Sahara : S.M le Roi adresse un message de remerciements au Président panaméen    Réhabilitation d'Al-Haouz : le Maroc obtient une contribution de 190 millions d'euros de l'UE    Droit de grève : le gouvernement face à une salve d'amendements parlementaires    PJD. La voie talibanesque    Rabat : Présentation du livre « Faire écho à la voix de l'Afrique : Les plus grandes citations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI »    Monusco. La RDC peut compter sur l'Angola    Le Maroc appelle les pays africains à mettre l'intérêt suprême du continent au sommet des priorités    RDC-Maroc : La Première ministre congolaise à Rabat pour affermir les relations bilatérales    Les Trésors du Terroir marocain à l'Honneur au Salon ADIFE d'Abu Dhabi    La Groupe OCP réalise un CA de 69 MMDH à fin septembre 2024    Numérique. La Guinée et la Sierra Leone se connectent    Les femmes entrepreneures se retrouvent à Abidjan    Tanzanie. Une task-force contre la cybercriminalité    Noor Fès : Une Success story marocaine et qui commence à percer le marché américain    Tokyo : Karim Zidane met en lumière les atouts du Maroc en tant que destination privilégiée des investissements    Safran : Une culture au service de l'autonomisation des femmes de Boulemane    Une délégation des FAR en visite du porte-avions USS Harry S. Truman au large d'Al Hoceima    La police espagnole loue la coopération sécuritaire avec le Maroc    Soft power militaire : Les FAR à l'avant-garde en Afrique [INTEGRAL]    ONU: M. Hilale élu président de la 6è Conférence pour l'établissement d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient    Phala Phala. Le scandale qui poursuit le président sud-africain.    La Somalie adopte le suffrage universel direct    ONU : toutes les 10 minutes, une femme dans le monde est tuée par un proche    Israël-Hezbollah : éventuel cessez-le-feu, l'ombre de Gaza persiste    Ligue des champions: Brest toujours au sommet, le PSG, City et le Real sommés de réagir    RCA-FAR: Le maillot officiel des Verts étant floqué de la carte du Maroc, l'Algérien Yousri refuse de jouer avec !    RCA-FAR: La carte du Maroc, sera-t-elle remplacée par le drapeau national ?    Dopage. 6 ans de suspension pour l'athlète Kényane Anyango    Marrakech: Arrestation d'un français d'origine algérienne poursuivi par la police française    Environnement : L'écologiste marocain Saad Abid primé au Nigeria    Déchets ménagers : 1,88 milliard de dirhams alloués aux projets de valorisation    MAMHKOUMCH : Campagne nationale contre les violences technologiques faites aux femmes    Cinéma. Le Kilimandjaro sous le feu des projecteurs    LDC. RCA-AS FAR: L'Algérien Yousri, manquera-t-il le match à cause de la carte du Maroc ?    Championnats Arabes Amateurs de Golf. Le Maroc triomphe    Vague de froid: l'Etat s'apprête à prêter assistance à 872.000 personnes ciblées durant l'hiver    Le calvaire prolongé de Mohamed Saad Berrada, le ministre des silences embarrassés    Rencontres : la philosophie au rendez-vous    MMA : Boughanem, champion marocain de Muay Thai, remporte son combat en Autriche    Ahmed Spins, le fils Akhannouch sur la scène de Coachella 2025 en Californie    Un trafiquant de drogue belge recherché arrêté par les autorités marocaines à Casablanca    Festival du Cinéma des peuples : "Gray Days" d'Abir Fathouni remporte le Grand Prix    Interview avec Asma Graimiche : « Il est nécessaire d›intégrer la critique de cinéma aux programmes universitaires »    Mode. Le caftan marocain fait sensation à Séville    Foot: la sélection marocaine U15 prend part à un tournoi international en Espagne    CV, c'est vous ! EP – 77. Nasry Aboujihade, un chirurgien au service de votre sourire    Taznakht : The Grand finale of the Aït Ouaouzguit carpet festival    Taznakht : Clôture en beauté pour le Festival du tapis d'Aït Ouaouzguit    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Leçons d'Al-Jabri
Publié dans Le Soir Echos le 02 - 08 - 2010

Il ne fait aucun doute que la disparition de Mohammed Abed Al-Jabri au mois de mai dernier a été surprenante et inattendue pour la plupart des intellectuels et des lecteurs en général. Une certaine distance a persisté entre nous et la triste nouvelle pendant un temps non négligeable ! Peut-être à cause du fait que le défunt était toujours fidèle à son rendez-vous avec ses lecteurs - et ils sont très nombreux- à travers ses articles qu'il préférait publier sur son site personnel et ce chaque mardi. Peut-être aussi, parce qu'il avait terminé son dernier article par ce fameux » à suivre…» fidèle à son habitude, à chaque fois qu'il s'agissait d'une longue étude nécessitant un découpage en série. Cependant, cette fois il n'y avait plus rien à suivre et pour cause, le Tout Puissant l'a choisi auprès de lui !
Al-Jabri pressentait sans doute que ses jours sur terre étaient comptés, que le compte à rebours avait déjà commencé. Il l'a effectivement insinué lors de son dernier passage à Riad en Arabie Saoudite où il a dit dans l'introduction de sa conférence consacrée à une lecture rétrospective de son parcours: » Il est du droit de mes lecteurs en Arabie saoudite qui sont nombreux et tous mes frères, ceux qui flattent sans réserve et ceux qui critiquent avec ou sans réserve, ils me doivent tous que je leur dévoile un peu de ma biographie qui sans doute s'approche de sa fin conformément à la volonté de Dieu dans ce bas-monde…».
Quand un vieux s'éteint, c'est une bibliothèque qui brûle, dit le proverbe. Avec Al-Jabri c'est une bibliothèque singulière : riche et étonnamment diversifiée. En effet, Al-Jabri a écrit dans des domaines aussi variés que l'épistémologie et la philosophie des sciences, la critique de la raison, l'éthique, la politique, l'exégèse du Coran en passant par l'autobiographie ! Chacune de ses œuvres, qui avoisinent la quarantaine, constitue une thèse à part entière. C'est l'écrivain marocain le plus abondant dans le siècle écoulé comme l'a si bien présenté Noureddine Afaya dans son excellente et regrettée émission culturelle sur la première chaine marocaine.
La persévérance ainsi que l'endurance d'Al-Jabri dans l'écriture et la recherche sont d'une exemplarité rare. Son objectif était bien tracé devant lui : pour refondre les bases d'une renaissance arabe sur des piliers nouveaux et originaux, il est impératif de passer par une nouvelle lecture de l'histoire de la culture et la pensée arabo-musulmane d'une part et de commencer à analyser les mécanismes de la raison arabe d'autre part. Le souci d'Al-Jabri n'était donc pas de «rénover» la pensée, mais de la «critiquer», au sens épistémologique du terme en essayant de mettre en évidence la raison sous-jacente à tout notre patrimoine culturel, en restant aussi éloigné que possible de toute critique idéologique.
Sa réflexion perpétuelle sur ce souci intellectuel a donné naissance à l'un des projets culturels les plus importants et influents dans le monde arabe : critique de la raison arabe en quatre tomes, La formation de la raison arabe, La structure de la raison arabe, La raison politique arabe et la raison éthique arabe.
Cette œuvre monumentale du Kant des Arabes s'inscrit dans la perspective de la recherche du rationalisme dans le patrimoine arabo-musulman pour s'en servir dans le présent et dresser les bases d'une modernité, qui selon Al-Jabri «ne veut aucunement dire le rejet de la tradition ou la rupture avec le passé, elle veut plutôt dire une manière pertinente de voir, autrement, la tradition pour que celle-ci soit plus capable d'escorter le progrès au niveau mondial«.
Il s'agit donc de la «contemporanéité» ou «Al mouaçara». La question étant de mettre en exergue les figures culturelles de notre passé qui peuvent servir de point de départ pour le renouveau escompté du monde arabe partant du principe que toute renaissance d'une nation donnée doit s'amorcer à partir de son patrimoine culturel et non d'ailleurs. La renaissance européenne a-t-elle fait autrement ?
La voie de la modernité doit passer, comme le préconise notre grand penseur, par la » lecture critique et responsable de la culture arabe en vue d'activer cette culture de l'intérieur «.
Ainsi, Al-Jabri est parvenu à structurer les différents champs culturels du patrimoine selon trois cercles clairement déterminés : la démonstration (Albourhan), la rhétorique (Albayan) et la connaissance mystique (AlIrfan). Ce qui lui a aussi permis de trouver ces figures du passé qui peuvent servir pour la renaissance et qui sont Ibn Hazm, Ash-Shâtibî, Ibn Khaldoun et Ibn Rochd. Ceci lui a valu les foudres des penseurs arabes du Moyen orient reprochant à Al-Jabri le chauvinisme de ses conclusions !
Les débuts d'Al-Jabri en écriture ont porté sur un champs encore presque vierge dans le monde arabe à l'époque, en l'occurrence, la philosophie des sciences.
Son œuvre, Introduction à la philosophie des sciences, est venue pour mettre en évidence le souci pédagogique dans la pensée d'Al-Jabri. En effet, il a pris conscience du fait que dans le monde arabe «on est encore en retard par rapport à la caravane de la pensée scientifique sur le plan de la pensée et de la technologie» et que, par conséquent, » Les études philosophiques sont encore beaucoup plus préoccupées par les avis métaphysiques que par les sujets ayant trait à la science, la connaissance et la technologie ce qui s'est répercuté sur nos universités et notre atmosphère culturelle générale«. Son souhait était de pousser l'école et l'université dans le monde arabe à suivre l'évolution de la pensée scientifique en vue de l'enrichir d'une part et de diffuser la connaissance scientifique sur une plus grande échelle d'autre part.
On ne peut cacher notre étonnement et notre admiration devant le labeur effectué par Al-Jabri dans cette œuvre, ou il s'est aventuré dans des domaines complexes allant de la théorie des groupes et des anneaux en algèbre à la théorie de la relativité générale et restreinte d'Einstein. Il voulait que l'épistémologie et la philosophie des sciences soient dispensées aux étudiants des facultés scientifiques car ses derniers sont beaucoup plus en mesure de comprendre ses théories et découvertes scientifiques et développer ainsi le sens de la relativité de la connaissance scientifique. Essentiellement parce que la science est conçue comme un instrument de puissance et une réserve de certitudes, et son enseignement vise presque exclusivement la maîtrise technique et récompense souvent non les esprits les plus inventifs mais les plus dociles comme disait Dominique Lecourt.
L'œuvre d'Al-Jabri se dresse devant nous aujourd'hui pour nous dire qu'il est impératif de continuer le parcours de ce grand homme en osant toujours poser les questions, conformément aux objectifs de toute réflexion philosophique car » Lorsque la culture dominante demeure la culture traditionnelle, le discours de la modernité a la charge de relire la » tradition » et de présenter sa vision contemporaine sur elle. Le besoin de travailler sur la tradition est dicté, en somme, par la nécessité de moderniser notre approche et notre manière de l'envisager au service d'une modernité bien comprise et ancrée dans l'acte et le discours«.
* enseignant chercheur


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.