Combien de tonnes de papier utilise-t-on dans les entreprises marocaines ? Des centaines par année, à coup sûr. Nul besoin de revenir sur l'impact sur la déforestation. Mais pouvons-nous vraiment nous passer de cette fameuse matière qu'est le papier ? La réponse est certes négative. «Il faut savoir qu'il y a une règle d'or : zéro papier, jamais, mais zéro papier circulant, oui !», nous résume Nabil El Bied, directeur commercial de Doc Archive. Mais ce qu'on peut faire par contre c'est en diminuer l'usage, au maximum. Et pour en réduire l'utilisation, la seule solution qui existe pour l'instant est le numérique. Courrier électronique, dématérialisation, numérisation... autant de termes qui commencent à s'ancrer dans la réalité quotidienne des entreprises. Abstraits mais concrets ! Des vocables à la fois abstraits, mais réels et aux enjeux inimaginables sur l'économie du papier dans les entreprises marocaines. Le calcul est facile à faire pour des activités dans lesquelles le papier occupe une grande place dans le fonctionnement au quotidien. C'est le cas de la facturation en masse (eau, électricité, banques...), des activités de la loterie, la presse écrite et établissements de formation. Dans une PME, un petit sondage nous révèle que seule une minorité de ces structures a su développer des initiatives pour utiliser le moins de papier possible. Ces initiatives se structurent en général autour de l'encouragement à l'utilisation du courrier électronique pour l'échange de documents, l'option de la numérisation totale des archives physiques... ou une politique spéciale «zéro papier». Chez La Marocaine des jeux par exemple, il est organisé fréquemment «une journée qui s'inscrit dans une politique zéro papier développée en interne et qui invite tout le personnel, le week-end, à se débarrasser de toute paperasse inutile», nous explique Mehdi Doukkaly, chef de projet dans ce temple du jeu. Autre petite astuce, qui commence à prendre de l'ampleur, le petit éco-message de sensibilisation personnalisable qui suit le corps de texte des courriels, et qui ne recommande l'impression du contenu que si c'est vraiment nécessaire. Reste toutefois à savoir si le destinataire de ce message suit effectivement les consignes. La responsabilité de tout un chacun est la seule concernée dans ce cas. Numériser, archiver... payer La troisième technique qui a tendance à se généraliser toujours avec le moyen des technologies de l'information est l'archivage numérique. Le principe est simple : dématérialiser tous les anciens documents. En effet, par définition, les archives sont toute cette vieille paperasse –utile– dont on ne peut se débarrasser. Le secteur est devenu une niche qui commence de plus en plus à voir des entreprises s'y spécialiser. C'est le cas par exemple de CD-Doc, une enseigne casablancaise qui propose ce genre de prestations depuis 2000. «Nos sociétés clientes nous amènent leurs archives ou on se déplace sur le site pour réaliser la numérisation à l'aide de scanners spéciaux», explique Mohamed Marhaby, responsable technique de l'entreprise. Le tarif de la prise en charge de ces documents varie en fonction de plusieurs critères comme le volume, la qualité du papier et autres charges afférentes. Mais ce coût est de toute façon compensé dans le long terme si on considère les réductions de charges financières inhérentes à la prise en charge des archives physiques dans une entreprise (plus d'espaces, moins de matériel à acquérir pour la conservation du papier...). Pour Marhaby, «avec Maroc numérique, la demande a sensiblement grimpé pour ce genre de service». Par ailleurs, il existe également un autre secteur de niche qui est la bureautique «saine». C'est le concept proposé par Buropa, une Sarl spécialisée dans l'importation et la distribution de matériels de bureautique. En plus du papier recyclable destiné aux grandes surfaces comme Metro et Marajane, Buropa fournit des stylos à encre naturel à des clients aussi prestigieux que la Société Générale Maroc (SGM, Banque Populaire, ONE, etc.). Factures électroniques ? Mais si en interne des efforts sont déployés, force est de constater qu'en externe la réduction du volume de papier utilisé ne semble pas encore être une réalité. Pour la première catégorie d'activités, celles émettrices de facturation en masse, notre entreprise cible est la Lydec. Le choix n'est pas fortuit. La Lyonnaise des eaux est l'un des principaux fournisseurs en eau potable et électricité de Casablanca avec des millions d'abonnés, c'est-à-dire autant de factures imprimées chaque mois. Il est certes encore loin le temps où on recevra ces factures par courrier électronique, mais l'idée reste toutefois faisable. Recycler à la source Au-delà de toutes ces techniques déployées soit en interne soit en externe, pour certaines de nos entreprises, le recyclage du papier demeure une solution, à échelle industrielle, pour réduire l'impact environnemental de la consommation abusive de papier de bureau. En effet, récupérée, cette matière peut servir à la fabrication de papier hygiénique, de boîtes à œufs, de cartons, de papier d'imprimerie... Bref, rien ne se perd, tout le papier peut se récupérer. Sur le terrain, au Maroc, la leçon tarde encore à être retenue. En effet, le constat est effectué par les professionnels de la filière papier eux-mêmes, à travers le site officiel de la Fédération des industries forestières des arts graphiques et de l'emballage (Fifage). Il est en effet mentionné dans la revue mensuelle de cette entité une certaine «absence d'une politique de collecte des déchets, et de système structuré de collecte permettant leur classification à l'instar des pratiques des pays riverains». Autre information, «le taux de recyclage demeure insignifiant et se situe à 28% contre 60 à 70% dans les pays européens». Le gap est encore énorme, et d'autant plus alarmant quand on sait que l'industrie nationale du papier et carton compte environ une soixantaine d'entreprises. Ainsi, plus de 70% des fibres de bois utilisées dans la fabrication du papier et du carton sont des fibres neuves. Ce taux est de 40% en France où le recyclage des produits utilisés est très développé. Parmi les exemples d'entreprises marocaines de fabrication de papier qui ont opté pour le recyclage, figure la Sifap. Cette dernière retraite ainsi plus de 15.000 tonnes de papier par an. Les retombées environnementales du recyclage de papier ne se limitent pas uniquement à la préservation des forêts et à la lutte contre la désertification. L'utilisation de l'eau dans le processus de fabrication du papier en serait également optimisée. Cinq conseils pratiques pour l'usage du papier en entreprise Puisqu'il est évident que nous ne pouvons pas travailler sans utiliser le papier, il convient alors d'optimiser cette utilisation, voire la responsabiliser. Sequovia.com, un portail spécialisé dans le développement durable, a dressé une liste d'éco-gestes à la fois pratiques et simples à mettre en place dans une entreprise. La première astuce est de programmer les imprimantes pour que les impressions soient automatiquement recto verso. Faire un suivi de la consommation de papier par poste de travail et l'afficher. Ensuite, installer des petits bacs de récupération de papier imprimé sur une seule face, afin de pouvoir réutiliser le côté vierge pour vos brouillons. De plus, certains logiciels permettent aujourd'hui d'imprimer à la fois plusieurs pages sur une seule. Pour les imprimantes et photocopieuses, il est aussi recommandé de faire usage de papiers recyclés. Ce type de papier peut être utilisé aussi bien en interne qu'en externe, en n'oubliant pas de mentionner en fin de page «imprimé sur du papier recyclé». A cela s'ajoute la méthode classique consistant à insérer dans les courriels un éco-message du genre «Agissons pour l'environnement, n'imprimez ce message que si vous en avez l'utilité». Un bon point pour votre image et celle de l'entreprise ! Papier recyclé : Comment et Pourquoi ? On appelle «recyclé» un papier comprenant au moins 50% de fibres provenant de déchets de papiers imprimés. Selon le type de papier à fabriquer, on estime qu'une même fibre peut être réutilisée en moyenne de 2 à 5 fois, l'utilisation de fibres vierges est donc souvent complémentaire à l'utilisation de fibres recyclées. Il existe différentes catégories de papiers recyclés, en fonction de deux grands critères : le taux de fibres recyclées par rapport au taux de fibres vierges (de 50% à 100%) ; les traitements subis au cours du recyclage (désencré ou non, blanchi ou non). Le papier sera plus respectueux de l'environnement s'il est 100% recyclé et non blanchi. En Europe, il existe présentement deux labels permettant de reconnaître du papier recyclé. Le premier est le logo «Ange Bleu». Il est utilisé en Allemagne et garantit un papier recyclé à 100% (dont au moins 65% de fibres recyclées) et la non-utilisation de certaines substances dans le processus de fabrication. En France, il existe «APUR», un logo créé par l'Association des producteurs et utilisateurs de papiers-cartons recyclés (APUR). Ce logo certifie l'utilisation d'un taux de fibre de récupération varient entre 60, 80 et 100%. Au niveau de l'utilisation, le papier recyclé fait souvent l'objet de mauvis préjugés quant à sa qualité. Toutefois, on peut trouver sur le marché du papier recyclé blanc, avec différents niveaux de blancheur, s'adaptant aux différents usages, y compris l'impression en couleurs.