Les Echos quotidien : Le marché de l'exploitation du sable est anarchique, pourquoi cette absence de régulation et surtout de transparence ? Hassan Jai, Président du directoire de Rimal : Ce secteur est effectivement souvent pointé du doigt. Lorsqu'un camion chargé de 25 m3 de sable se commercialise à 6.000 DH TTC dans les chantiers et lorsque le producteur n'est pas identifié, on peut légitimement se poser la question sur la chaîne de valeur : quelle est la part du producteur, de l'Etat et du transporteur ? Concernant le producteur, une étude a été entreprise par l'Association des professionnels du sable, sa fédération de tutelle la FMC et avec l'aide de la Fondation Mohammed VI pour la protection de l'environnement. Cette étude montre que la production du sable marin issu du dragage est de 1 million de m3, celui du concassage 6 millions, celui des oueds 5 millions et des dunes 9 millions. Les producteurs sont identifiés. L'Etat préconise un arrêt progressif de l'exploitation des sables de dunes, car on ne peut arrêter la production au risque d'arrêter la production immobilière et les chantiers d'infrastructures. Cet arrêt serait compensé par la montée en puissance de la production industrielle du sable, à savoir le sable terrestre concassé et le sable marin dragué. L'étude a permis de rassurer sur la disponibilité de ces sables, leurs coûts optimums et donc leurs prix et leurs performances techniques. Mais quel rôle l'Etat joue-t-il en matière de régulation ? Concernant l'Etat, son rôle de régulateur est en cours de renforcement par les nombreuses lois adoptées et celles futures, notamment celles sur le littoral et sur l'exploitation des carrières, la 08.01. S'agissant des redevances à l'Etat et aux communes, celles-ci sont définies selon le type de sable et la propriété du site exploité. Pour ce qui est des intermédiaires, l'Etat, à travers le plan logistique 2020, vise à fournir des plateformes logistiques aux industriels et à réduire le nombre d'intermédiations avant la vente définitive du sable aux utilisateurs et donc à réduire in fine le prix du mètre carré capté sans aucune valeur ajoutée. J'ajouterai à cela la responsabilité du consommateur qui doit exiger une facture et une fiche d'identification du sable. Y a-t-il donc un marché parallèle et une concurrence déloyale qui vous pénalisent ? Tout à fait. Nous exploitons le sable avec un coût de production d'environ 80 DH/m3, nous payons la TVA et nous payons des redevances à l'Etat et aux communes entre 16 et 23 DH/m3 tandis qu'en face de nous, une filière de sable de dune prospère, celle-ci n'a pratiquement aucun coût d'exploitation (sauf un chargeur pour prélever le sable sur les dunes et le mettre sur les bennes des camions). De plus, selon nos clients, des factures sont rarement émises, quant aux redevances à payer à l'Etat, nous n'en savons rien. Et la concurrence déloyale va au-delà. Nous respectons le nouveau code de la route qui stipule la responsabilité du transporteur dans la surcharge de la marchandise et donc nous nous limitons dans nos chargements au poids total en charge des camions, ce qui revient après une opération arithmétique à charger pour les semi-remorques 17 m3. Ceci au moment où nos concurrents dépassent ce volume de 50%, ce qui amène le client transporteur, quand le contrôle sur les routes n'est pas assuré, à préférer un fournisseur qui charge plus, car cela réduit le coût du produit à l'arrivée du chantier. Vous faites du dragage et on vous accuse de tentative de détournement de la loi 08.01. Comment expliquer cela ? Nous sommes membres de la Fédération des industries des matériaux de construction (FMC) qui milite activement pour qu'une loi organise le secteur du sable et des granulats. Il y a eu des accusations mensongères à notre égard et nous pensons que la manœuvre viserait à ce qu'aucune loi ne sorte pour que le secteur reste sans régulation idoine car, rappelons-le, ce qui réglemente le secteur est un dahir de 1914 et une circulaire du Premier ministre de juin 2010. Chronologiquement, le gouvernement a choisi d'intégrer toutes les carrières dans une seule et unique loi. Nous ne sommes que suiveurs. La Fédération des industries des matériaux de construction demande à ce que le décret la régissant soit rapidement adopté pour mettre fin à la loi en vigueur remontant à 1914. En France, c'est le code minier qui régit toutes les carrières de concassage et de dragage. L'exploitation des dunes en France n'existant pas bien sûr, c'est une spécificité marocaine. Un projet de loi sur les mines (carrières granulats, sables, marbres, argiles...) a été présenté dernièrement par la FMC, que nous estimons favorable voire avantageux. Mais il y aurait un rapport accablant fait par l'Université Ibnou Tofail à votre encontre concernant la plateforme Mehdia... Nous n'avons été en tout cas destinataires d'aucun rapport et nous demandons vivement à ce que ce rapport soit rendu public par ceux qui en ont fait écho. Nous pourrons ainsi avoir une discussion scientifique et rationnelle. Néanmoins, certaines affirmations sont trompeuses. Le fait de dire que nous sommes les seuls au monde à draguer le sable et le commercialiser par exemple se passe de tout commentaire. La commercialisation du sable marin dragué existe partout dans le monde. C'est le cas notamment en France, Royaume-Uni, Pays-Bas... avec des impacts sur l'environnement, comme toute industrie, qu'il faut évaluer et maîtriser. Celle de dire que nous opérons en offshore sans études d'impacts ou que nous exploitons entre 6 à 20 m de profondeur sont sans fondement. En effet, actuellement, nous ne draguons pas dans cette région car nous n'avons pas encore d'autorisation. Nous avons introduit une demande, sans réponse à ce jour, sur la base d'une étude d'impact environnemental de 2009, faite par le groupement d'universitaires d'El Jadida. De plus, un simple levé bathymétrique (levé topographique sous l'eau) peut confirmer ou infirmer ces dires. Aujourd'hui, Drapor drague pour le compte de Rimal à l'embouchure de Sebou conformément au cahier des charges pour le dragage de cette zone (autorisation n°2077 du 13 mars 2008) et avec l'accord de l'Administration et valorise ainsi le sable issu d'opérations de dragage d'entretien du cours de Sebou. Ces sables sont lavés et traités dans une station de lavage à l'eau douce de l'oued Sebou. L'article 20 du cahier des charges parle d'évaluation d'impact et non pas d'étude d'impact du dragage de sable sur l'environnement. La dernière évaluation en date remonte à mars 2010, pour déterminer la profondeur draguée. De plus, l'administration contrôle également ces profondeurs et peut confirmer ou infirmer ces dires (sinon un tiers). L'analyse des sables présenterait-elle des résultats alarmants ? Ce que l'on nous a présenté verbalement est le fait que le sable contient 13% de fines, des chlorures (le sel) et des métaux lourds. Or, rien ne prouve qu'ils proviennent de notre site étant donné que le sable a été déposé par les « scientifiques » sans preuve qu'il ait été prélevé chez nous. Concernant la norme NM 10.1.271, celle régissant les granulats pour béton, elle prévoit pour les sables un taux de fines allant de 12 à 18%, donc 13% restent acceptables. En ce qui nous concerne, le pourcentage des fines des sables dragués ne dépasse pas 8%.Je rappelle que nous sommes parmi les rares exploitants de carrières à disposer de laboratoires dans chacune de nos plateformes, nous effectuons systématiquement des essais physiques et chimiques (granulométrie, équivalent de sable, valeur au bleu...). Les résultats de ces analyses sont portés au dos de chaque bon de livraison. Des essais contradictoires auprès d'autres laboratoires privés sont également faits et certains de nos clients procèdent au contrôle du produit. La démarche de l'étude pour les essais de sable est également discutable. D'un point de vue industrie, et concernant les chlorures, je tiens à préciser que notre sable est refoulé et lavé avec de l'eau douce (ce qui n'est pas le cas des sables de dunes). D'un point de vue norme, le taux de chlorures dans nos sables est en moyenne de 0,1%. La norme précise que lorsque ce taux dépasse 0,02% (cf. NM 10.1.271), il faut le déclarer. C'est ce que nous faisons dans nos fiches-produits. Cette norme n'interdit pas sa commercialisation, car ce qui prime c'est le bilan chlorures dans le béton, soit 0,2% du poids ciment pour le béton précontraint et 0,4% pour le béton armé (nome marocaine sur le béton, NM 10.1.008). Un sable peut contenir jusqu'à 0,2% de chlorures, selon les formules béton. Pour ce qui est des métaux lourds, nous n'exploitons pas la zone offshore, donc nous ne déstabilisons pas cette zone. Nous exploitons une zone qui est annuellement alimentée en sable par voie maritime et fluviale. À signaler que l'écoulement des eaux dans l'oued et encore plus les crues de ces deux dernières années ont une turbidité qui dépasse de très loin celle que peut engendrer l'élinde d'une drague.Nous rappelons également que la plateforme de Rimal Mehdia dispose de l'une des plus importantes stations de lavage au Maroc (240 T/H) où nous traitons les sables dragués pour améliorer leur qualité, les éléments fins étant éliminés et les rejets sont quantifiés. Pour rappel, nous avons obtenu, le 31 mars, la reconduction de la certification ISO 14001 pour la plateforme de Mehdia.