Les législatives irakiennes de dimanche 7 mars intéressent les Américains qui sont la puissance occupante et qui devraient quitter le pays fin 2011, l'Iran qui a accru sa présence en Irak pendant l'occupation américaine. Mais il y a aussi l'Arabie Saoudite qui s'inquiète de la montée en puissance militaire de l'Iran, la Turquie et la Syrie, elles aussi intéressées. Mais Téhéran devra jouer finement pour contrer une puissante résurgence du nationalisme irakien, qui complique sa quête d'un régime chiite ami et, si possible, hostile aux Etats-Unis à Bagdad. De son côté, le président Barack Obama espère que le scrutin débouchera sur un régime plus laïque, plus représentatif et plus stable qui permettra le rapatriement en bon ordre des militaires américains. L'Arabie saoudite, la Turquie et la Syrie poursuivent aussi leurs propres intérêts chez leur voisin, dont les divisions et tensions ethniques, religieuses et politiques alimentent la vulnérabilité. L'Arabie saoudite, la Turquie et la Syrie poursuivent leurs intérêts en Irak dont les tensions ethniques, religieuses et politiques alimentent la vulnérabilité. «L'Etat irakien reste si faible, sa souveraineté si perméable et sa classe politique si divisée que c'est presque une invitation à l'ingérence», souligne l'International Crisis Group (ICG). «L'influence de l'Iran est palpable, s'étend à tout le pays et à son élite politique, même à travers les clivages religieux.» Dans un rapport sur l'état du pays avant les élections, l'ICG note que l'Iran influence, bien plus que les Etats arabes, la diplomatie, le commerce, les contrats de gaz, l'aide à la reconstruction et les dons religieux en Irak. Tous les Etats voisins sont pour un Irak stable et unifié. Ils ont des raisons de craindre son implosion, susceptible de dégénérer en conflit régional. Mais ils ne veulent pas d'un Irak fort qui les menacerait. Les Irakiens croient volontiers que tel ou tel pays soutient tel ou tel parti, telle ou telle milice, envoie des combattants et fomente des attentats. Quand une commission contrôlée par les chiites a interdit un demi-millier de candidats sunnites pour liens présumés avec l'ancien régime baassiste de Saddam Hussein, certains Irakiens et les Américains y ont vu la main de l'Iran. Deux sunnites en vue figurent parmi les bannis, mais, si leur minorité n'en boycotte pas pour autant les élections, comme en 2005, cette initiative a ravivé les tensions entre les communautés. Les soupçons d'ingérence étrangère ont également été nourris par la visite fin février de l'ancien Premier ministre chiite laïque Iyad Allaoui à Ryad, où il a été reçu par le roi Abdallah et le chef du Renseignement saoudien. Abdallah a toujours refusé de recevoir Maliki et Allaoui a dénoncé les «esprits malades» qui cherchent à éloigner l'Irak de ses voisins arabes sunnites. L'Arabie, qui se veut le bastion de l'islam sunnite, s'inquiète de l'influence grandissante de l'Iran en Irak depuis l'invasion de 2003. Certains religieux saoudiens soutiennent la guérilla sunnite et certaines fortunes d'Arabie la financeraient, mais, selon l'analyste irakien basé à Dubaï Mustafa Alani, le gouvernement de Ryad lui-même évite de s'ingérer. La Turquie, qui craint les aspirations des Kurdes irakiens et soutient la minorité turkmène du nord de l'Irak, ne veut pas s'aliéner le gouvernement central de Bagdad et craint les ambitions nucléaires iraniennes. La Syrie, qui se défie également du nationalisme kurde et souligne l'»identité arabe» de l'Irak, dément les accusations irakiennes et américaines voulant qu'elle laisse des activistes sunnites s'infiltrer à partir de sa frontière. Damas s'efforce de concilier son souci de voir un régime arabe nationaliste et laïque s'installer à Bagdad, sa vieille alliance stratégique avec Téhéran, ses liens avec divers groupes irakiens et son souci de se rapprocher de Washington. «La Syrie ne peut tolérer le chaos en Irak. Ce n'est pas dans l'intérêt de la Syrie d'avoir des bandes armées écumant les rues de Bagdad en prêchant un islam politique radical», analyse Sami Moubayed, rédacteur en chef du magazine anglophone syrien Forward. Quels que soient les résultats des élections irakiennes, l'Irak pourrait ne pas trouver la stabilité requise si sa classe politique n'arrive pas à un partage équitable du pouvoir, des territoires et des ressources du pays, estime Joost Hiltermann, directeur adjoint programme Moyen-Orient à l'ICG. Il revient selon lui aux Etats-Unis, qui ont créé une nouvelle réalité en Irak, d'aider les Irakiens à aboutir à ces nouveaux équilibres pour permettre une authentique réconciliation ethnique et religieuse, mais cela implique de retarder le retrait de l'armée américaine.