Le renforcement de la coopération économique et financière au centre d'entretiens maroco-mauritaniens    Royaume-Uni : Le trafic aérien perturbé par le brouillard    Port de Laâyoune: Les débarquements de la pêche en baisse de 29% à fin novembre (ONP)    Mauritanie : L'ambassadeur marocain enchaine les réunions avec des ministres    Le marché monétaire maintient son équilibre du 20 au 26 décembre    Internet : Trois décennies d'un Maroc connecté [INTEGRAL]    Botola DII. J11 / MCO-USMO, en affiche cet après midi !    Revue de presse de ce samedi 28 décembre 2024    Botola D1. J16 / WAC-MAS en affiche ce soir    Code de la famille: Test de paternité, majorité pour le mariage... certaines dispositions font débat    Frappe de drone à l'ouest de Tindouf, soldats algériens égarés : le site «Yabiladi» multiplie les informations hypothétiques    Immigration clandestine : 10.400 morts ou disparus en 2024    Allemagne : Vers des élections anticipées le 23 février après la dissolution du Bundestag    Football. Bouchra Karboubi, la fierté de l'arbitrage marocain    Qatar-Maroc : 2024, une année riche en échanges culturels    SMIG et SMAG. Des augmentations actées pour 2025    Azerbaijan Airlines : Le crash d'avion lié à une "interférence externe, physique et technique"    ADII : lancement du programme AfriDou@ne pour renforcer la coopération douanière en Afrique    L'Assemblée nationale de l'Azerbaïdjan ratifie à l'unanimité l'accord de coopération militaire avec le Maroc    Alerte météo : La tempête amènera jusqu'à 40 cm de neige dans certaines régions    À Rabat, cinq conducteurs interpellés pour mise en péril de la sécurité routière    Zineb Drissi Kaitouni : "Le digital réduit les barrières à l'accès aux soins pour des millions de citoyens"    Service militaire : Le 39ème contingent des appelés prête serment à l'issue de la formation de base    Carlos Justiniani Ugarte: "La transformation numérique est une opportunité unique pour élargir l'accès aux diagnostics"    Rabat : Les autorités interviennent suite à une course dangereuse de taxis contre un conducteur VTC    Les relations entre la France et l'Algérie au point de rupture, les services sécuritaires des deux pays n'échangent presque plus    Maroc : Le charbon domine le mix énergétique, les énergies renouvelables atteignent 21,7%    Nostalgie : Les quatre incontournables des fêtes de fin d'année au Maroc    Syrie : Interpellation d'un ancien responsable sous le régime déchu de Bachar al-Assad    Corée : le président par intérim à son tour destitué par les députés    Al Ahly: Premier but '' égyptien'' d'Attiat Allah!    Al Shabab : Abderrazak Hamdallah buteur face à Al Kuwait    Activités liées au cannabis: Aucune infraction enregistrée en 2024 en matière de non-conformité    Le Maroc et le Bahreïn déterminés à renforcer leur coopération en matière de développement social    Football : le New York Times sacre le Maroc superpuissance du ballon rond    Cyclone Chido. Le Mozambique est dévasté    Afrique du Sud. Plus 17.000 kidnapping en un an    Maroc : Un projet de décret sur l'indemnité d'encadrement de formation continue dans l'Education nationale    Ecoles pionnières : Casablanca-Settat compte atteindre le taux de 52% en 2025    À Tanger, création de la Fédération régionale des coopératives féminines    Tarik Talbi nommé directeur général de l'aviation civile    «La Perle Noire» : Ayoub Qanir signe un nouveau long-métrage captivant    Les Années de la Culture Qatar-Maroc 2024 : Célébration d'une année d'échanges culturels sans précédent    ICESCO : Lancement de "Montre-moi ton sourire", une bande dessinée pour lutter contre le harcèlement scolaire    Des initiatives renouvelées au service du rayonnement culturel du Royaume    Maroc : Le poète Mohamed Aniba Al Hamri tire sa révérence    Un pont de création, de dialogue et d'échanges entre artistes, étudiants et critiques    L'artisanat, une passerelle vertueuse rassemblant dans son savoir-faire toute la diversité du Royaume    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Leçons d'Al-Jabri
Publié dans Le Soir Echos le 02 - 08 - 2010

Il ne fait aucun doute que la disparition de Mohammed Abed Al-Jabri au mois de mai dernier a été surprenante et inattendue pour la plupart des intellectuels et des lecteurs en général. Une certaine distance a persisté entre nous et la triste nouvelle pendant un temps non négligeable ! Peut-être à cause du fait que le défunt était toujours fidèle à son rendez-vous avec ses lecteurs - et ils sont très nombreux- à travers ses articles qu'il préférait publier sur son site personnel et ce chaque mardi. Peut-être aussi, parce qu'il avait terminé son dernier article par ce fameux » à suivre…» fidèle à son habitude, à chaque fois qu'il s'agissait d'une longue étude nécessitant un découpage en série. Cependant, cette fois il n'y avait plus rien à suivre et pour cause, le Tout Puissant l'a choisi auprès de lui !
Al-Jabri pressentait sans doute que ses jours sur terre étaient comptés, que le compte à rebours avait déjà commencé. Il l'a effectivement insinué lors de son dernier passage à Riad en Arabie Saoudite où il a dit dans l'introduction de sa conférence consacrée à une lecture rétrospective de son parcours: » Il est du droit de mes lecteurs en Arabie saoudite qui sont nombreux et tous mes frères, ceux qui flattent sans réserve et ceux qui critiquent avec ou sans réserve, ils me doivent tous que je leur dévoile un peu de ma biographie qui sans doute s'approche de sa fin conformément à la volonté de Dieu dans ce bas-monde…».
Quand un vieux s'éteint, c'est une bibliothèque qui brûle, dit le proverbe. Avec Al-Jabri c'est une bibliothèque singulière : riche et étonnamment diversifiée. En effet, Al-Jabri a écrit dans des domaines aussi variés que l'épistémologie et la philosophie des sciences, la critique de la raison, l'éthique, la politique, l'exégèse du Coran en passant par l'autobiographie ! Chacune de ses œuvres, qui avoisinent la quarantaine, constitue une thèse à part entière. C'est l'écrivain marocain le plus abondant dans le siècle écoulé comme l'a si bien présenté Noureddine Afaya dans son excellente et regrettée émission culturelle sur la première chaine marocaine.
La persévérance ainsi que l'endurance d'Al-Jabri dans l'écriture et la recherche sont d'une exemplarité rare. Son objectif était bien tracé devant lui : pour refondre les bases d'une renaissance arabe sur des piliers nouveaux et originaux, il est impératif de passer par une nouvelle lecture de l'histoire de la culture et la pensée arabo-musulmane d'une part et de commencer à analyser les mécanismes de la raison arabe d'autre part. Le souci d'Al-Jabri n'était donc pas de «rénover» la pensée, mais de la «critiquer», au sens épistémologique du terme en essayant de mettre en évidence la raison sous-jacente à tout notre patrimoine culturel, en restant aussi éloigné que possible de toute critique idéologique.
Sa réflexion perpétuelle sur ce souci intellectuel a donné naissance à l'un des projets culturels les plus importants et influents dans le monde arabe : critique de la raison arabe en quatre tomes, La formation de la raison arabe, La structure de la raison arabe, La raison politique arabe et la raison éthique arabe.
Cette œuvre monumentale du Kant des Arabes s'inscrit dans la perspective de la recherche du rationalisme dans le patrimoine arabo-musulman pour s'en servir dans le présent et dresser les bases d'une modernité, qui selon Al-Jabri «ne veut aucunement dire le rejet de la tradition ou la rupture avec le passé, elle veut plutôt dire une manière pertinente de voir, autrement, la tradition pour que celle-ci soit plus capable d'escorter le progrès au niveau mondial«.
Il s'agit donc de la «contemporanéité» ou «Al mouaçara». La question étant de mettre en exergue les figures culturelles de notre passé qui peuvent servir de point de départ pour le renouveau escompté du monde arabe partant du principe que toute renaissance d'une nation donnée doit s'amorcer à partir de son patrimoine culturel et non d'ailleurs. La renaissance européenne a-t-elle fait autrement ?
La voie de la modernité doit passer, comme le préconise notre grand penseur, par la » lecture critique et responsable de la culture arabe en vue d'activer cette culture de l'intérieur «.
Ainsi, Al-Jabri est parvenu à structurer les différents champs culturels du patrimoine selon trois cercles clairement déterminés : la démonstration (Albourhan), la rhétorique (Albayan) et la connaissance mystique (AlIrfan). Ce qui lui a aussi permis de trouver ces figures du passé qui peuvent servir pour la renaissance et qui sont Ibn Hazm, Ash-Shâtibî, Ibn Khaldoun et Ibn Rochd. Ceci lui a valu les foudres des penseurs arabes du Moyen orient reprochant à Al-Jabri le chauvinisme de ses conclusions !
Les débuts d'Al-Jabri en écriture ont porté sur un champs encore presque vierge dans le monde arabe à l'époque, en l'occurrence, la philosophie des sciences.
Son œuvre, Introduction à la philosophie des sciences, est venue pour mettre en évidence le souci pédagogique dans la pensée d'Al-Jabri. En effet, il a pris conscience du fait que dans le monde arabe «on est encore en retard par rapport à la caravane de la pensée scientifique sur le plan de la pensée et de la technologie» et que, par conséquent, » Les études philosophiques sont encore beaucoup plus préoccupées par les avis métaphysiques que par les sujets ayant trait à la science, la connaissance et la technologie ce qui s'est répercuté sur nos universités et notre atmosphère culturelle générale«. Son souhait était de pousser l'école et l'université dans le monde arabe à suivre l'évolution de la pensée scientifique en vue de l'enrichir d'une part et de diffuser la connaissance scientifique sur une plus grande échelle d'autre part.
On ne peut cacher notre étonnement et notre admiration devant le labeur effectué par Al-Jabri dans cette œuvre, ou il s'est aventuré dans des domaines complexes allant de la théorie des groupes et des anneaux en algèbre à la théorie de la relativité générale et restreinte d'Einstein. Il voulait que l'épistémologie et la philosophie des sciences soient dispensées aux étudiants des facultés scientifiques car ses derniers sont beaucoup plus en mesure de comprendre ses théories et découvertes scientifiques et développer ainsi le sens de la relativité de la connaissance scientifique. Essentiellement parce que la science est conçue comme un instrument de puissance et une réserve de certitudes, et son enseignement vise presque exclusivement la maîtrise technique et récompense souvent non les esprits les plus inventifs mais les plus dociles comme disait Dominique Lecourt.
L'œuvre d'Al-Jabri se dresse devant nous aujourd'hui pour nous dire qu'il est impératif de continuer le parcours de ce grand homme en osant toujours poser les questions, conformément aux objectifs de toute réflexion philosophique car » Lorsque la culture dominante demeure la culture traditionnelle, le discours de la modernité a la charge de relire la » tradition » et de présenter sa vision contemporaine sur elle. Le besoin de travailler sur la tradition est dicté, en somme, par la nécessité de moderniser notre approche et notre manière de l'envisager au service d'une modernité bien comprise et ancrée dans l'acte et le discours«.
* enseignant chercheur


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.