Rareté du foncier, inadéquation entre offre et demande... et printemps arabe pour enfoncer le clou. L'immobilier est décidément dans une bien mauvaise passe. Certes, le ministère de l'Habitat a promis que l'année 2011 serait une année de relance, principalement pour le logement social et le moyen standing. Aujourd'hui, pourtant, le haut standing vit une morosité particulière, qui est venue rompre avec plusieurs années d'euphorie. «Nous avons effectivement constaté un effondrement des prix, particulièrement dans les villes de Tanger et de Marrakech», reconnaît Ahmed Taoufiq Hejira, ministre de l'Habitat et de l'urbanisme. Les deux villes citées par le ministre de tutelle sont, en effet, considérées comme des capitales du logement de luxe, en raison de leur orientation vers la clientèle étrangère, et sont de ce fait le réel baromètre du marché sur ce segment spécifique. Or, depuis le mois de janvier dernier, les promoteurs immobiliers font face à un brusque renversement de tendance, qui met le secteur dans une situation peu commune. «Pour des riads qui valaient 3,5 à 4 MDH il y a cinq mois, les propriétaires se retrouvent aujourd'hui obligés de baisser leurs prix d'au moins 20% pour liquider leur bien. C'est idem pour les appartements», témoigne un agent immobilier opérant dans la cité ocre. Qu'est ce qui explique donc ce marasme ? Pour les professionnels, la raison en est toute simple. «Ce qui se passe dans les rues arabes a un impact indéniable. Nous avons moins d'acheteurs pour les projets golfiques. Cela qui a freiné la tendance haussière du marché», argue Karim Belmâachi, directeur général d'Alliance développement immobilier. Cela en dit long sur la non-résilience du marché du logement de luxe au printemps arabe. Même dans le cas où des acheteurs potentiels, flairant la bonne affaire dans le contexte actuel, veulent franchir le pas, «cela prend beaucoup plus de temps pour conclure la transaction que cela n'était le cas auparavant, en raison justement de l'hésitation», ajoute l'agent immobilier. Dans ce contexte, c'est toute l'industrie du résidentiel de luxe qui s'en trouve pénalisée. D'ailleurs, selon certains professionnels, plusieurs confrères auraient préféré mettre en stand-by leur chantier en attendant d'avoir plus de visibilité. Il faut dire que plusieurs d'entre eux se trouvent obligés de le faire, faute de moyens. En effet, plusieurs banques de la place ont choisi aujourd'hui de fermer les robinets aux opérateurs les moins structurés du secteur. C'est la nature même de ce business qui est remise en cause. Il est, en effet, bien admis que les opérateurs lancent la commercialisation de leur projet bien avant le lancement de l'ensemble des tranches de leurs chantiers. De cette manière, ils s'assurent un fonds de roulement induit par les avances que leur font les clients. Or, du moment que les transactions piétinent, le fond de roulement des opérateurs et leur capacité de remboursement des échéances de prêts contractés auparavant piétine aussi. C'est ce qui explique que les banques sont devenues plus réticentes à financer la promotion immobilière, lorsque celle-ci concerne le segment du luxe. Toujours est-il, il faut bien souligner que les grands groupes immobiliers restent peu influencés par cette problématique, vu que la diversification des segments dans lesquels ils interviennent permet de leur assurer une meilleure rotation de leur trésorerie. Quelle solutions ? Interpellé à ce sujet, Hejira annonce que le département de tutelle s'attelle déjà à résoudre ces questions. Dans un premier temps, il s'agit de réunions entreprises par le ministère, en incluant les opérateurs, afin de les convaincre de baisser davantage leurs prix de ventes. «Il s'agit de réduire de 30 à 35% les prix de vente, afin de liquider au maximum les unités invendues», insiste le ministre. L'autre mesure proposée par Hejira est le dialogue avec les établissements bancaires. Le ministre recommande en effet de négocier un rééchelonnement des dettes antérieures, afin de libérer plus de lignes de financement pour les promoteurs. Or, à ce niveau, il s'agit avant tout de trouver le moyen de convaincre les banques de faire un geste envers le secteur, chose qui n'est pas acquise d'avance, lorsque l'on sait que la logique veut qu'un secteur en mal de chiffre d'affaires est un secteur très risqué. Cela dit, même en ayant le soutien des banques, il est bien clair que ces deux solutions ne permettent pas de résourdre le probléme structurel qui est l'absence de clients, sans lesquels le chiffre d'affaires ne peut se réaliser. Le ministre de l'Habitat en semble bien conscient et annonce «une visite, programmée dés aujourd'hui, de son département au Salon de l'immobilier de Milan, dans le seul et unique objectif de recruter une nouvelle clientèle étrangère». D'autres rencontres sont également programmées à l'occasion de plusieurs salons internationaux et auront pour principal objectif de convaincre de la stabilité du royaume en faisant, bien entendu, valoir l'exception marocaine.