Pauvreté, insécurité alimentaire, emploi… Le secteur de l'agriculture fait face à son lot de menaces dont les solutions ont été décortiquées au 3e Congrès international sur le financement agricole et rural. Fatiha Berrima, directrice du Pôle Vert du Crédit agricole, du Maroc présente les nouvelles solutions du CAM en soutien aux moyennes exploitations. Entretien. Quelles sont les lacunes et les nouveaux besoins des ruraux en matière de financement agricole ? Il faut revenir au travail qui a été initié par le département agricole du ministère de l'Agriculture en vue de préparer le plan Maroc vert. Un diagnostic très précis a été réalisé mettant en relief toutes les contraintes que vit l'agriculture. Ces contraintes concernent le foncier, le morcellement, la multitude des statuts juridiques ou la raréfaction de l'eau. Or l'agriculture représente des enjeux au niveau national sur le volet économique – l'agriculture impacte très fortement le PIB national – ainsi qu'au niveau du secteur de l'emploi – elle est le premier employeur sectoriel – et enfin au niveau social puisque cette agriculture s'opère dans le monde rural avec des zones encore très fortement touchées par la pauvreté. A partir de ces constats est née la nécessité d'aller vers une stratégie de réforme qui puisse lever ces contraintes et révéler les opportunités que représente l'agriculture marocaine. Elle est ouverte sur un marché, il y a des niches et des marges de progrès. Quels sont les nouveaux types de financement mis en place, notamment concernant les petits et moyens agriculteurs ? Le groupe Crédit agricole opère dans le secteur depuis 50 ans. Nous avons une parfaite connaissance du secteur et il s'est trouvé que les anticipations que nous avions réalisées en termes de réflexion sur des modèles de financement coïncidaient avec le plan Maroc vert. Notre travail nous a permis de segmenter les exploitations agricoles afin de trouver le système le plus approprié à chacune d'entre elles. Aujourd'hui, on recense 40% de très petites exploitations agricoles éligibles au microcrédit. 10% des exploitations sont bancables, c'est-à-dire qu'elles répondent à l'orthodoxie bancaire que tout le système bancaire marocain peut financer. Restent les 50% qui ne sont pas suffisamment petites pour aller dans le microcrédit ni suffisamment grandes pour satisfaire les exigences de rentabilité des banques et qui étaient donc exclues de tous les systèmes de financement. D'où notre projet Tamwil El Fellah qui se donne pour mission l'accès au crédit à cette tranche jusqu'alors exclue. Est-ce que cette intégration peut se faire sans l'aide de l'Etat ? L'Etat est un acteur essentiel avec la mise en place d'un fonds de stabilisation prudentielle qui permet l'intervention en cas de calamité naturelle. Le gouvernement opère les financements de base comme les infrastructures ou la formation, et Tamwil El Fellah intervient pour apporter les financements qui incombent aux petits agriculteurs. Le CAM est un outil subsidiaire à l'intervention de l'Etat et il répond ainsi parfaitement à sa mission de service public. Ce nouveau service est-il rentable pour le CAM ? Cette formule s'inscrit dans le cadre du plan Maroc vert et répond à la dimension de service public. Nous ne cherchons donc pas à faire de bénéfices. Néanmoins, ce projet pourrait être pilote pour les financements agricoles innovants au niveau mondial… Je pense qu'il n'y a pas d'expérience similaire dans le monde. Nous sommes pionniers et disposés à échanger nos expériences, transmettre nos savoirs et savoir-faire aux pays concernés par ces problématiques. Ceci vaut dans les deux sens. L'information n'est-elle pas un facteur essentiel ? Comment le CAM sensibilise-t-il ses clients fermiers ? C'est une stratégie au jour le jour. Nous avons une capillarité de réseaux très dense. A chaque projet, Tamwil El fellah ouvre ses propres antennes pour être proche de ses clients. Nous nous appuyons sur des relais tels que les chambres d'agriculture et les directions régionales de l'agriculture. Des alliances avec des partenaires du secteur nous permettent de multiplier les canaux de transmission de l'information.