Les Echos : Une récente étude réalisée par Carat France portant sur l'évolution du marché publicitaire mondial prévoit une évolution des investissements de 2,9% en 2010 et 4% en 2011. Peut-on parler d'une reprise du marché local ? Ali Boujena : Selon les chiffres des investissements bruts révélés par Imperium Media au titre de l'exercice 2009, le marché publicitaire national a connu pour la première fois une évolution à un chiffre(+ 5,6%: 2008/2009) pour atteindre 4,7 milliards de DH. Le ralentissement de l'évolution du marché ne peut être uniquement imputable à la crise économique mondiale, puisque le trend baissier est enclenché depuis 2008. En effet, la progression entre 2006 et 2007 s'élevait à +23,8%, elle a d'abord chuté à +13,2% entre 2007 et 2008, pour atteindre le niveau précédemment annoncé de + 5,6% entre 2008 et 2009. Pour l'instant, nous n'en sommes pas à des évolutions négatives comme pour le reste du monde. Ce qui fait en quelque sorte la particularité du marché marocain. Mieux encore, l'année 2010 semble s'annoncer sous de meilleurs auspices que 2009. La performance du marché entre le 1er janvier et le 29 mars 2010 est en évolution de +16% par rapport à la même période de l'année dernière. En 2009, le Maroc avait largement devancé ses voisins du Maghreb en matière d'investissements publicitaires. Cette tendance va-t-elle se poursuivre? C'est un fait, le marché publicitaire marocain est historiquement en avance par rapport à celui de ses voisins maghrébins. Il ne faut pas pour autant crier victoire. Toujours est-il, j'estime que l'avancée du Maroc devrait durer. Même si le marché algérien devrait connaître cette année un léger sursaut compte tenu de la qualification à la Coupe du monde de football et aux investissements que celle-ci devrait occasionner. On parle de baisse de la créativité marocaine. Pensez-vous que cela puisse être un facteur de stagnation du marché ? Oui et non. Le niveau de la créativité ne peut, dans l'absolu, être corrélé à celui des investissements publicitaires. Ils sont davantage liés à des objectifs commerciaux, d'image ou de notoriété. Dans les faits et toute proportion gardée, il s'avère parfois que lorsqu'un annonceur est satisfait d'une campagne, il est plus enclin à la diffuser. De même, il est important de préciser que les agences sont aussi rémunérées par rapport à la création des campagnes et que dans certains cas, l'annonceur, faute de «saut créatif», préfère adopter une campagne internationale ou en recycler une ancienne. Ce qui, d'une certaine manière, affecte les résultats des agences. Tant qu'il n'y a pas dissociation entre les métiers de conseil et d'achat d'espaces, à l'image par exemple de la France, les activités de conseil et de la création ne seront jamais rémunérées à leur juste valeur. L'étude Carat annonce une hausse des investissements publicitaires au niveau de l'ensemble des médias à l'exception de la presse écrite. Le Maroc est-il concerné ? Curieusement, la presse a été le média qui a le plus évolué en 2009 : +18%, par rapport à 2008 (contre -12% pour la télévision, +16% pour la radio et +13% pour l'affichage). Mais cette embellie ne semble pas se confirmer pour 2010. Si on compare les trois premiers mois de cette année avec ceux de 2009, la presse semble en perte de vitesse : -30 millions de DH environ. La tendance est donc baissière. Certes, le problème de la faiblesse du lectorat y est pour beaucoup, mais pas seulement. Le secteur immobilier qui a été durement touché par la crise a été en 2009 un gros consommateur de pages de pub sur la presse. Les investissements de ce secteur se sont un peu calmés.