Toute crise a ses méfaits, mais aussi ses vertus. La principale vertu de celle que nous venons de traverser est d'avoir mis l'Afrique au centre du monde. Le continent noir est incontestablement le plus grand bénéficiaire des aléas conjoncturels de 2008 et 2009 du fait de l'intérêt qui lui est désormais exprimé en sa qualité d'important relais de croissance. De quoi créer un phénomène de concurrence entre les pays africains en termes d'attrait des investissements directs étrangers (IDE). C'est dans ce contexte que le cabinet Ernst & Young s'est plié au jeu de l'analyse des intentions d'investissement en Afrique pour les prochaines années afin de déterminer la perception des investisseurs de son potentiel de croissance. Quelle place occupera donc le Maroc dans cette nouvelle carte des investisseurs étrangers en Afrique ? Il s'avère au terme de cette étude que le royaume ne devrait pas rater le train puisque, selon les experts d'Ernst & Young, il est évident qu'«il devrait attirer des quantités importantes d'IDE au cours des cinq prochaines années». Les investisseurs sondés par le cabinet affichent clairement leur intérêt pour les «industries à main-d'œuvre», principalement en raison du faible coût à supporter. Dans ce sens, les secteurs du tourisme et du BTP se positionnent en tête du peloton. Cette configuration est totalement en déphasage avec le constat relevé au niveau des intentions d'investissement dans la plupart des autres pays d'Afrique. L'étude confirme en effet que les industries d'extraction, qu'elle soit minière, pétrolière ou gazière, resteront les principaux secteurs qui attirent dans le continent. Plus de 65% des investisseurs potentiels interrogés affirment leur penchant pour ces industries, du fait essentiellement du potentiel jusque-là non exploité des ressources naturelles des pays d'Afrique. Cela n'empêche cependant pas le Maroc de se positionner comme la deuxième destination privilégiée des investisseurs. 8% d'entre eux, particulièrement les Français, estiment que le royaume est la meilleure destination pour investir. Loin devant, c'est évidemment l'Afrique du Sud qui reste privilégiée avec un score dépassant les 50%. À noter que ce pays est d'ores et déjà considérée comme principale destination puisqu'elle a pu attirer 15% des IDE en Afrique entre 2003 et 2010, contre 11% pour le Maroc. Par ailleurs, l'analyse des investissements étrangers en Afrique fait également ressortir les points faibles du continent en termes d'attractivité. À ce titre, si le Maroc n'est pas concerné par l'instabilité politique qui dissuade les investisseurs d'intégrer beaucoup de marchés africains, il n'est pas pour autant exempt de reproches. Ainsi, il ressort que les risques qui peuvent porter atteinte à des intérêts étrangers dans le pays sont les niveaux élevés de la bureaucratie et le potentiel de troubles sociaux en raison du niveau élevé du chômage. De plus, à l'instar de l'ensemble des pays aptes à jouer le rôle de plateforme pour exporter en Europe, le royaume aura besoin de développer davantage ses infrastructures. Or, «le niveau des déficits budgétaires de cette catégorie de pays ne plaide pas pour une intervention des Etats pour remédier totalement à cette problématique», estiment les consultants du cabinet. Plus d'agressivité marketing Par ailleurs, le document d'Ernst & Young apporte également des recommandations pour les pays souhaitant devenir plus compétitifs en termes d'attraits des IDE. Ainsi, «les gouvernements doivent avoir un plan à long terme pour favoriser les investissements étrangers qui s'intéressent aux ressources naturelles là où elles existent, mais qui incitent surtout à des placements diversifiés», recommande-t-on au sein du cabinet de conseil. Ces stratégies gouvernementales devraient inclure des campagnes de marketing, apporter des changements structurels à la bureaucratie et surtout développer les infrastructures. Les investisseurs étrangers seraient également attirés par l'accessibilité du public aux données économiques. Par ailleurs, Ernst & Young ne manque pas de souligner l'effet de masse comme un critère clé pour la compétitivité des pays africains. À ce titre, il est souligné que les marchés qualifiés de petits attireraient plus d'IDE en provenance des grandes multinationales s'ils se regroupaient dans des marchés communs. «Les petits pays peuvent bénéficier de l'unification de marchés aujourd'hui distincts, à travers des zones commerciales régionales ou des accords commerciaux collectifs fondés sur des affinités culturelles ou linguistiques», explique-t-on au sein du cabinet. Ceci est à même de relancer le débat sur le manque à gagner que subissent notamment les pays de l'Afrique du Nord en raison de l'échec de l'intégration maghrébine.