«Les PME peuvent être le moteur de compétitivité de l'économie nationale» martèle avec conviction Mohammed Horani, président de la CGEM. Pour le moment, force est de constater que ce «moteur de compétitivité» est en panne. La raison? En fait, il y en a plusieurs. Sous-capitalisation, carences managériales, faible internationalisation sont les griefs que l'on retient le plus souvent à leur encontre. Certes, ce n'est pas la première fois que ces reproches occupent le devant de la scène économique, mais la situation est critique. 2012 approche et l'Etat comme les entrepreneurs ont du souci à se faire. Non pas en raison de l'apocalypse annoncée par Hollywood, mais plutôt parce que cette année charnière verra, dans le cadre de l'accord Maroc-UE, la fin du démantèlement douanier. Ainsi, les produits industriels européens pourront investir le marché local libres de tout droit de douane. Quant aux matières premières et aux biens d'équipement, un taux minime de 2,5% leur sera appliqué. Que faire alors? Surtout quand on sait que les PME, qui constituent 95% du tissu économique marocain, contribuent à hauteur de 60% au marché de l'emploi, que leur part dans les investissements privés est de 50%, et que leur contribution aux secteurs du commerce et des services est respectivement de 30% et de 40%. «Il existe un syndrome de la PME. C'est pourquoi il devient nécessaire d'instaurer une forme de discrimination positive à l'égard de ces entreprises», constate Hamid Benelafdil, directeur du CRI de Casablanca, qui voit dans cette solution l'unique planche de salut pour les PME. Le coaching d'investissement au service de l'innovation «L'Etat a fait tout ce qui était en son pouvoir pour favoriser l'opérationnalisation des mesures de soutien aux PME». Tel est le constat d'Ahmed Réda Chami, ministre du Commerce et de l'industrie, qui estime qu'un regain de compétitivité ne peut se faire sans un engagement fort de toutes les parties. Apparemment, prendre son bâton de pèlerin pour faire la promotion de Moussanada et d'Imtiaz n'a pas donné les résultats escomptés. Ni les 2 milliards de DH qui ont été mobilisés, ni les différentes formes de partenariat public-privé mis en place, ni la neutralité fiscale pour les fusions/acquisitions instaurée dans la LF 2010 ne semblent susciter, du propre aveu du ministre, l'engouement des entrepreneurs, ce qui contrarie sérieusement les objectifs du plan Emergence tels qu'énoncés lors des assises de l'industrie. Et quand bien même il y aurait adhésion, Chami n'a pas caché sa réserve quant à la qualité des dossiers déposés. «Les projets d'investissement qui nous ont été soumis ne sont franchement pas encourageants», a déploré le ministre du Commerce et de l'industrie, avec une mimique qui en disait long sur sa déception. Pour y remédier, une cellule de coaching d'investissement va être mise en place, avec pour unique objectif de rendre plus concrets les projets déposés dans le cadre des programmes d'accompagnement et de leur conférer une réelle valeur ajoutée, notamment en termes d'innovation. Un cadre règlementaire déficient? Seulement, c'est à un tout autre son de cloche auquel on a droit du côté des entrepreneurs. Pour eux, s'ils n'arrivent pas s'élever au niveau des espoirs que l'on a mis en eux, c'est principalement en raison de contraintes plus terre à terre. La fiscalité est souvent évoquée, ce qui pousse certains entrepreneurs à demander l'instauration d'une forfaitisation des impôts pour les PME. Mais la problématique qui semble la plus préjudiciable est celle du non respect des délais de paiement. «Nous perdons énormément de temps rien que pour encaisser les chèques de nos clients, comment voulez-vous élaborer des stratégies innovantes ou faire de la R&D dans ce contexte?», fustige un patron de PME. Même le patron des patrons, Mohammed Horani, partage cet avis. Une situation délicate en somme, qui découle avant tout d'un cadre règlementaire inadéquat. En effet, le Maroc ne dispose pas, contrairement à son voisin tunisien, d'une loi sur les délais de paiement. Pourtant, la logique voudrait que cette loi soit l'un des premiers jalons du processus d'amélioration de la compétitivité des PME. Et pour aller encore plus loin, pourquoi ne pas s'inspirer de l'expérience américaine en la matière? En effet, les entreprises qui ont accumulé un certain nombre de défauts de paiement sont regroupées au sein d'une «black list», ce qui donne plus de visibilité quant aux choix de ses partenaires commerciaux. De plus, une entreprise faisant partie de cette liste noire perd automatiquement le droit de participer aux marchés publics. Il est clair qu'un cadre aussi contraignant ferait réfléchir à deux fois les patrons qui essaieraient de se faire de la trésorerie en jouant sur les délais de paiement. Les consortiums pour jouer dans la cour des grands Pourtant, si l'instauration de ces mesures est une condition nécessaire à la mise en place d'un cadre incitatif au «décollage» des PME, elles n'en constituent pas pour autant une panacée. Surtout si les PME veulent relever le défi de la libéralisation des frontières en proposant une offre exportable digne de ce nom. À ce sujet, une simple consultation des statistiques du commerce extérieur est assez édifiante. Ainsi, seules 5.700 PME marocaines exportent leur production, contre près de 22.000 PME importatrices. Un décalage flagrant, qui fait dire au ministre du Commerce extérieur, Abdellatif Maazouz, que les PME marocaines «doivent s'adapter au contexte international, être plus réactives et sortir de la logique de l'assistanat». Un constat assez sévère certes, mais qui se base sur une logique imparable, à savoir la sous-exploitation des multiples accords de libre-échange signés par le Maroc. Il est vrai que face à un marché local de quelques millions, les ALE permettent d'accéder à des marchés qui se chiffrent en milliards. Mais encore faudrait-il se donner les moyens de jouer dans la cour des grands, notamment en se regroupant et en capitalisant sur le savoir-faire et les ressources réseau. De tels moyens existent pourtant, mais il semble qu'ils soient encore snobés par les PME. L'exemple le plus flagrant est celui des consortiums d'exportation, entités qui présentent pourtant de multiples avantages. Faire partie d'un consortium permet de réaliser des économies d'échelle non négligeables. De plus, les consortiums d'exportation bénéficient de l'appui de l'Etat. Cerise sur le gâteau, une entreprise qui en ferait partie jouirait d'un double avantage, puisqu'elle peut bénéficier à la fois du soutien financier octroyé au consortium, mais également de mécanismes tels que Moussanada en sa qualité de PME. Autant d'avantages qui ne peuvent que renforcer la compétitivité de nos PME. Mais si ces outils ont le mérite d'exister, peut-être gagneraient-ils à être plus vulgarisés. Ce qui angoisse les PME En 2009, une enquête menée auprès des dirigeants de PME relevait que ces derniers étaient globalement optimistes malgré la conjoncture morose qui prévalait à l'époque. Mais leurs grandes préoccupations restent les suivantes. Les délais de paiementLa grande majorité (67%) des entreprises marocaines connaît des délais de règlement satisfaisants (60 jours). Mais une part non négligeable des dirigeants interrogés déclare pâtir de délais supérieurs à 90 jours. Cet élément est d'autant plus préoccupant que les chefs d'entreprise marocains ont conscience, dans leur grande majorité, de l'impact important des délais de paiement à la fois sur la trésorerie comme sur la compétitivité de leur entreprise.La concurrence Celle-ci apparaît comme une réalité de l'environnement économique des entreprises marocaines. 61% des patrons interrogés estiment qu'au cours des deux dernières années, le nombre d'entreprises dans leur secteur d'activité a augmenté, notamment dans le commerce et les services. La concurrence des pays étrangers est également ressentie par près d'un interviewé sur deux, en particulier ceux appartenant aux secteurs du textile et du BTP.L'économie informelle En dépit du sentiment très largement partagé par 85% des dirigeants interrogés qu'il est facile d'embaucher légalement des salariés, un chef d'entreprise sur trois (32%) considère que la part de l'économie informelle a augmenté au Maroc, au cours des deux dernières années. Cette perception est particulièrement exprimée dans les entreprises de 50 à 249 salariés ainsi que dans les secteurs du transport et de l'agriculture. «Il est temps d'instaurer une loi sur les délais de paiement»Mohammed Horani,Président de la CGEM. «Les Echos» : Comment la plateforme de rating peut-être améliorée ? Mohammed Horani : Tout système de rating, que ce soit pour une entreprise, un particulier ou même un pays, n'est en fait qu'une déclinaison d'un tableau à double entrée qui prend en compte des critères prédéfinis et des valeurs attribuées. Donc, ces critères peuvent être sous forme de données statistiques, mais aussi inclure d'autres éléments tels que l'expérience. La note qui en découle facilite la prise de décision, car en général, ces systèmes de rating comportent deux bornes : une borne inférieure en deçà de laquelle le dossier est automatiquement refusé et une borne supérieure au dessus de laquelle le dossier est bien sûr automatiquement accepté. C'est quand la note est intermédiaire qu'entrera en jeu une analyse supplémentaire, qui est basée sur le bon sens, l'expérience individuelle, les qualités managériales, ainsi que l'appréciation humaine. Personnellement, je pense que c'est cette méthode qui sera adoptée au Maroc. Vous ne pensez pas que c'est tout de même difficile à mettre en place ? Nous n'avons pas le choix. Mais cette difficulté sera surmontée si l'on effectue un suivi rigoureux des entreprises bénéficiaires, en comparant leur démarche, leur stratégie, par rapport à la note attribuée par la plateforme de rating. Cela permettra de mettre en compétition la grille de score et de juger de son degré de pertinence, notamment en bénéficiant de retours d'expérience provenant de pays qui ont déjà adopté ce système. Cela demandera du temps, mais il est nécessaire de mettre en place un tel mécanisme et d'être rigoureux et vigilant pour l'améliorer au fur et à mesure. Plusieurs entrepreneurs se sont plaints du non respect des délais de paiement, mais personne n'a évoqué le factoring comme solution Cela ne constituera une solution que si l'on met en place un cadre règlementaire adéquat. Le factoring consiste à déporter le risque de l'entreprise sur un organisme dont le métier est d'optimiser le recouvrement des créances. En l'absence de loi qui règlemente les délais de paiement, les sociétés de factoring seront contraintes de se baser sur des hypothèses extrêmes, et cela va donc coûter plus cher, car le risque sera surévalué. C'est pourquoi une loi doit être instaurée, qui permettra justement de développer des solutions pour les entreprises, telles que le factoring.