Le dossier de l'accord agricole, en hibernation forcée au Parlement européen, est sur le point de sortir des bras de Morphée. Est-ce le bout du tunnel pour la ratification de l'accord agricole entre le Maroc et l'Union européenne ? Après presque 18 mois de stagnation à cause du blocage du Parlement européen qui ne cesse de soulever la question du Sahara, la Commission européenne a enfin osé franchir le Rubicon. Dans une lettre portant sa signature, Catherine Ashton, la haute représentante de l'UE, s'est adressée la semaine dernière aux eurodéputés reconnaissant à Rabat sa souveraineté sur le Sahara, sous le titre de « puissance administrative ». « Le Sahara occidental est un territoire non-autonome et le Maroc est la puissance administrative de facto », souligne la missive de la diplomate anglaise. Il découle de cette reconnaissance que « les exportations de produits du Sahara occidental, son de facto régulés par les lois internationales (…) et si l'administration du Maroc au Sahara est admise, elle est sous l'obligation légale de respecter les principaux engagements de la loi internationale (celle des Nations-Unies, ndlr) ». Et de conclure « qu'il est tout à fait normal d'appliquer ces lois en y incorporant les produits agricoles et de pêches à l'accord d'association ». Pour calmer les pro-polisario au sein du Parlement de Strasbourg, Catherine Ashton a mis en exergue la volonté marocaine de « coopérer », à garantir une distribution des bénéfices des exportations agricoles et de la mer du Sahara, à la population locale. La diplomate a annoncé que le Maroc comptait présenter cette année à la Commission européenne, un rapport sur les activités agricoles et de pêche dans la région du Sahara. La position européenne sur la question du Sahara tranche complètement avec celle des Etats-Unis. En 2004, lors des négociations sur l'accord de libre-échange avec le Maroc, Robert Zoellick, à l'époque ministre du Commerce, avait adressé une lettre à un sénateur pro-polisario, dans laquelle il soulignait que « la souveraineté sur le Sahara occidental (était) objet de conflit. Les Etats-Unis soutiennent complètement les efforts des Nations Unies cherchant à aboutir à une solution à ce problème. Les Etats-Unis et plusieurs pays ne reconnaissent pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Ils ont incité, à plusieurs reprises, les parties à œuvrer avec les Nations Unies, pour une solution pacifique à ce conflit ». Et d'ajouter que l'Accord de libre-échange « concerne le commerce et l'investissement sur le territoire marocain, tel qu'il est reconnu internationalement et n'inclut pas le Sahara Occidental ». Sur cette question, le gouvernement marocain a toujours opté pour le silence. La présentation d'un tel rapport n'est pas sans conséquence politique au Maroc, puisque la souveraineté du royaume au Sahara en sera un petit peu écornée. Le document de Catherine Ashton est dans l'ensemble favorable à Rabat, bien qu'il ne lève nullement les obstacles devant la ratification de l'accord agricole. Une ratification qui demeure conditionnée au feu vert des eurodéputés. Notons toutefois que les relations entre cette institution et le Maroc ne sont pas au beau fixe. Et c'est encore un euphémisme ! Convaincre le Parlement de Strasbourg ne s'annonce guère aisé, notamment à cause de la forte présence du lobby polisarien, une puissance de frappe qui ne manque pas de moyens, si l'on en croit le retard pris dans la ratification de l'accord agricole à Strasbourg. Pour mémoire, le 13 décembre dernier, à l'occasion de la réunion mixte Maroc-Union européenne, chargée du suivi de l'accord d'association, un nouvel accord agricole a été signé. Un acte qui avait mis un terme à des mois d'atermoiements de la part de l'UE. Et pour cause, depuis le 17 décembre 2009, Rabat et Bruxelles avaient convenu d'augmenter le contingent de certains produits agricoles marocains, écoulés sur le marché des Vingt-Sept. Catherine Ashton a conclu sa lettre en rappelant aux euro-députés « l'importance » de ratifier cet accord qualifié d'« opportunité spéciale » pour les exportations européennes en ces temps de vaches maigres.