Les médicaments à base de dextropropoxyphène à savoir, Di-Antalvic et Propofan, ainsi que leurs génériques (Bisedal,Paradex, Bialgan…), seront interdits de vente dans les pharmacies à partir du 31 janvier. Mieux vaut tard que jamais ! Le ministère de la Santé a enfin décidé le retrait, du marché marocain, à partir du 31 janvier 2011, de tous les médicaments à base de dextropropoxyphène, un antalgique, dérivé de morphine et utilisé pour traiter les affections douloureuses d'intensité modérée à intense chez l'adulte. Dans son communiqué qui date du 28 décembre, le ministère précise que la décision a été prise le 26 novembre dernier à l'issue de la réunion de la Commission nationale consultative de pharmacovigilance. «Et ce n'est qu'un mois après que Yasmina Baddou rend publique la décision des experts de pharmacovigilance. Elle ne sera effective que le 31 janvier prochain. Déjà, le Maroc est en retard par rapport aux autres pays en Europe concernant le retrait de cette molécule des officines qui constitue un danger réel pour la santé des patients», déplore un professionnel. Certes, la ministre de la Santé a demandé aux industriels pharmaceutiques, détenteurs des autorisations de mise sur le marché de ces médicaments, le rappel de tous les lots disponibles sur le marché national et la destruction des lots rappelés ainsi que ceux détenus dans leurs stocks. «Toutefois, deux mois sont suffisants pour ces laboratoires pour écouler leurs marchandises», regrette celui-ci. Toujours selon le communiqué de la Santé, le retrait de ces médicaments anti-douleur du marché national a été pris suite à la «publication des résultats des dernières études menées au sujet de la prescription des médicaments à base du principe actif «dextropropoxyphène», mettant en cause le risque de toxicité cardiaque». La ministre de la Santé fait certainement référence aux études menées en Europe et aux Etats-Unis. «Parce que si des études ont été faites au Maroc, Yasmina Baddou aurait communiqué des données chiffrées concernant les cas du Maroc», conclut ce professionnel. Une question s'impose : quel est donc le rôle de nos experts de la pharmacovigilance ? Le communiqué de la Santé soulève également une autre interrogation : quels sont ces médicaments qui contiennent le dextropropoxyphène ? Le ministère de la Santé ne mentionne pas dans son communiqué les noms commerciaux des médicaments, qui sont plus connus chez les patients que le nom scientifique de la molécule active. L'automédication est très fréquente avec les antalgiques. Nombreux sont ceux qui ne jugent pas bon de consulter un médecin pour une douleur musculaire ou de dos. Nous avons donc posé la question aux professionnels. «Les médicaments à base de dextropropoxyphène vendus dans nos officines sont le Di-Antalvic et Propofan ainsi que leurs génériques comme Bisedal, Paradex et Bialgan», explique Redouane El Manjra, pharmacien d'officine à Casablanca et ex vice-président de la Fédération nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc. Selon ce professionnel, le flou plane sur cette affaire : «Nous avons reçu le 24 novembre dernier une lettre du ministère de la Santé datée du 29 octobre 2010, dans laquelle ce dernier affirme que les médicaments à base de dextropropoxyphène ne seront retirés du marché national que d'ici une année. Après quoi, le ministère procèdera à une réévaluation de la situation avant de prendre une telle décision. Il y a quelques jours, j'apprends, via la presse, que ces médicaments seront interdits de vente dans les officines, alors que nous n'avons reçu aucune note officielle à ce sujet», explique Manjra. Ladite lettre avait été adressée à ce dernier via le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens. Pour sa part, Mohammed Bennani Naciri, président du Syndicat national des médecins du secteur libéral, déplore la réaction tardive du ministère de la Santé et le non retrait immédiat des médicaments, sachant le dégré de toxicité qu'ils représentent. Ce dernier ne manque pas de préciser que certains médecins ne prescrivent plus ces médicaments à leurs patients suite à l'alerte donnée par l'Agence européenne il y a quelques mois. En effet, en juin dernier, l'alerte a été lancée par l'Agence européenne d'évaluation des médicaments (EMEA). L'institution, chargée de la surveillance et du respect des règles de sécurité applicables aux produits pharmaceutiques, a émis un communiqué dans lequel elle recommande le retrait progressif des marchés des pays européens, des médicaments antidouleur contenant le DXP/PC (Dextropropoxyphène/Paracétamol) dont le célèbre Di-Antalvic du groupe pharmaceutique français Sanofi-Aventis. Un produit antalgique commercialisé également au Maroc. Le gendarme du médicament sur le territoire européen a motivé sa décision par le «danger mortel» que ces médicaments représentent. L'instance européenne étaye ses conclusions par des données chiffrées, recueillies auprès des pays comme la Suède ou le Royaume-Uni où le nombre des décès par intoxication, volontaire (suicide) ou accidentelle est alarmant. Il est de «200 décès par an en Suède pour 9 millions d'habitants et entre 300 et 400 par an au Royaume-Uni pour 60 millions d'habitants». Ce qui a incité les autorités des deux pays en 2004 à retirer ces médicaments de leurs marchés nationaux. Les patients qui suivent un traitement à base de dextropropoxyphène peuvent être rassurés : des traitements alternatifs existent sur le marché national. Une consultation du médecin traitant est recommandée.