A17 ans, la jeune fille quitte Marrakech pour New-York, la ville vivier des tendances artistiques. Elle fait ses armes auprès des meilleurs assistants et retoucheurs photos. Même si aujourd'hui, elle avoue : «En réalité, je n'aime pas du tout la mode. Tout ce que j'aime dans la mode c'est la technique photo, la lumière». Mystérieuse Leila, dont la vie semble n'en faire qu'à sa tête. En arrivant à New-York, la jeune franco-marocaine veut faire du film documentaire. Elle aime les médias de caractère, les sujets engagés. Son destin croise celui de Spike Lee et Margan Harris. Si peu. Pourtant, Leila s'estime piètre caméraman, bien plus solide un appareil photo entre les mains. C'est ainsi qu'elle rejoint les studios de John M. Hall, Serge Lutens et Maripol. Elle aiguise son regard, maîtrise les lentilles et les compositions de lumières. Tout ceci dans un seul et unique but : transposer la technique du studio dans une photographie anthropologique et documentaire. Son premier sujet, «No Pasara», lui permet d'exprimer son engagement sur la scène artistique : «toute la position que j'avais sur ce sujet était qu'avec tout l'argent dépensé pour la sécurité des frontières, on oublie d'aller à la source. Ces enfants pensent que la France est un Eldorado. Or pour un clandestin, c'est l'opposé. Si on veut résoudre le problème, il faut éduquer les enfants, leur donner envie de rester dans leur pays». Le succès est immédiat. Leila se fait un prénom. Très vite elle est happée par ses premières amours. Son projet de 40 portraits d'artistes marocains lui permet de rencontrer Faouzi Bensaïdi, Fouad Bellamine, Lamia Naji. Et de les faire poser tels qu'elle les voit, du bout de son objectif. Elle s'en amuse : «Je ne prends pas une personne en photo si elle n'est pas à 2000% avec moi!». Autoritaire Leila ? Non, perfectionniste. Ainsi se lance-t-elle dans son nouveau projet -celui qui lui ressemble le plus dit-elle- reflet des aspirations d'une jeune artiste qui, au risque de paraître éparpillée, n'hésite pas à mêler la grande photographie et les couches populaires, New-York et le Maroc, la rue et le studio. Une audace qui ne manque pas de surprendre ses nouveaux modèles, les «Marocains». La majorité n'ont jamais vu d'appareil photo de leur vie. Ils se postent devant l'objectif, bras ballants et regard d'acier, amusé, curieux, intrigué. Ils paniquent, ne restent pas, laissant à peine le temps à Leila de capter l'essentiel : un regard, un vêtement, une posture. Ceux du Maroc populaire. Pour ce faire, elle parcourt toutes les régions du pays, son studio mobile sous le bras, monté avec toujours le même entrain dans les souks, les lieux publics ou les rendez-vous de convivialité. Elle part à la recherche de visages, de «gueules» dit-elle, représentatives du Maroc actuel, loin de tout fard et de tout exotisme : «Je veux isoler les individus de leur environnement. Le but est de mettre ces populations marocaines dans un studio avec une lumière frontale. De montrer les diversités culturelles, professionnelles, ethniques et les différentes couches sociales grâce à une esthétique particulière, proche des effets mode. Je veux casser avec la carte postale». Quasi anachroniques, certainement anthropologiques, ces images mêlent photographie d'art et documentaire. Elles se veulent des archives. En photographiant chaque individu de la même manière, avec la même lumière, la même lentille, le même cadre, Leila mise sur l'unité esthétique. Une technique minutieuse, laissant surgir la quintessence de la société marocaine. Des photographies du détail où rien n'est laissé au hasard. Pas même le petit voyant rouge fixé sur son appareil, qui vient capturer les gestes de la jeune femme, l'installation du studio, l'entrée des modèles d'un jour. L'artiste envisage de projeter le film «off» de son projet durant l'exposition à venir en 2011. Une manière de vérifier les propos résolument catégoriques d'un regard qui, bien plus que photographique, s'intéresse à l'autre : «Moi j'adore le portrait. Les paysages, ça m'ennuie».