«Les fonds d'investissement dans le Moyen-Orient et Afrique du Nord ont eu à faire face à des difficultés à mesure que les nombreuses protestations menaçaient l'ordre ancien», cette affirmation tirée de la note d'information de Lipper, récemment publiée, en dit long sur l'impact du printemps arabe sur les fonds d'investissement dans la région Mena. Cette note a été accueillie avec circonspection par les professionnels de la place et notamment l'Association marocaine des investisseurs en capital (voir point de vue). Néanmoins, la publication de Lipper, filiale du leader mondial de l'information financière, dégage un constat alarmant pour les fonds de la région, même si elle fait état d'une certaine exception pour les fonds marocains qui limitent la casse. Merieme Boutayeb, analyste chez Thomson Reuters et auteur de la note, écrit : «Les sept catégories fonds d'actions Lipper dédiées à la région MENA ont terminé le premier trimestre 2011 dans le rouge». Ainsi, selon les données de Lipper, les fonds égyptiens enregistrent la plus mauvaise performance en perdant 25,65% en moyenne. Et pour cause, ils ont gravement été handicapés par une longue pause à la Bourse du Caire coïncidant avec l'escalade des manifestations. Les fonds koweïtiens affichent la deuxième plus mauvaise performance en concédant 10,52%, suivis des émiratis avec un recul de 9,9% en moyenne. Ce dernier pourcentage correspond d'ailleurs à la moyenne des pertes pour les fonds de la région Mena. Le Maroc limite la casse La relative bonne nouvelle vient donc du Maroc qui limite la casse en affichant la moins mauvaise performance de sa région en perdant seulement 3% en moyenne. Une performance à saluer, surtout quand on sait que la tendance baissière est mondiale. En effet, en global, les fonds d'actions de par le monde ont perdu 1,8% en moyenne. Seule la zone euro tire son épingle du jeu en enregistrant un rendement positif de 3,2% durant le premier trimestre. La mauvaise performance de la région Mena est d'autant plus criante qu'au premier trimestre 2010 les fonds de la région avaient dépassé la croissance des fonds dans la zone euro et au niveau mondial. Mais, depuis, c'est la dégringolade : «L'environnement difficile et les rendements faibles ont contribué à donner ces chiffres peu flatteurs pour la région à long terme», note l'analyste. Ainsi, sur une année, de mars 2010 à mars 2011, le rendement des fonds de la région Mena a affiché une performance négative de 7,53%, là où les fonds européens et mondiaux gagnaient près de 6%. Pire, sur 3 ans, la baisse moyenne de la région est de 30%, alors que ses pairs axés sur la zone euro ne perdent que 12,8% et au niveau mondial les fonds enregistrent un rendement positif de 5,8%. Un tableau sombre qui semble relativement épargner les fonds du royaume. Le Maroc est d'ailleurs, selon les données de Thomson Reuters, avec l'Arabie saoudite, le pays qui accapare le plus gros morceau des actifs sous gestion de la région. «La majeure partie des actifs de la région MENA sont gérés par des fonds dans deux pays qui ont largement résisté aux mouvements pour le changement», peut-on lire dans la note avant que cette dernière ne se fasse plus précise : «À la fin de l'année 2010, le Maroc a représenté 36% du total des actifs sous gestion de la région MENA avec 306 fonds communs de placement, suivi de l'Arabie saoudite qui en représente 35% avec 223 fonds communs de placement». L'Egypte, le Koweït et la Tunisie se partagent 25% de ces actifs, le reste étant ventilé entre le Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Liban, Oman, le Qatar et la Jordanie. À fin 2010, le total des actifs sous gestion se porte à plus de 76 milliards de dollars, en progression de 33% par rapport à 2009. Les fonds de la région dans la tourmente «C'est plus du double de la croissance observée par les fonds domiciliés en Europe au cours de l'année, selon les chiffres de l'association de l'industrie Efama», explique Merieme Boutayeb, en estimant que c'est une bonne indication sur la façon dont ce secteur émergent dans la région a commencé à gagner en attractivité. À en croire la note de Lipper, cet élan a été brisé par le printemps arabe. Les fonds de la région sont dans la tourmente et «la tâche la plus difficile entre toutes est de protéger le capital client construit progressivement au cours des années précédentes», étaye l'analyste qui craint des sorties substantielles une fois que les chiffres définitifs pour le premier trimestre seront disponibles, et ce sans oublier le ralentissement attendu des entrées. Aussi, la note se conclut-elle sur... une note d'espoir en arguant que «les gestionnaires de fonds espèrent que les clients qui ont soutenu la région seront encouragés par la perspective d'une nouvelle ère émergente du printemps arabe». C'est tout le mal que l'on souhaite aux fonds de la région en général et du Maroc en particulier. Le bâton et la carotte de la RSE Contactée à propos de la note d'analyse de Lipper et de ce qu'elle formule comme impact du printemps arabe sur les fonds d'investissement de la région MENA, l'AMIC a tenu à faire part de sa circonspection par rapport aux données prises en compte. «Il y a un amalgame entre les différents fonds», explique Françoise Giraudon, déléguée générale de l'AMIC. L'association se pose des questions sur les données publiées par la note, leurs sources, surtout en ce qui concerne le private equity, d'autant que «nous sommes la seule association organisée qui s'occupe de ce type de fonds dans la région», argue-t-on auprès de l'association. Justement pour ce qui concerne le private equity, l'association nie toute décélération due au printemps arabe, car nous ne sommes pas sur des fonds volatils et notre horizon de placement est sur 10 ans. «Il y a eu un ralentissement en 2009 dû à la crise, mais 2010 a marqué une reprise et au premier trimestre 2011 on continue sur la même lancée», défend Françoise Giraudon, après avoir consulté Hassan Nadiri, le président de l'association. En termes de perspectives, l'AMIC se montre confiante et avance le chiffre de 1,5 milliard de dirhams d'investissements en 2011.