Producteur et réalisateur algérien, Mouness Khammar a signé un opus d'une durée de sept minutes pour le moins surprenant. « Le dernier passager » (2010) retrace le destin d'un personnage sans dialogue. Présenté en compétition officielle lors du 8e Festival du court-métrage méditerranéen de Tanger, le film figure au festival d'Abu Dhabi du 18 au 23 octobre 2010. Rencontre. Comment êtes-vous passé à la réalisation ? C'est un vieux rêve d'enfant, j'avais besoin de m'exprimer et de raconter l'Algérie par l'image et le son. Il n'y a pas d'école de cinéma à Alger, j'ai donc travaillé sur plusieurs tournages afin de me confronter à la réalité du métier de cinéaste. C'était l'époque de la reprise des premiers tournages dans le pays, j'y ai occupé plusieurs postes d'assistant de production et de réalisation, notamment pour des co-productions internationales de longs-métrages : « Rêve algérien » de Jean-Pierre Llyedo, « Viva l'Aldjerie » de Nadire Moknèche, « Les suspects » de Kamel Dahane, et « Morituri » de Okacha Touita, écrit par Yasmina Khadra. En 2003, je me suis frotté à la réalisation et j'ai signé « N'rouhou », un court-métrage expérimental. Ma sélection pour l'Algérie à l'Université d'été de la FEMIS, à Paris, m'a ensuite permis de participer à un workshop international réunissant douze cinéastes issus de douze pays différents et de réaliser puis de monter en trois jours le documentaire « Derrière nos reflets ». Vous avez créé, la même année, votre société de production « Saphina ». Pour quelle raison ? C'était en 2004, il y avait une réelle reprise, un souffle du côté de la création cinématographique. J'avais aussi acquis une expérience riche de cinq années, liée à la production. « Saphina » a ainsi pris en charge les repérages du film « Le choix », devenu « La trahison », long-métrage de Philippe Faucon. Le tournage, initialement prévu en Tunisie, s'est finalement fait en Algérie, par ma société de production. Il s'agissait alors du premier long-métrage étranger entièrement tourné en Algérie, depuis près de trente ans. Pourquoi avez-vous réalisé « Le dernier passager », présenté au 8e Festival du court-métrage méditerranéen de Tanger ? J'ai été profondément marqué et touché par le suicide d'un ami. Je voulais extérioriser cette émotion encore vive. Les mots ne suffisaient pas pour décrire ce que je souhaitais évoquer à ce propos. Je voulais transmettre et non pas raconter ce que j'avais pu ressentir. Vous avez choisi de filmer sans aucun dialogue… Le fait d'enlever les mots de ce récit permettait une plus large liberté d'imagination au spectateur et intensifiait également la part d'émotion. J'ai choisi de dire la dramaturgie de l'histoire d'un personnage en ayant uniquement recours au langage visuel. Que vous inspirent les films signés par vos concurrentes algériennes, « On ne mourra pas », de Amal Kateb, et « El Djinn », de Yasmina Chouikh ? J'ai le sentiment qu'il y a actuellement une réelle volonté de raconter l'histoire contemporaine algérienne. Le septième art prend un nouveau visage, l'arrivée de jeunes réalisateurs et réalisatrices le confirme, elle est à l'image de notre société, jeune et particulièrement vivante. L'expression de cette génération est aussi un acte de transmission qui s'attache à parler de notre mémoire. Vous déplorez cependant le manque de visibilité des jeunes cinéastes du Maghreb… Oui, on sent une nouvelle tendance qui propose un autre esthétisme et une différence de forme mais le cinéma du Maghreb, et plus largement du monde arabe, n'a pas encore donné sa place à la jeunesse. Nous sommes en présence du cinéma d'une tranche d'âge qui n'a pas eu les moyens de s'exprimer. Nous avons entre 30 et 35 ans, et nous en sommes encore au court-métrage.