Mieux vaut tard que jamais. Après plus de neuf ans d'attente et de «rudes négociations», les opérateurs Vsat (transfert de données par satellite) viennent d'arracher un nouvel acquis pour leur secteur : un nouveau plafond pour offrir des services de téléphonie. Dans sa nouvelle note d'orientation pour le secteur à l'horizon 2013, l'Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) promet de procéder à la «révision des plafonds du chiffre d'affaires autorisés à ces opérateurs pour la téléphonie». Le montant de la révision n'est pas encore communiqué officiellement par le régulateur, mais les professionnels parlent déjà d'un plafond de 10%. Rappelons qu'auparavant, le chiffre d'affaires annuel réalisé par les exploitants titulaires de licences Vsat, au titre des services de téléphonie, ne devait pas excéder les 0,25% du chiffre d'affaires réalisé dans toutes les licences délivrées sur le territoire marocain. Une «aberration», selon les professionnels. Cet état de fait a été longtemps décrié par les opérateurs Vsat, qui estiment que cette «restriction» étouffe leur business. La viabilité du secteur est d'ailleurs l'argument avancé par le régulateur pour justifier la révision programmée. «Les opérateurs Vsat connaissent aujourd'hui des développements limités sur les segments concernés du marché. La révision devrait profiter de leviers supplémentaires pour permettre leur viabilité», souligne Azddine El Mountassir Billah, directeur général de l'ANRT. Couvrir les «zones blanches» L'Agence n'écarte pas aussi la possibilité d'autoriser les opérateurs Vsat, sous réserve de la disponibilité des fréquences, à utiliser des technologies de boucle locale radio. Ainsi, le régulateur dit vouloir réviser les cahiers des charges des spécialistes de transferts de données par satellite, afin d'annuler la contribution variable de la contrepartie financière de la licence. A une seule condition : qu'ils participent à des projets à réaliser dans les zones relevant du «service universel». L'ambition non affichée du régulateur est de couvrir les zones dites blanches (lointaines et non encore couvertes par les moyens de télécommunications). Ces zones sont en effet peu investies par les opérateurs globaux (Maroc Telecom, Méditel et Wana Corporate), car jugées «moins rentables». En ouvrant davantage le «robinet» de la téléphonie aux opérateurs Vsat, l'ANRT veut faire d'une pierre deux coups : couvrir les zones blanches et sauver un secteur «agonisant». En effet, la technologie Vsat (qui permet à l'aide d'un satellite de relier plusieurs points géographiquement dispersés), intégrée au Maroc en 2001, n'a pas vraiment marché. Le «fiasco» s'est fait ressentir peu après l'octroi des licences par l'ANRT à l'époque. Neuf ans après, le marché ne compte toujours que trois acteurs (Nortis, GolfSat et SpaceCom), qui plus est, sont en difficulté. «Le gouvernement a pris conscience de la nécessité d'associer les opérateurs Vsat pour couvrir les zones lointaines», se réjouit Mohamed Chafiqui, patron de GolfSat. Même son de cloche du côté du patron de SpaceCom. «C'est une bonne décision, même si nous n'avons pas encore été informés officiellement de la décision de l'ANRT», poursuit Mohamed Aourid. Une bonne décision, certes, mais qu'il faudra améliorer par la suite. Car selon le patron de SpaceCom, les 10% sont bons pour un redémarrage du marché, mais il faut «consentir un effort additionnel en programmant de nouvelles hausses dans l'avenir». L'ANRT, elle, parle plutôt de l'octroi de nouvelles licences pour des réseaux Vsat. «Ces licences pourront être attribuées à la suite d'appels à concurrence qui seront lancés à la réception de demandes justifiées et sur la base des cahiers des charges des opérateurs similaires en place», lit-on dans la note d'orientation du secteur à l'horizon 2013. La contrepartie financière sera alignée sur la licence la moins chère en exploitation au moment du lancement de l'appel à concurrence. Un marché «agonisant» «C'est la faute au régulateur !». Tel est le message que véhiculent les professionnels du Vsat pour expliquer la situation «désastreuse» du secteur. En 2001, lors de l'octroi des premières licences, le régulateur avait mis en place un business plan pour les opérateurs, qui reposait principalement sur les liaisons de données internationales. A l'époque, ce marché en progression était détenu exclusivement par Maroc Telecom. A un moment, l'opérateur historique a baissé les prix des liaisons et, du coup, tout un business s'est effondré. Pire, la technologie IP et l'Internet se sont rapidement imposés sur ce segment alors que la technologie ADSL rendait l'Internet à haut débit accessible à bas prix. «Les leviers de régulation devaient être activés à l'époque», indique Mohamed Chafiqui, de GolfSat. Il y a eu en effet une mauvaise appréciation des évolutions technologiques. Pour sauver le secteur d'une mort programmée, l'ANRT donne un accès «limité» à la téléphonie aux trois professionnels du Vsat restants. Ces derniers ont été associés au programme de service universel PACTE, programme d'accès généralisé aux télécoms pour couvrir 600 localités des 9.263 prévues. Dotée d'une facilité et d'une importante vitesse de déploiement, la technologie Vsat est considérée comme la solution idéale pour desservir les régions éloignées. Sauf que le plafond imposé par l'ANRT n'est pas du goût des opérateurs : ne pas dépasser 0,25% du chiffre d'affaires global, ou «comment garder le secteur sous perfusion !», ironise ce professionnel.