Miguel Ángel Rodríguez Mackay, ancien MAE du Pérou : La RASD n'a aucune existence selon le droit international    Tanger Med Port Authority : hausse de 11% du CA à fin septembre    Maroc-Corée du Sud : Karim Zidane en visite de travail en Corée du Sud    Bourse de Casablanca : une semaine dans le vert    Le sourire du président : une analyse psychologique entre sarcasme et gêne    Malgré son procès en cours, Dr Tazi reprend ses activités chirurgicales    UNAF U20: Les Lionceaux, en balade , se qualifient haut la main !    UNAF U17 : L'équipe nationale qualifiée pour la CAN    Liga : Trois personnes arrêtées pour des insultes racistes lors du dernier "Clasico"    CAN féminine : 27 joueuses convoquées par Jorge Vilda pour les amicaux contre le Botswana et le Mali    L'Académie Africaine des Sciences de la Santé, un projet stratégique pour le développement de la santé sur le Continent (Pr Belyamani)    Trafic d'or et blanchiment : Les douanes intensifient leurs enquêtes    Conservation des Thonidés de l'Atlantique : Le Maroc défend ses intérêts    Sonasid : 12% de hausse des ventes sur les neuf premiers mois    Samir : vers une réouverture de la raffinerie ?    Rabat : un agent de sécurité suspendu pour soupçons d'abus de fonction et de détournement de matériel    Polisario-aligned NGO warns French companies against investing in Sahara    Le soutien du Royaume-Uni à la souveraineté du Maroc sur le Sahara, « un impératif stratégique »    Addis-Abeba: Latifa Jbabdi élue vice-présidente de la plateforme des femmes africaines pour la justice transitionnelle    L'inexorable rejet international de l'inexistante «RASD»    Scientists announce the extinction of a bird last seen in Morocco in 1995    Météo Maroc : Temps chaud et vents violents avec chasse-poussières    Qualifs. CAN de Basketball 25 : Le Maroc obligé de vaincre cet après midi    Botola D1 J11. Acte II : IRT-MAT et RSB-HUSA au programme d'aujourd'hui    Victoire de Trump et échec des démocrates : quels enseignements pour les partis politiques au Maroc ? [Par Amine Karkach]    L'Uruguay retient son souffle avant le deuxième tour des présidentielles    Le Maroc lancera les premières adjudications relatives au gazoduc Afrique atlantique en 2025    Monopole des courtiers sur les rendez-vous de visa : Nasser Bourita tape du poing sur la table    Les dimensions de la visite du président chinois au Maroc : des transformations stratégiques    Arrestation de Boualem Sansal : l'hallucinante rhétorique antisémite du régime algérien contre Emmanuel Macron et la France qui appuie sa folle dérive autoritaire    Mohamed Khouyi remporte le prix du meilleur acteur au CIFF    Bensaid : Le théâtre, vecteur de la culture marocaine à l'international    Cinéma : Avec plus de 10 semaines en salles, Triple A" brille au BO    Speed-meetings : le sésame des artistes à Visa For Music    Le temps qu'il fera ce samedi 23 novembre 2024    Un souffle éthique au cœur de l'Istiqlal    Le Maroc, un modèle en matière d'égalité et de parité dans le monde arabe    La COP29 prolongée, en l'absence d'un compromis    Les températures attendues ce samedi 23 novembre 2024    L'Algérie libère deux groupes de 43 Marocains emprisonnés depuis des années    CAN féminine de football : Les Lionnes de l'Atlas connaissent leurs adversaires    Ligue des champions féminine de la CAF : une finale pour l'histoire    Sophie De Lannoy : "Chaque personnage est inspiré d'une personne réelle"    Des partis marocains appellent à l'application de la décision de la CPI contre Netanyahu et Gallant    Protection du patrimoine marocain : Mehdi Bensaïd affûte ses armes    Cinéma : "Gladiator II", le retour réussi de Ridley Scott    Visa For Music : À l'ExpoStand, les musiques du monde se rencontrent!    Démantèlement d'une cellule terroriste affiliée au groupe Etat islamique lors d'une opération hispano-marocaine    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Hommage : Edmond Amran El Maleh,compagnon du siècle
Publié dans Le Soir Echos le 22 - 11 - 2010

« Cet homme que nous n'avons connu que mûr aura été un compagnon du siècle, frotté au vent de l'histoire. Il savait se colleter aux événements et les penser ».
Ce qui séduisit d'emblée chez Edmond Amran El Maleh : la joie de vivre alliée à la mélancolie, l'humour sans laisser-aller, le goût des autres, la fantaisie non ennemie de la gravité, le sens du passé et le goût de l'avenir.
D'où le charme puissant de son premier livre publié en 1980 chez François Maspéro «Parcours immobile». Cet homme que nous n'avons connu que mûr aura été un compagnon du siècle, frotté au vent de l'histoire. Il savait se colleter aux événements et les penser. Ainsi dans ces lignes de «Parcours immobile» : «Des siècles ou des années plus tard une délégation du parti communiste marocain parcourait d'un pas rapide les couloirs du Palais à Rabat (…). Digne et silencieux, le souverain écoutait l'adresse lue par le porte-parole de la délégation, marquait son approbation par quelques mots que Josua, dans l'émotion de l'instant, distinguait à peine. Un juif militant politique, reçu en audience par le souverain, le sultan comme disait sa grand-mère, l'événement prenait corps, marquait la distance de l'enfant tremblant de peur à l'homme mûr de l'engagement politique».
Dans «Romans maghrébins» (1967-1983), recueil critique qui parut à «L'Afrique littéraire» en 1983, je saluais d'emblée les deux ouvrages qui constituaient alors toute l'œuvre publiée d'Edmond Amran El Maleh : «Parcours immobile» et «Alien ou la nuit du récit». Frappé par l'originalité de sa prose, je cherchais à attirer immédiatement l'attention sur ce «débutant» assez prodigieux qui avait alors 65 ans !
Outre la qualité des expériences et des espérances racontées, une sorte d'éthique calme naissait de la modulation singulière du souvenir. Une prose tonique marquait tantôt une conviction d'alliance, tantôt une résistance de réfractaire ou la libre réticence d'un non-dupe. Et puis, il y avait l'humour, comme dans «Le Retour d'Abou El Haki» (que Hassan Bourkia a traduit en arabe) et où le Maréchal Juin est plus moqué, certes, que dans les souvenirs de Gabriel Banon récemment parus chez Séguier.
Selon une ligne mélodique n'appartenant qu'à lui, Edmond Amran El Maleh aura illustré l'empire de la nécessité intérieure sur la constitution d'une œuvre, filant une chanson âpre et douce qui s'insinue durablement dans l'esprit.
«Je ne me considère pas comme exilé», me disait-il lorsque je le rencontrais à la terrasse du Select à Montparnasse, sur ce boulevard qui était son adresse et celle de Marie-Cécile, où la belle librairie Tschann les accueillait.
Edmond avait laissé sa vie le travailler et il travaillait, dans ses livres, à restituer ce qui lui avait été donné, ce qu'il avait ressenti ou rêvé. Ses éditeurs l'ont accompagné, de Maspéro à La Pensée Sauvage, jusqu'à André Dimanche, à Marseille, qui re-publia l'essentiel de son œuvre, en passant par Le Fennec où a paru «Lettres à moi-même» en 2010 à Casablanca. Des nouveaux lecteurs lui viendront sûrement et ils reconnaîtront la profonde singularité de son œuvre.
Rien ne l'exprime mieux que son affirmation du vœu de donner à lire «non pas la découverte mise en mots mais les mots faisant la découverte de la découverte, les mots qui s'épanouissent».
La nostalgie pointe dès «Parcours immobile» : «En 1966, mourait un certain Nahon. Le dernier juif d'Asilah. Dans ce petit cimetière marin, le cimetière juif d'Asilah, sa tombe, la dernière tombe juive en date, simplement maçonnée, sans revêtement de marbre. A côté, d'autres tombes plus prétentieuses, véritables monuments funéraires, disent la richesse et le modernité des familles concernées».
Tout en étant passionné par les méandres de l'histoire, Edmond était saisi, à titre individuel, par ce qu'il appelait «le burlesque d'avoir un passé» : «(…) tu trottines sur un âne, franchissant les portes de la ville, parmi les fours des potiers, les jardins, les vergers, dans le lit d'un oued redoutable, l'âne était d'un pelage doux, tiède et soyeux, affectueux, complice, Hassan, le gouverneur, puisque ce n'était pas une gouvernante, veillait sur toi, tu étais l'enfant juif circoncis deux fois, une première, inaugurale, des mains d'un grand-oncle myope, mohil amateur de whisky, la deuxième fois par toi-même en jouant avec un calendrier dont les agrafes d'acier t'ont écorché le prépuce».
Edmond Amran El Maleh aura su être facétieux, vigilant et rêveur. On n'oubliera certes pas qu'il eut pour élève Mohamed Leftah, le romancier et nouvelliste décédé au Caire en juillet 2008 et qui consacra à son professeur de philosophie, véritable éveilleur, un essai encore inédit intitulé «Un chant au-delà de toute mémoire».
Nezha, sa fille qui vit à Nantes, m'en dicte au téléphone quelques lignes : «Le génie poétique d'Edmond Amran El Maleh dans son maniement de l'art de la bifurcation est de ne point partir nécessairement d'une scène romanesque carrefour mais souvent de la chose la plus humble, la plus terre à terre, la plus ignorée avant qu'il ne nous la fasse redécouvrir pour tisser des correspondances (…) et par l'alchimie du verbe transmuer cette humble chose en fruit d'or». Tout cela à propos de chriha, gouisia et handia. L'art d'Edmond Amran El Maleh impliquait d'imaginer le lecteur se léchant les babines. D'ailleurs, notre cher disparu aimait faire la cuisine et son repas raté avec Jean Genet, tel que Tahar Ben Jelloun vient de le raconter dans «Jean Genet, menteur sublime», ne le dissuada de rien, comme en témoigne son recueil d'essais coédité par La Pensée sauvage et Toubkal, où «Le Captif amoureux» se taille la part du lion. En plus de Larache où est enterré Genet, d'autres noms de villes -Asilah, Essaouira, Rabat- nous suffisent pour penser à Edmond Amran El Maleh dans son «chant au-delà de toute mémoire ».
«Je ne me considère pas comme exilé», me disait-il lorsque je le rencontrais à la terrasse du Select à Montparnasse, sur ce boulevard qui était son adresse et celle de Marie-Cécile.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.