Le nombre élevé des participants et la forte mobilisation des membres d'Al Adl Wal Ihsane seraient à l'origine du report. Les eaux marocaines sont vitales pour les habitants de Mélilia, puisqu'elles représentent la totalité de l'eau potable qu'ils consomment. La marche de Mélilia du samedi 11 décembre a été reportée à une date ultérieure. Une surprise, puisque les organisateurs de cette initiative n'ont cessé de réitérer depuis plusieurs jours leur ferme volonté de tenir leur marche. Laquelle a connu une surmédiatisation notamment après que le conseil municipal de Farkhana a brandi la menace de cesser d'alimenter en eau potable le préside occupé. Une surmédiatisation qui nuit peut-être à la marche elle-même. Dans des déclarations au Soir échos, Saïd Chramti, le président de l'Association Grand Rif des droits de l'homme, assure que «la commission organisatrice s'attendait à la participation, dans le meilleurs des cas, de 30 à 40.000 personnes. Mais à notre surprise, en effectuant des estimations, nous avons atteint plus de 700.000 participants de tout le royaume. Un chiffre énorme qui exige une logistique et des infrastructures à même d'accueillir tout ce nombre. Or la ville de Nador ne peut en aucun cas garantir à toutes ces personnes l'accueil adéquat». Une raison qui n'explique pas, à elle seule, le report de la marche sur Mélilia. Notre interlocuteur avance en effet le facteur Al Adl Wal Ihsane. «Nous savons que le mouvement de Abdessalam Yassine a mobilisé ses partisans de Fès et d'Oujda afin d'assurer une forte présence de l'Association le jour de la marche. Au sein de la commission, nous avons eu des craintes quant à l'engagement des adlistes à obéir aux ordres, par exemple, de stopper la marche dans un endroit particulier. Des craintes nourries essentiellement par des expériences de ce genre avec l'Association». Et d'ajouter que «notre marche avait des objectifs bien précis que ne partage peut-être pas Al Adl Wal Ihsane ». Avant même que ne tombe l'annonce du report de la marche de Mélilia, les autorités espagnoles ont sonné le tocsin. Trois généraux, fins connaisseurs des dossiers de Sebta et Mélilia, ont été dépêchés sur place. Une mesure accompagnée du renforcement des forces stationnées dans le préside occupé avec 1.000 militaires. «Ce fort déploiement n'a pas empêché pour autant des jeunes de l'Association Grand Rif des droits de l'homme de hisser le drapeau marocain sur la place d'Espagne, en plein centre de Mélilia», note Chramti. Par ailleurs, la menace de cesser d'alimenter Mélilia en eau à partir de Farkhana a donné à la marche prévue le 11 décembre une aura nationale. Selon des calculs de la société civile de Nador, ces eaux représentent 10,15 % des besoins de la ville et non pas 1 % comme annoncé par les Espagnols. «Ce pourcentage est très vital pour les habitants de Mélilia, puisqu'il représente toute la quantité d'eau potable consommée par eux. C'est vrai que l'Espagne a installé des centrales pour le dessalement de l'eau de mer mais l'eau qu'elles fournissent est de mauvaise qualité, destinée uniquement au lavage. C'est dire que Mélilia, pour ses besoins en eau potable, dépend totalement du Maroc». C'est le cas de Sebta également. Mais le gouvernement marocain a annoncé par la voix de son porte-parole qu'il «n'envisage nullement de cesser d'alimenter Sebta et Mélilia en eau». Annulation et reports se répètent La marche sur Mélilia, prévue pour le 11 décembre, a subi le même couperet que celle du 4 décembre qui s'apprêtait à «marcher» sur Sebta. Deux décisions qui attestent si besoin est que les plans anti-Espagne du Maroc manquent de visibilité. Deux décisions, par ailleurs, qui sont loin de constituer des faits isolés. Il y a eu, malheureusement, des initiatives similaires annoncées tambour battant avant d'être avortées pour des raisons obscures. En 2008, le très controversé Yahya Yahya, président du conseil municipal de Farkhana et membre de la Chambre des conseillers, avait projeté d'organiser une «marche» par petites barques à l'îlot Leïla. L'initiative était une riposte des habitants de Nador à la visite de Juan Carlos à Sebta et Mélilia. Mais elle n'a jamais eu lieu, puisque le chef de la circonscription de Belyounche, à l'époque pas encore une province, avait refusé de délivrer l'autorisation à Yahya sous le prétexte ridicule qu'il n'habitait pas à Belyounche.