'inspire du vécu et qui exprime ses «révoltes» dans la matière. «Mes travaux les plus récents sont des actes exprimant mon sentiment de désolation envers les gens qui passent leur temps à mettre les autres en danger», dit-il. Profond humaniste, grand voyageur adepte de contrées mystiques, et professeur à l'Université de Düsseldorf où il a fait ses études de Beaux-Arts, il est préoccupé par des problématiques politiques. Artiste de l'existentiel, il traduit son indignation face à la xénophobie et la discrimination a l'égard des personnes qui ont des opinions différentes .“Les blessures et les violences des hommes, faites aux hommes, sont de plus en plus au centre de mon travail artistique”, explique-t-il. Né en 1930, Günther Uecker a grandi en Allemagne de l'Est (RDA), et appartient à cette génération qui a subi la guerre pendant son enfance. Dans ses œuvres, il explore les tiraillement de l'Allemagne d'après-guerre. « L'Homme torturé – 14 outils pacifiés » est aujourd'hui mondialement connue. Depuis sa création, cette exposition a fait le tour du monde, de l'Ouzbékistan à l'Afrique du Sud. Sa halte chez nous est assurément une bouffée d'art frais. Jusqu'au 28 juin à l'ex-église du Sacré-Coeur. Casablanca. Tel. 05 34 73 26 50