Salim Bachi a le verbe poétique, l'esprit libre, l'âme vagabonde tel un personnage romanesque. A quel temps appartiendrait-il et combien de vies aurait-il incarnées au fil des œuvres ? Quels hommes bons ou mauvais auraient croisé sa route et quelle mer aurait-il affrontée pour retrouver amante perfide et muse angélique ? Difficile de répondre tant l'écrivain invite à traverser des mondes différents, à chaque nouveau roman. «Le Chien d'Ulysse», en 2001, signe son style à travers un roman qui évoque la décennie du terrorisme en Algérie, puis la guerre d'indépendance dans le second, «La Kahina», publié en 2003. Salué par la critique, «Le Chien d'Ulysse», obtient le prix Goncourt du premier roman, le prix de la Vocation et la Bourse de la découverte de la Fondation Prince Pierre de Monaco. «La Kahina», est récompensé par le prix Tropiques. Ses deux romans font en effet partie d'un cycle romanesque élaboré à partir d'une ville imaginaire, l'antique Cyrtha. Né en 1971 à Alger, Salim Bachi a grandi à Annaba et poursuivi des études de lettres à Paris. Il est actuellement en Algérie «l'écrivain le plus talentueux de sa génération», ayant entamé un travail littéraire ambitieux sur l'histoire de son pays. «Amours et aventures de Sindbad le Marin», paru le 4 septembre dernier aux éditions Gallimard, retrace le destin d'un Sindbad des temps modernes : «J'ai voulu qu'il soit drôle et qu'il soit ce personnage guidé par la vie, la pulsion, la volonté de vivre. J'ai écrit l'impossibilité de se fixer quelque part, qui est pour moi la part la plus agréable chez les hommes. Malgré les épreuves, faire en sorte que la vie continue. Sindbad, c'est le désir des voyages, le désir des femmes…», précise l'auteur. Mais aussi le reflet de l'actualité, avec un autre personnage clandestin africain, un frère humain : «Je n'avais pas encore abordé l'immigration, thème important. L'actualité est pleine du clandestin, de l'immigré, du type dont personne ne veut… Je me sens proche de ces personnes. Car c'est un peu mon histoire aussi : sans avoir l'exil malheureux, je vis entre plusieurs pays, plusieurs cultures. Je ne sais plus aujourd'hui où est mon ˝chez moi˝ !» Sindbad, un personnage qui mord la vie à pleines dents, poussé par le vent, à la manière de l'écrivain lui-même, un «homme neuf dans un pays neuf» : «Vivre, partir loin, aimer plus : voilà mon programme. Quand j'ai quitté l'Algérie dans les années 1990, ça a été plus ou moins mon programme aussi». Un personnage qui depuis Carthago (Alger), va à la rencontre de la Libye, de l'Italie, de l'Irak, de Damas et Paris. «ça m'amuse et me fascine. Pourquoi Alger plutôt que Carthago, Constantine plutôt que Cyrtha ? Je me sens à l'aise dans des villes marquées géographiquement, mais le mythe permet justement de délocaliser. La littérature, c'est la forme même du voyage», souligne Salim Bachi. Pas étonnant, peut-être, que le personnage de Sindbad se soit dessiné sous la plume de l'écrivain comme le décrit ce passage car « Sindbab était immortel : il renaissait à chaque génération et il s'incarnait dans un jeune homme à l'âme voyageuse, à la besace vide, aux yeux remplis de merveilles qui échouait toujours dans une ville étrangère aux mœurs incompréhensibles comme il avait échoué lui-même sur une plage où l'avait recueilli une femme à la peau brûlante et salée».