La concurrence entre le Maroc et l'Afrique du Sud est de plus en plus féroce. Mais le bras de fer paraît de prime abord déséquilibré. Le royaume affiche clairement son ambition de conquérir l'économie africaine mais le géant historique qu'est le pays de Mandela, est un leader difficile à évincer. Et pour cause, l'Afrique du Sud est aujourd'hui sans conteste le gros mastodonte continental, de par le poids de son économie, ainsi que par son influence historique sur les pays du continent. Ce leadership sud-africain fait en sorte que, quelles que soient les avancées économiques réalisées par le Maroc, le royaume est au mieux classé deuxième en Afrique. A défaut de pouvoir tenter la stratégie du KO, qui serait suicidaire dans une situation pareille, le Maroc doit capitaliser sur les rares cartes qu'il peut encore tirer pour tenter de frapper là où cela peut faire mal. Pour cela, il est important de localiser les points forts et les points faibles de l'Afrique du Sud. En cela, le récent rapport commun de la Banque mondiale, du World Economic Forum et de la BAD sur la compétitivité en Afrique, s'avère être une mine d'or. Selon le classement établi par ces institutions, l'Afrique du Sud se positionne aujourd'hui parmi le peloton des pays de la première moitié du classement mondial (54e rang), tandis que le Maroc se voit largué dans la seconde partie (75e place). Cet avantage de l'Afrique du Sud tient compte d'un meilleur positionnement dans la plupart des critères retenus pour ce classement, notamment en ce qui concerne le développement du marché financier où l'Afrique du Sud se classe neuvième dans le monde. Il ressort également que la taille du marché, son efficience, et le niveau de formation permet à l'Afrique du Sud de prendre les devants. Jeu serré sur les IDE Seuls les critères de l'environnement macroéconomique ainsi que la santé et l'éducation primaire permettent au Maroc de marquer des points face à son concurrent. Par ailleurs, les relations économiques entre le Maroc et l'UE ainsi que les Etats-Unis sont un avantage qui est en phase de se restreindre au simple atout géographique. En effet, l'entrée en vigueur en 2000 de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre l'Afrique et l'Union européenne prévoit la suppression progressive des droits de douane à l'horizon 2012 sur les flux commerciaux entre l'Afrique du Sud et l'UE, comme ce sera le cas pour le Maroc. «Ceci reflète l'importance de l'Afrique du Sud pour l'UE, confirmée par la signature d'un partenariat stratégique en 2008», explique l'ambassade de France en Afrique du Sud dans un récent rapport sur le pays. L'Afrique du Sud est également partie prenante des négociations des accords de partenariat économique (APE) entre l'UE et les pays de la partie du sud de l'Afrique, et dispose de préférences commerciales avec les Etats-Unis dans le cadre de l'AGOA (African Growth and Opportunity Act). C'est dire que la concurrence entre le Maroc et le pays de Mandela est engagée même sur un terrain qui semblait acquis d'avance pour le royaume. Cela dit, là où la force de l'ogre sud-africain fait le plus trembler le Maroc, c'est bien l'attrait en termes d'investissements étrangers. «L'Afrique du Sud est de toute évidence le grand pôle d'attraction des investissements des BRIC en Afrique. Pour preuve, les investissements chinois en Afrique du Sud ont atteint environ 4,8 milliards USD rien qu'en 2008», note-t-on auprès de la BAD. Cette situation peut laisser perplexe, lorsque l'on sait l'intérêt qu'accorde aujourd'hui le Maroc à ces pays émergents, comme en témoigne les récents échanges entre les officiels marocains et ceux de la Chine et de l'Inde. De plus, l'Afrique du Sud est considérée aujourd'hui comme la principale destination en Afrique des IDE. Selon un récent rapport d'Ernst & Young, le pays a été jugé par 51% des investisseurs étrangers comme le plus attractif pour les investissements futurs, loin devant le Maroc, qui a récolté 8% seulement des sondages. Là où il fait bon investir... Cette situation s'explique essentiellement par l'image d'économie développée qu'affiche l'Afrique du Sud, ainsi que par une meilleure perception du climat des affaires. «La législation sud-africaine est relativement libérale et est considérée par les observateurs comme assez largement favorable aux affaires», note l'ambassade de France en Afrique du Sud. De plus, si on se réfère à l'analyse d'Ernst & Young, le Maroc n'est pas le seul pays africain à prétendre jouer un rôle de plateforme vers d'autres marchés, vu que l'Afrique du Sud s'est déjà positionnée auprès des principaux pays émergents pour constituer à son tour un tremplin vers les marchés africains les moins accessibles à partir du Maroc et qui représentent un important potentiel de croissance. «Toutefois, il faut préciser que ces perceptions de l'attrait relatif à chaque pays ne reflètent pas la répartition actuelle des IDE», relativise-t-on auprès du cabinet de conseil. En effet, le Maroc reste particulièrement collé à l'Afrique des Sud, cette dernière s'accaparant 15% des investissements étrangers en Afrique contre 11% pour le Maroc, entre 2003 et 2010. La situation est donc telle que, peu importe la compétitivité des pays voisins tel que la Tunisie, c'est bel et bien de l'Afrique du Sud que le Maroc doit se méfier. Pour relever ce défi, il est aujourd'hui bien admis que l'économie locale souffre de certains maux que le Maroc pourrait exploiter pour reduire l'écart compétitif avec l'Afrique du Sud. À ce titre, il suffit de citer le niveau de développement des infrastructures qui, malgré l'organisation de la Coupe du monde 2010 et les chantiers qu'elle a permis de réaliser, reste un défaut majeur, que le Maroc lui, tente d'ores et déjà de combler à son niveau, via des politiques publiques bien ciblées. L'argumentaire marocain vis-à-vis des investisseurs potentiels devrait également s'axer sur des évidences qui méritent quand même d'être rappelées dans le contexte actuel à savoir, la stabilité économique dont le Maroc fait preuve aujourd'hui contre un essoufflement de l'adversaire et l'incertiture politique liée au manque de visibilité sur l'après-Mandela que les investisseurs peuvent exiger à l'avenir. Les jeux sont loin d'être faits et le Maroc garde toutes ses chances pour rattrapper son retard, à condition d'être stratège.