Le Maroc traverse en ce moment une zone de turbulences. Les revendications de la rue sont aussi variées que les besoins et les opinions du peuple sont divers. L'Etat s'exprime avec force en faveur d'une évolution de la gouvernance mais conserve, ça et là, des réflexes répressifs. Selon notre gouvernement, sur les 100 manifestions (légales ou illégales ?) organisées dans notre pays dimanche dernier, seules deux d'entre elles, auraient été prohibées car influencées par des mouvements gauchistes et/ou islamistes car les forces de l'ordre auraient été provoquées. Le gouvernement assure parallèlement qu'il trouve que le Mouvement du 20 février constitue une saine expression de la jeunesse, tout en interdisant expressément et nominativement à certains « leaders » de ce même mouvement de manifester. Effarant et instructif sur l'état d'esprit de nos gouvernants ! Effarant d'entendre de la bouche même d'un ministre issu de la mouvance communiste qu'il réprime des gauchistes ! Effarant de s'apercevoir que le gouvernement de Sa Majesté s'assume dans une posture digne des sombres heures du Maccarthisme ! Effarant, enfin, de s'apercevoir que la « provocation » (non violente) d'agents en charge du maintien de l'ordre public est un élément suffisant pour une intervention musclée et visiblement proactive vis-à-vis des manifestants. Instructif, par ailleurs, car ce que nous pourrions déduire du message du gouvernement est que seuls les citoyens qui ne seraient pas réputés gauchistes ou islamistes auraient le droit de manifester illégalement et que pour les autres, la matraque serait de rigueur ! Instructif car nous pourrions être amenés à penser que cette vaste coalition hétérogène qui nous gouverne ne serait pas prête à tolérer que le peuple s'exprime au-delà du spectre politique qu'ils représentent et qu'elle s'octroie le droit d'utiliser les moyens et l'autorité de l'Etat pour « encadrer » les opinions. Je n'ai pas, personnellement, de penchants pour la gauche extrême ou l'islamisme politique, mais il m'est inconcevable de différencier l'approche de l'Etat vis-à-vis de mes concitoyens en fonction de leurs présupposées chapelles politiques. Il m'est tout autant difficile de croire qu'au moment où le Maroc s'apprêterait à franchir le pas vers une démocratie affirmée et assumée, les représentants du peuple, qui pour la plupart aspirent à renouveler leurs mandats, puissent continuer à soutenir un gouvernement qui assume publiquement une répression pour « délit » d'opinion. Nos représentants ont tous les instruments entre leurs mains pour censurer cette attitude gouvernementale non tolérable. A la veille de plusieurs consultations populaires annoncées, ils se feraient un point d'honneur à soutenir un gouvernement neutre et impartial capable d'organiser un référendum constituant suivi de législatives transparentes. Ils gagneraient une légitimité de démocrates et pourraient, sans rougir, se représenter à nos suffrages décorés d'un fait d'armes en phase avec les réformes que les Marocains sont en droit de réclamer. Le moment est venu pour les représentants du peuple marocain de s'exprimer en son nom, au sein des institutions existantes et d'utiliser tous les moyens dont ils disposent, aujourd'hui, pour apporter un soutien décisif et massif au processus de réformes engagé par sa majesté le roi dans son discours du 9 mars. Le destin d'un homme politique se mesure à des actions courageuses face à un évènement exceptionnel. Une motion de censure est la dernière opportunité offerte aux locataires de l'Hémicycle pour s'exonérer d'une contribution jugée sévèrement par nombre d'observateurs de la vie politique de notre pays. Sauront-ils la saisir ? Rien n'est moins sûr !