Les opérateurs se plaignent d'une orientation de la consommation vers le blé tendre. Les spécialistes du blé dur font état d'une réduction de leur part de marché. La suspension des droits de douane sur les importations de blé tendre de septembre à décembre de cette année a déclenché la polémique non seulement auprès des opérateurs de blé tendre, mais également chez ceux du blé dur. «Les décisions des autorités de tutelle un secteur à deux vitesses. D'un côté, les opérateurs de blé tendre qui bénéficient des subventions de l'Etat pour augmenter leur chiffre d'affaires et leur profitabilité. D'un autre côté les opérateurs de blé dur se retrouvent face à une chute de la demande qui réduit sensiblement leur volume de vente et les oblige à arrêter une bonne partie de leur outil de production», se plaint un opérateur du secteur qui requiert l'anonymat. En effet, la politique de subvention de l'Etat adressée vers le blé tendre réduit sensiblement le prix de cette denrée et de ses dérivés. Les produits issus de blé dur se trouvent confrontés à deux contraintes. D'une part, l'absence de visibilité par rapport à la politique de subvention de l'Etat. «Il nous est possible de prévoir l'évolution de la tarification douanière ou le timing où des décisions la concernant vont être prises», note notre source. D'ailleurs, la dernière décision prise par rapport à l'importation de blé ne concerne en aucun cas le blé dur. D'autre part, les importateurs et stockistes de blé dur se retrouvent face à une flambée inédites des cours de leur matière première à l'échelle internationale. En effet, la tonne de blé dur brut se négocie à plus de 1.000 dollars la tonne au niveau mondial. En l'absence de subvention de l'Etat, les prix des dérivés de blé dur (finot, semoule, couscous…) connaissent des augmentations sensibles. Alors que le prix de la farine de blé tendre ne dépasse pas 3,5 DH le kilo, la farine de blé dur se négocie à plus de 4,5 DH le kilo. «De ce fait, la politique de l'Etat oriente automatiquement la consommation vers la farine appelée communément «fors», notamment auprès des couches sociales populaires», estime notre source. Car pour un ménage modeste et devant cette différence des prix le choix est clair. C'est ce qui explique par exemple que les boulangeries, notamment traditionnelles, utilisent de moins en moins les dérivés du blé dur. Les opérateurs de blé dur vont encore plus loin. Ils estiment qu'en orientant la consommation globale des ménages vers le blé tendre, l'Etat se retrouve obligé de payer des sommes colossales en guise de subvention. Car plus les quantités de blé tendre écrasé augmentent plus les subventions liées à sa commercialisation s'aggravent. La situation est d'autant plus alarmante selon nos sources en raison de la flambée extravagante des cours du blé tendre sur les marchés internationaux. La réponse du DG de l'ONICL (Office national interprofessionnel de céréales et de légumineuses) à ses critiques est on ne peut plus claire. «Le blé tendre est le produit qui rentre le plus dans les besoins de première nécessité des ménages marocains. C'est ce qui explique d'ailleurs l'orientation de la politique de subvention vers cette denrée», précise Abdelali Aziz, DG de l'ONICL. Au-delà du débat autour de l'orientation des subventions et les charges que supporte l'Etat, les opérateurs de blé dur se plaignent d'une chute de leur part de marché. Certains d'entre eux parlent de 60% de baisse. Cette réduction de la part de marché induit une réduction des capacités de production. Certaines usines tournent selon nos sources à moins de 35% de leur capacité. Le DG de l'ONICL est étonné d'entendre ces plaintes. «Ce qui est sûr c'est que nous recevons des demandes à foison pour développer des unités d'écrasement de blé dur et de production de ces dérivés», assure-t-il. Face à cette situation, la solution proposée diffère entre deux catégories d'opérateurs. La première catégorie demandent de bénéficier d'une politique de subvention à l'instar de ce qui est fait pour le blé tendre. C'est le seul moyen de réorienter la consommation vers leurs produits. L'autre catégorie se joint aux professionnels qui demandent la suppression pure et simple de la subvention, en maintenant le rôle de l'Etat comme régulateur du secteur.