«Le silence tue la démocratie, mais une presse libre prend la parole». Tout est ainsi dit dans ce slogan adopté par l'association mondiale des journaux et des éditeurs de médias d'information (WAN-IFRA) pour célébrer aujourd'hui la journée mondiale de la liberté d'expression et de la presse. Porteurs d'informations mais également d'opinions, les médias sont incontestablement des locomotives de la pensée et de la démocratie. Un lien fort entre liberté de la presse et liberté d'expression que l'association mondiale tente de mettre en avant et d'analyser à travers ce slogan qu'elle brandit et sème au gré des publications du monde entier. En effet, à cette occasion, la WAN-IFRA a lancé un appel aux médias des quatre coins du monde pour la publication d'un dossier spécial dédié à l'événement. Concrètement, il s'agit d'une série de publicités (photos, infographies, caricatures...) «impressionnantes» et surtout «parlantes» (voir image), pouvant être publiées aussi bien sur les journaux que sur les sites d'information. Objectif, rappeler qu'une «presse libre offre une fenêtre à travers laquelle toutes les autres violations des droits fondamentaux peuvent être révélées». Un chantier sans fin Au Maroc, il faut le reconnaître, le 21e anniversaire de cette journée de «liberté» sera loin d'être une journée de fête. Et pour cause. Pas plus tard que jeudi dernier, une étude réalisée par le cabinet d'études KPMG et commanditée par le ministère de la Communication portant sur le développement de la presse écrite faisait état d'un marché encore très fragile (voir Les Echos quotidien du lundi 2 mai). Exemple : une grande partie des entreprises de presse marocaines ont un résultat d'exploitation négatif. Pire encore, certaines d'entre elles vont jusqu'à s'endetter à hauteur de 100% de leurs fonds propres, sans parler des impôts que celles-ci doivent rendre à l'Etat, qui représentent, à eux seuls, près du double de la subvention octroyée à l'entreprise. Instabilité du marché, faiblesse du lectorat, rareté des ressources humaines, inadéquation du cadre juridique avec le contexte actuel ajoutés à l'arrivée en force des nouvelles technologies sont autant de facteurs qui ne sont pas pour rassurer les opérateurs du marché national. Des facteurs auxquels s'ajoute également la question de la ligne éditoriale et de la censure. Tout cela fait bien du «quatrième pouvoir» une «faiblesse en plus» qui mérite d'être secourue... rapidement. Les efforts sont pourtant là, citons par exemple le fameux dialogue national «Médias et société», les mémorandums, recommandations et «Livre blanc» présentés par les représentants de la profession, à la Primature, au ministère de tutelle ainsi qu'au Parlement. Il y a aussi la réforme des médias engagée par le ministère de la Communication quelque temps après le printemps arabe. Des chantiers qui s'enclenchent pour une (re)construction d'un paysage médiatique fort dans sa globalité et une presse libre et joue véritablement son rôle de leader d'opinion. Or, de ces chantiers, pratiquement aucun n'a encore posé ou proposé une deadline pour la mise en place d'actions concrètes, des chantiers qui commencent donc sans trop savoir où ils s'arrêteront... et s'ils s'arrêteront.