La satisfaction largement affichée par les membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) il y a deux semaines quant à leur production avait convaincu plus d'un. Ces pays considéraient, au 14 avril dernier, qu'ils auraient besoin de pomper moins de pétrole qu'anticipé cette année, alors que la production des pays n'appartenant pas au cartel augmente plus que prévu. Cependant, l'incertitude sur la demande et sur la reprise économique, en plus de la volatilité des prix, menacent actuellement le marché pétrolier et le niveau de production de l'Opep, faisant vaciller ses prévisions. Les doutes du cartel Le cartel, qui fournit 40% du pétrole du monde, a actuellement une surcapacité de 6 millions de barils par jour, dont les deux tiers sont détenus par l'Arabie saoudite, alors que le Koweït dit en avoir le sixième. Début avril, l'Opep a calculé la hausse de la demande en 2010 à seulement 0,9 mbj. En dépit d'un marché stable, les risques pour l'Opep demeurent : haut niveau du chômage dans le monde, surcapacité de production et dette des Etats. Les incertitudes sur la demande «pèsent sur les investissements des membres de l'Opep», a souligné Hasan Qabazard, directeur des recherches du cartel devant la 18e conférence sur le pétrole et le gaz au Moyen-Orient, organisée au Koweït. Selon lui, le cartel s'interroge sur l'opportunité d'investir ou non des milliards de dollars pour accroître la capacité de production, d'autant plus que les projections sur la demande du pétrole de l'Opep varient entre 29 et 36 millions de barils par jour vers 2020. Cela signifie que l'Opep doit investir entre 180 et 430 milliards de dollars, selon la demande, pour pousser sa capacité de production. Une stabilité totale du marché ne pouvait pas être atteinte mais il a estimé que les énergies fossiles allaient dominer ce marché durant des décennies. La demande mondiale, de 86 mbj en 2008, passera à 91 mbj en 2014 et l'Opep «va assurer l'essentiel de cette demande», dit Qabazard. L'Arabie produit 8,1 mbj, soit 27% de la production de l'Opep, mais des experts doutent de la capacité de l'Irak d'atteindre l'objectif qu'il s'est fixé. Herman Franssen, président de l'International Energy Associates (Etats-Unis), a mis en garde contre un retour en force de l'Irak, qui ambitionne de produire 12 mbj en 2017, estimant que cela poserait un défi pour l'Arabie saoudite, l'Iran et l'ensemble de l'Opep. Le rapport de la CGES S'ajoute à cela la nette et imparable future hausse des prix. En suggérant qu'elle n'augmentera pas son offre à moins que le baril n'atteigne 100 dollars, l'Opep participe à faire grimper les prix du pétrole, a estimé ce lundi le Center for Global Energy Studies. En dépit des calculs de l'Organisation, le marché laissait de côté deux éléments qu'il jugeait pourtant essentiels : la croissance actuelle de l'offre en dehors de l'Opep et la stagnation de la consommation dans les pays développés. «Le marché semble ignorer la faiblesse persistante de la demande dans les pays de l'OCDE, ainsi que la forte augmentation des liquides de gaz (le pétrole récupéré dans l'extraction de gaz) extraits par l'Opep et du brut produit hors-Opep», écrit le cabinet CGES. Dopés par les signes de reprise économique, les cours du baril ont frôlé lundi les 88 dollars à Londres, se hissant à 87,75 dollars, leur niveau le plus élevé depuis octobre 2008. Le rapport réfute par ailleurs l'idée, avancée par l'Opep, selon laquelle la consommation connaîtrait un fléchissement chaque année au deuxième trimestre. Les prix du pétrole sont dorénavant supérieurs «de quelque 10 dollars à leur moyenne du 1er trimestre» et les avertissements de l'Opep sur la faiblesse de la demande au 2e trimestre sont «peu convaincants», toujours selon les analystes du centre. Pour eux, «pendant des années, ce trimestre n'a pas été une période de faiblesse, ni pour les prix ni pour les revenus de l'Opep». Pour parer à toute menace, le ministre koweïtien du Pétrole Ahmad Abdallah Al-Sabah a indiqué lundi que le cartel interviendrait pour augmenter son offre si les prix venaient à dépasser 100 dollars.