Malgré la menace d'une intervention de l'armée, le mouvement ne faiblit pas. En plus de la place Tahrir, haut-lieu de la révolte, le Parlement et le siège du gouvernement sont à présent encerclés. Un mouvement de grèves secoue également l'ensemble du pays. Le bras de fer entre la rue et le président égyptien se poursuit. Les manifestants n'entendent pas céder, et Moubarak, semble-t-il, non plus, semble-t-il. Jeudi, la place Tahrir est restée remplie. Chaque nuit, l'épicentre du mouvement de contestation reste occupé par quelques irréductibles qui y installent leurs tentes, non loin des tanks. Dès le petit matin, les protestataires scandent haut et fort «Le peuple veut faire tomber le régime», leitmotiv de la révolte anti-Moubarak qui fait vibrer le pays depuis dix-huit jours. Dans la foule, des pancartes affichant les portraits de manifestants morts lors des violences -environ 300 morts selon l'ONU et Human Rights Watch- sont visibles. Depuis mercredi 9 février, des centaines de contestataires se sont placés aux abords des bâtiments qui abritent le Parlement et le siège du gouvernement. Un endroit stratégique pour manifester contre le régime. Reflets des revendications fermes des manifestants, les slogans fusent : «Non à Souleimane !», «Non aux agents américains», «Non aux espions israéliens», «A bas Moubarak». Des protestataires ont passé la nuit de mercredi à jeudi sur les deux bords de la chaussée menant au Parlement, sous des tentes en plastique. Le numéro 2 de l'armée, le général Sami Enan, a rendu visite jeudi matin aux manifestants, assurant la neutralité des soldats à condition que la manifestation soit pacifique. En réponse au mouvement de contestation, le pouvoir n'a pas hésité à brandir la menace d'une intervention de l'armée. Le ministre des Affaires étrangères Ahmed Aboul Gheit a prévenu que celle-ci interviendrait «en cas de chaos pour reprendre les choses en main». Le canal de Suez, talon d'Achille de l'économie En dehors de la capitale, d'autres rassemblements ont eu lieu dans plusieurs villes des provinces, gagnées par la grogne sociale, comme Assiout ou Kharga. Des milliers de salariés et d'ouvriers réclament depuis le 9 février des augmentations de salaires ainsi que de meilleures conditions de travail. Plusieurs entreprises sont touchées, telles que les compagnies d'électricité, les usines textiles ou encore les entreprises de transport. Mais ce qui préoccupe tout particulièrement le gouvernement, c'est la situation du canal du Suez. Le mouvement de grève a touché les arsenaux de Port-Saïd, situés à l'entrée du canal, où environ 6.000 ouvriers se seraient mobilisés. En 2010, le canal a rapporté environ 5 milliards de dollars à l'Egypte. Une poule aux œufs d'or que le gouvernement couve de très près, soucieux de protéger son économie nationale. Mais l'Egypte n'est pas le seul pays concerné, puisque la fermeture du canal ou un ralentissement du transit entraîneraient une flambée des prix du baril de pétrole sur le marché international.