Le film de Xavier Beauvais consacré aux sept moines décapités en 1996, l'un des innombrables épisodes tragiques de la décennie sanglante en Algérie, a été tourné dans l'Atlas marocain. Couronné au Festival de Cannes par le Grand Prix du Jury, il attire actuellement un nombre considérable de spectateurs sur les écrans français. Parmi les comédiens qui interprètent le rôle des moines dans « Des hommes et des dieux » de Xavier Beauvais, Lambert Wilson et Michael Lonsdale sont impressionnants. Lonsdale a passé une longue partie de son enfance au Maroc. Il raconte ceci dans « Un cri dans les images » (éd.de Champtin), ses entretiens avec Nathalie-Noëlle Rimlinger : « J'habitais le Maroc. (…) Mes parents allaient souvent au cinéma. (…) Je voyais ces gens sur les écrans, ça me plaisait beaucoup, je me disais : « Oh ! j'aimerais faire comme eux ! » . Ce fut fait et l'on sait l'originale carrière d'acteur de Michael Lonsdale. En 2004, Actes Sud a publié un somptueux ouvrage collectif, « Les Sept Dormants », en hommage aux sept moines de Tibéhirine assassinés le 21 mai 1996 : frère Christian, frère Christophe, frère Bruno, frère Luc, frère Célestin, frère Paul, frère Michel. Rachid Koraïchi est un artiste-peintre algérien renommé. Il souhaitait rendre hommage aux moines de Tibéhirine avec le concours d'écrivains de divers horizons. Koraïchi a notamment illustré « Une nation en exil », le recueil anthologique de Mahmoud Darwich où figure en regard du texte arabe la traduction française par Abdellatif Laâbi ou Elias Sanbar. Patrick Prado rappelait dans Le Monde du 8 juin 1996 que « les sept dormants d'Ephèse sont les seuls saints communs honorés par l'islam et la chrétienté dans un culte rétabli par Louis Massignon, sur la margelle de la fontaine du Vieux-Marché, à Plouaret, dans les Côtes-d'Armor, où chaque année, prêtres et imams se rendent pour prier Dieu ensemble ». Les hymnes gravés par Rachid Koraïchi, la calligraphie de la traduction arabe de tous les textes par Abdellah Akar portent somptueusement les textes de John Berger, Michel Butor, Hélène Cixous, Sylvie Germain, Nancy Huston, Alberto Manguel et Leila Sebbar. Le testament de frère Christian est publié dans « Les Sept Dormants », avec, notamment, ceci : « Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement. Je sais aussi les caricatures de l'islam qu'encourage un certain islamisme. Il est trop facile de se donner bonne conscience en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes. L'Algérie et l'islam, pour moi, c'est autre chose, c'est un corps et une âme ». Et frère Christian écrivait : « Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison à ceux qui m'ont rapidement traité de naïf ou d'idéaliste ». Qu'ils disent maintenant ce qu'ils en pensent ! Hélène Cixous écrit dans sa contribution intitulée « Le chemin de choix » : « Du deuil l'Algérie en a grande provende. Il est venu la chercher. Sur cette hauteur d'Atlas l'inspiré. Qui ? La mort, l'appellent certains mais pour lui c'est la porte sur le Visage ». Et dans « La coupe », s'adressant à frère Luc, Nancy Huston écrit : « Nous le savions provisoire, ce paradis qu'est la vie ». L'ouvrage conçu à l'initiative de Rachid Koraïchi est moins, au fond, un chant de deuil qu'un cri d'espoir eu faveur du respect mutuel et de l'affection entre tous les habitants de notre Planète.