Le milieu des affaires se remettait à peine de la mégafusion ONA-SNI qu'une autre annonce d'envergure vient redessiner le paysage financier marocain. Lundi en fin de journée, Saïd Ibrahimi a été désigné directeur général de la société en devenir pour l'aménagement et la gestion de la Place financière de Casablanca. Mis à part les nominations, lesquelles ont donné lieu à cet événement, et qui passionnent les pronostics politiques (voir encadré), c'est la mise sur les rails du projet de Place financière de Casablanca qui constitue une annonce majeure. L'idée avait été esquissée par le ministre de l'Economie et des finances quand la Bourse était au plus bas fin 2008. Après avoir planché sur la question pendant 2 ans, les autorités financières livrent aujourd'hui leur copie. Manifestement la priorité affichée est d'abord d'installer physiquement cette Place. C'est donc une superficie de 100 ha qui devrait accueillir le projet dans la zone d'Anfa. «S'attaquer à la composante immobilière est un bon début, l'essentiel après tout est que le projet soit initié et que des ressources soient dédiées à la création de cette structure», jugent les professionnels. S'agissant maintenant du rôle de la Place financière de Casablanca, il consistera essentiellement à financer des acteurs économiques implantés en dehors du Maroc. Tous les leviers de financement sont envisagés, qu'ils impliquent les banques ou les marchés de capitaux nationaux. Le terrain de chasse des capitaux serait à court terme le Maghreb arabe et l'Afrique subsaharienne. Mais une fois installé, le centre financier casablancais devra passer d'une vocation régionale à une vocation internationale. Pour sûr, dans l'environnement national immédiat, une niche existe déjà. «Il s'agit spécifiquement «des acteurs étrangers qui surpassent les capacités de leurs places locales, par leur besoin de financement, sans pour autant parvenir à intéresser les très grandes places mondiales», analyse Younès Benjelloun, PDG de CFG Marchés. Mais avant d'en arriver là, il s'agira de mener plusieurs réformes. Celles-ci devraient nécessairement toucher au secteur bancaire et aux marchés de capitaux pour les adapter à leur nouvelle vocation. Mais l'essentiel du dispositif à mettre en place devrait concerner la réglementation des changes puisqu'il est question de mouvement de capitaux internationaux. Mais cela n'appellera pas systématiquement à une libéralisation des changes du moins pas dans l'immédiat. Aussi, des plafonnements en termes de financement offert ou des conditions d'accès à ce financement basées sur des critères de provenance des entreprises ou de leur taille peuvent-elles être envisagées. En tout cas, le jeu en vaut la chandelle. «Une place qui centralise les opportunités d'investissement existant au niveau de toute la région ne peut qu'intéresser les investisseurs», justifie Benjelloun. Par à coups, cela dynamisera les flux de capitaux qui devraient profiter aux entreprises nationales, puisque celles-ci pourront se financer en capitaux étrangers depuis le Maroc. Casa ou Tunis: l'exclusivité au premier arrivé Pour installer la Place financière de Casablanca, «il faudra se déployer avec la rapidité nécessaire», préconise le gouverneur de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri. C'est que la concurrence est rude. Certes, le Maroc dispose pour l'heure d'une avance grâce à son savoir-faire financier reconnu et à une bonne presse auprès des investisseurs, mais les challengers s'activent et l'on parle surtout de l'Egypte et de la Tunisie. Ce dernier pays a même pris une sérieuse option en lançant la construction fin 2009 de sa propre plateforme financière offshore, le Tunis Finance Harbour. L'investissement annoncé est de 3 milliards de dollars. La surface prévue est de 520 hectares et la première tranche sera fin prête en 2011. La course est engagée, car de l'avis unanime des professionnels il n'y a pas de place pour deux centres financiers dans la région. «Le premier arrivé décroche l'exclusivité», illustre Younès Benjelloun, PDG de CFG Marchés. Le patron cite notamment l'exemple de la place de Paris qui malgré tous les efforts déployés n'est jamais parvenue à détrôner celle de Londres. Bensouda pour succéder à Bensouda ? Nourredine Bensouda, l'actuel directeur général des impôts, hérite de la Trésorerie Générale du Royaume. Les observateurs y voient une suite logique du parcours du patron du fisc. «Bensouda a mené de main de maître les réformes dont il avait la charge à la Direction générale des impôts. Il a à présent toute latitude de poursuivre l'autre volet de la réforme de l'impôt qui doit s'opérer à la TGR». La grande question à présent est de savoir qui va succéder à Bensouda ? Ce n'est pas tant une question de compétences, car des talents existent aujourd'hui dans l'administration du fisc, mais il s'agit de compétences «sans nom, sans réseau qui peineraient à maintenir le rythme de réformes imprimé par Bensouda», nous dit-on en coulisses. Peut-être aussi qu'il n'y aura pas lieu de désigner un successeur à ce dernier. Une piste suggère en effet qu'il soit maintenu à la tête de la Direction générale des impôts et de la TGR, en vue d'une éventuelle fusion des deux structures. Suspense.