Issam Bouassria, architecte du patrimoine qui prépare une thèse sur les lieux de culte dans la médina de Rabat, évalue les chances qu'a la capitale d'être classée au patrimoine mondial de l'Unesco. Rabat va bientôt déposer sa candidature pour être inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco. La ville a-t-elle ses chances ? Ceux qui vont déposer le dossier de candidature pensent que Rabat, par son passé colonial et son ancienne médina, possède un patrimoine assez riche pour être inscrite au patrimoine mondial. Nos chances augmentent surtout avec la partie coloniale, parce qu'il y a un urbanisme assez intéressant, surtout celui de Henri Prost (urbaniste français). Qu'est-ce qui pourrait entraver ses chances ? Les conditions de sélection sont de plus en plus sévères. Les constructions anarchiques qui poussent dans la médina, ainsi que le nouveau tunnel des Oudayas pourraient compromettre nos chances. Ils menacent tout deux l'authenticité d'un paysage pittoresque. Issam Bouassria Vous préparez votre thèse de doctorat sur les lieux de culte dans la médina de Rabat. Comment y évolue la place de ces mosquées ? On construit énormément de mosquées, mais on en perd également beaucoup, surtout les plus anciennes. Plusieurs d'entre elles sont détruites du fait des problèmes de sécurité que leur insalubrité pourrait causer. Qu'en est-il de la restauration de ces lieux ? Elle doit se faire, mais selon certaines règles. On doit se mettre d'accord sur la façon d'agir. Or aujourd'hui, ce n'est pas le cas. A ce sujet, il n'y a pas d'architecte du patrimoine au Maroc, le diplôme n'existe pas. Il n'y a qu'un master à l'école nationale d'architecture (ENA), mais il n'a pas amassé beaucoup d'étudiants. C'est insuffisant pour aborder ce sujet. La préservation du patrimoine est en danger avec la destruction de ces mosquées ? Le problème qui se pose est que l'on ne connaît pas la manière dont les anciennes mosquées ont été construites. Le ministère des Habbous et des affaires islamiques est actuellement en train d'effectuer des recherches à ce sujet. Il va cataloguer les anciennes mosquées, mais aucune véritable recherche sur la question n'est encore amorcée. Lors de vos nombreuses visites dans la médina de Rabat, quelles observations avez-vous pu faire ? Depuis quelques mois, ce que j'ai observé a un rapport avec le jalonnement de l'espace de la médina. C'est une sorte de corps visuel. J'ai remarqué que l'emplacement d'une mosquée n'est jamais dû au hasard. Je l'ai vérifié plusieurs fois et en suis ressorti avec les mêmes constats. Le minaret est l'élément principal indiquant le chemin, mais il existe aussi des mosquées de quartier avec des minarets de taille moyenne, puis des petites mosquées avec une porte reconnaissable. Et à chaque fois que l'on croit qu'on est perdu dans une ruelle de la médina de Rabat, c'est souvent une mosquée ou un four qui nous indique quel chemin emprunter. En quoi les constructions anarchiques représentent-elles un danger pour la médina de Rabat ? Elles représentent un danger patrimonial. Le Maroc s'accroît économiquement et les gens peuvent se permettre de construire plus qu'avant. C'est un danger parce que ces constructions ne respectent pas des normes déterminées. Nous n'avons pas de plan de sauvegarde dans notre pays. C'est un plan qui étudie les bâtiments de la médina, fiche par fiche, puis qui établit l'intérêt architectural et historique de chacun d'entre eux. Et le propriétaire du bâtiment en question ne peut pas effectuer de changements sans en aviser l'autorité concernée. Propos recueillis par Selma T.Bennani