Oui... l'attentat de Marrakech aura un impact, voire des impacts, sur le tourisme national. Dire le contraire serait d'une naïveté impardonnable. Jusqu'ici, personne ne peut les évaluer à moyen et à long termes. Sur le court terme, le discours officiel laisse entendre qu'il n'y a pas de quoi s'inquiéter. Ce serait aller trop vite en besogne. Il faudra se donner du temps pour en avoir le cœur net. C'est vrai, au lendemain de l'attentat, ministère de tutelle et opérateurs ont fait preuve d'une mobilisation et d'une réactivité sans précédent, l'objectif étant d'atténuer les conséquences autant que possible de cet acte terroriste sur le plan touristique. Et ça continue... Pas besoin de rappeler ici les enjeux. Il s'agit entre autres de défendre l'image du Maroc comme étant une destination solide, de rassurer les investisseurs et de sauvegarder des postes d'emploi. Tout cela s'inscrit bien évidemment dans le cadre d'une communication de crise. Mais lorsqu'on analyse les conséquences de cet événement, on oublie souvent les ressources humaines. Pas de doute, cet acte terroriste et ses éventuels effets sapent le moral des RH des différents établissements touristiques et des candidats aspirant à une carrière dans le secteur. Et si les opérateurs mettaient fin à leurs investissements ? Faut-il s'attendre à des licenciements si Marrakech est appelée à vivre une crise touristique ? Est-ce réaliste de continuer de croire dans le développement du secteur ? Autant de craintes légitimes. Malheureusement, rassurer les ressources en interne et les candidats ne semble pas être la priorité des priorités. Toute la communication de crise est orientée vers les touristes et les investissements. Du moins, c'est ce qui ressort de nos échanges avec les opérateurs sur place. Curieux, surtout que les RH du secteur touristique doivent être les premiers convaincus de la solidité d'une destination. Une cible stratégique en matière de communication de crise. Paradoxal aussi lorsqu'on sait que la bataille de la Vision 2020 porte entre autres sur la création de l'emploi (un total de 470.000 postes) et la qualification des profils. Toujours est-il que l'opération de communication menée au niveau des investisseurs aura certainement un impact sur les ressources humaines, soutiennent des opérateurs interrogés. Pour Ali Ghannam, président de la FNIH, «l'investissement dans le secteur touristique est un acte mûrement réfléchi et se fait à long terme. Un attentat a un effet ponctuel. Du coup, il n'existe pas de lien de cause à effet». Et de nuancer : «Il est évident que cet événement pourrait avoir comme impact un ralentissement des investissements». Voilà le genre de propos qu'il faut tenir aux RH sans pour autant qu'ils soient annoncés comme étant une catastrophe. Et au lieu de mobiliser les équipes pour ramener des clients, comme le fait ce patron d'un grand groupe hôtelier à Marrakech, il y a lieu de les informer, de les rassurer afin qu'elles se mobilisent tout en adoptant une seule règle : la transparence. C'est ça la communication de crise. Côté organisation en interne, quelques recadrages des équipes s'imposent pour constituer des cellules de crise qui se transformeront de facto en cellules de veille au fil des jours. C'est un peu la méthode qui a été adoptée à grande échelle par le pays et qui est calquée dans une moindre mesure par les hôteliers. Dès le lendemain de l'attentat de Marrakech, le ministre a annoncé la création d'une cellule de crise qui permettra la communication et le suivi en temps réel de la réaction du marché entre le département de tutelle et les opérateurs économiques du secteur. La composante ressources humaines est, là encore, très importante, puisque l'essentiel de la communication de crise dans ce genre de situation capitalise sur le contact humain et le renforcement de la qualité de service pour rassurer les clients, répondre à leurs questions et s'assurer que les messages positifs sont bien passés. C'est un peu ce qui a été fait aussi au niveau des différents aéroports à travers le renforcement des agents d'accueil et de service dans les aéroports, en vue de rassurer les touristes et de les orienter de la manière la plus rassurante possible. Ce schéma s'applique aussi à l'accueil dans les unités hôtelières, ce qui suppose un renforcement et une formation spécifique des équipes. Le discours est différent selon qu'on s'adresse à une clientèle étrangère ou nationale, car le défi en termes de communication de crise aussi est de sécuriser les marchés émetteurs dont le marché local avec le développement d'offres spécifiques. Là-dessus, il n'y a pas de recette toute faite. C'est ce que confirme Samir Khaldouni Sahraoui, DG de Chorus Consulting Hospitality & Leisure. Samir Kheldouni Sahraoui : Directeur général de Chorus Consulting Hospitality & Leisure Malheureusement, il n'existe pas de solution toute faite en pareilles circonstances, surtout face au terrorisme. Pour rectifier le tir, il faut d'abord communiquer, rassurer, prêcher et innover. Aujourd'hui, le produit touristique du Maroc doit être communiqué de façon charismatique auprès du consommateur final, sur les chaînes d'information, sur les plateaux des journaux télévisés européens et la presse people. C'est le consommateur qu'il faut rassurer et pas forcément le tour-opérateur qui, lui, connaît bien le Maroc et ne s'inquiète pas outre mesure. Côté marchés émetteurs, il y a un effort conséquent à faire, en vue de diversifier. Actuellement, la France est notre seul véritable grenier à touristes. Elle réalise 32% de nos nuitées hôtelières. Soulignons au passage que le deuxième marché touristique du Maroc est le Maroc lui-même, car nos nationaux réalisent tout de même 22% de nos nuitées, alors que notre troisième marché, la Grande-Bretagne, ne réalise que 7% de nos nuitées. En revanche, c'est peut-être vers le tourisme de niche que nous devrions réorienter notre stratégie, tout en consolidant les destinations établies, sachant qu'aujourd'hui toute la pression est supportée par deux destinations seulement, Marrakech et Agadir, qui réalisent à elles seules plus de 60% de nos performances touristiques. Enfin, côté ambitions et Vision 2020, il est peut-être temps d'intégrer la récurrence du risque terroriste que nous avons connu aussi par le passé.