Hejira promet une relance du secteur en 2011, l'état de fait prône le contraire. Cherté du foncier, financement plus difficile, manque de confiance, le secteur n'a pas encore dépassé ses maux «L'année 2011 sera celle de la grande relance de l'immobilier». À entendre cette récente déclaration de Taoufiq Hejira, beaucoup seraient tentés de croire que la mauvaise passe qu'a connue le secteur ces deux dernières années ne sera plus que de l'histoire ancienne. De quoi attiser davantage l'envie a acquéreurs potentiels, ayant retardé leur projet d'achat en attendant d'avoir plus de visibilité. Or, en sondant les principaux acteurs de l'immobilier au Maroc, on se rend rapidement compte qu'on est loin de cet optimisme affiché par le ministre de l'Habitat, et qu'acheter un logement en 2011 ne sera pas forcément moins pénible qu'il ne l'a été en 2009 et en 2010. Pour rappel, les dernières données disponibles font ressortir une baisse dépassant 17% des transactions immobilières en 2010. D'abord, il y a lieu de signaler que l'une des principales actions sur lesquelles compte se focaliser la direction de la promotion immobilière en cette année est «le lancement de logements spécifiques destinés à la nouvelle demande en augmentation de la classe moyenne». Pour ce faire, le récent lancement du plan d'épargne logement est une donne que l'autorité de tutelle expose comme argumentaire. Cependant, il est aujourd'hui bien clair que l'avantage à tirer de ces PEL ne pourra se concrétiser qu'après au moins, trois ans (durant de blocage nécessaire pour bénéficier de l'exonération fiscale). Vigilance ! De quoi appeler à la vigilance, quant il s'agit de parler de relance du secteur. «Sur ce premiers mois de l'année, nous sentons qu'il y a effectivement une relance de l'activité de la demande en logement», confie William Simoncelli, directeur général de Carré Immobilier. En effet, selon le spécialiste, il y a une prise de conscience avérée du problème de l'inadéquation entre l'offre et la demande, principal handicap jusque là devant le développement du segment du moyen standing en particulier. Cependant, «il ne faut pas encore crier victoire», ajoute Simocelli. Il faudra en effet attendre au moins le bilan des six premiers mois de l'année avant de juger d'une quelconque relance du marché. Cette prudence trouve toute sa logique lorsqu'on sait que les deux premiers mois de l'année ne sont en général pas ceux où les ventes dans le secteur battent leur plein, comme nous l'assure un banquier spécialisé dans le financement immobilier. Cette prudence est d'autant plus légitime lorsque l'on sait que la relation entre promoteurs et acquéreurs est historiquement entachée d'une faible confiance. Il est aujourd'hui clair que, même si cette reprise de la demande dans le secteur se confirme, «tous les opérateurs ne vont pas la vivre de la même manière», ajoute le DG de Carré Immobilier. Et pour cause, l'histoire a démontré que les promoteurs ne respectant pas les délais de livraison, ou encore leurs engagements en termes de qualité sont ceux qui ont le plus souffert en période de ralentissement. Une donne qui trouve toute son importance lorsqu'on sait que 39% seulement des Marocains avouent faire confiance aux promoteurs, selon un récent sondage réalisé par Synovate Market Research et Drive Dentsu, pour le compte d'un confrère de la place. Le déclic ne peut venir que du foncier Du côté des promoteurs, l'optimisme du département de Hejira n'est pas non plus partagé. «Il est clair que l'année 2011 connaîtra une dynamique particulière pour le logement social,. Cependant, il n'en est a pas de même pour les autres segments», nous explique Youssef Iben Mansour, président de la FNPI. En effet, encouragés par l'engagement du gouvernement, les promoteurs ne cachent pas leur volonté de développer le secteur du logement social, avec notamment une forte implication dans la production. Ceci dit, pour les autres segments, particulièrement le moyen standing, «le marché reste cher», ajoute Iben Mansour. Ce constat éloquent, sachant qu'il vient d'un promoteur, rejoint parfaitement le sentiment qu'éprouvent plusieurs ménages souhaitant acquérir un logement de moyen standing. Qu'est ce qui empêche donc les promoteurs de revoir leur prix à la baisse et partant, de relancer ce segment ? Qu'est ce qui pourrait causer le déclic pour que l'ambition affichée de Hejira se réalise ? À cette question, le président de la FNPI trouve facilement une réponse. «Aujourd'hui, le promoteur ressort avec un prix de revient assez élevé, en raison principalement de la cherté du foncier». Sans une baisse consistante des charges foncières, il est en effet difficile de prévoir une baisse des prix et, partant, éradiquer une fois pour toutes le phénomène de l'inadéquation entre l'offre et la demande. Pour ce faire, le rôle des autorités de tutelle se retrouve aussi primordial que dans le cas du logement social. «Si on prend exemple sur les villes de Casablanca et de Rabat, sans plan d'aménagement, revoir les prix à la baisse serait impossible», explique Iben Mansour. À ce niveau, les promoteurs ne cachent pas leur désarroi d'attendre près d'une décennie pour ces schémas, sans qu'ils ne soient mis en place. Pour rappel, au niveau de Casablanca, des 33 plans d'aménagement attendus, seul un, relatif à la Zone de Hay Hassani a déjà vu le jour. Pour le reste, l'attente des opérateurs n'est pas près de s'estomper. À cela s'ajoute la problématique de la définition de cette classe moyenne, à laquelle est destinée ce segment du logement moyen standing. Une avancée à ce sujet devrait permettre un meilleur ciblage de la clientèle des logements de standing, en se basant notamment sur le revenu et le pouvoir d'achat. De plus, il faut compter avec le problème du financement qui, au lieu de constituer une issue de sortie face au problème de cherté est aujourd'hui un handicap de plus. En effet, même si l'on se refuse de l'avouer au sein du secteur bancaire, l'octroi des crédits immobiliers devient de plus en plus sélectif. Selon les données de la Banque centrale, le montant annuel des crédits immobiliers s'est inscrit dans une évolution baissière depuis 2007, passant de 47,2 MMDH à 15 MMDH (à fin novembre 2010). Même constat pour les crédits Fogarim garantis par l'Etat, dont le montant se limite à 1,26 MMDH, alors qu'en 2008 il dépassait 2,2 MMDH. Ceci sans oublier que le financement de logements revient aujourd'hui beaucoup plus cher qu'auparavant. Entre le troisième trimestre 2009 et le quatrième trimestre 2010, le taux moyens des crédits immobiliers octroyés par les banques de la place est en effet passé de 5,61% à 6, 13%. Avec l'ensemble de ces problématiques, dont la résolution ne semble pas visible, la déclaration de Hejira annonçant la relance du marché de l'immobilier ne paraît être qu'un leurre difficile à avaler.