L'une des exigences fortement exprimées par les protestataires du «20 février» ainsi que par plusieurs autres partis politiques et structures associatives, dans le cadre des réformes constitutionnelles en cours, est relative à l'instauration d'un cadre propice à la pratique de bonne gouvernance. En clair, il s'agit de permettre au Parlement, à travers le renforcement de ses prérogatives, de participer à la définition des politiques publiques mises en place par le gouvernement, mais aussi d'assurer le contrôle de leur exécution. C'est pourquoi le renforcement des pouvoirs parlementaires devrait se traduire par la mise en œuvre de mesures efficaces permettant au Parlement de jouer pleinement son rôle d'acteur majeur d'une vraie démocratie véritablement budgétaire. C'est ce qui ressort du «rapport d'initiative parlementaire sur la réforme de la loi organique des finances», initié par la Fondation Abderrahim Bouabid et un groupe pilote de députés et de conseillers issus des principaux groupes parlementaires des deux Chambres. Le rapport qui a été présenté en milieu de semaine dernière est une proposition, sur la base des expériences menées au niveau de plusieurs pays et également des résultats atteints jusque-là par «les réformettes» mises en œuvre par le gouvernement depuis une décennie, afin d'améliorer la gouvernance de la gestion publique, selon les auteurs du rapport, qui deux ans durant, ont établi un diagnostic sans concession du rôle assez marginal du Parlement dans la conduite des politiques publiques au Maroc. C'est d'ailleurs une des raisons qui, selon le rapport, légitiment la perte de crédibilité de l'institution législative, comme en témoigne le fort taux d'abstention enregistré lors des élections de 2007 et 2009. Dans le sillage des réformes actuelles, il apparaît donc plus qu'une exigence démocratique, mais une nécessité, de réorienter la réforme des mécanismes de gouvernance en confiant au Parlement un rôle plus actif et mieux ciblé. L'idée est de parvenir à une plus grande implication du parlementaire dans le processus budgétaire, de la préparation à l'évaluation du Budget en passant par son examen et le suivi de son exécution, et donc par la même occasion dans le cadre de la définition et l'évaluation des politiques publiques. C'est dans ce cadre que les auteurs du rapport ont défini une série de propositions, 25 au total, dont certaines, les plus stratégiques, nécessitent une mise à niveau des normes constitutionnelles en fonction des nouveaux enjeux de la démocratie marocaine. Restaurer la crédibilité Les 25 propositions énoncées par le rapport et auxquelles les parlementaires ont activement participé visent à insuffler une nouvelle dynamique au jeu démocratique. La bonne gouvernance est en effet un «très vaste chantier qui touche aux pratiques de gestion publique, à l'information, la transparence, la responsabilisation des acteurs publics et contrôle commun sur les organismes et les pouvoirs publics», a souligné, en ce sens, Benomar Ahmed Khalid, consultant à la Fondation et l'un des auteurs du rapport. Ce qui ne saurait se traduire sans un Parlement mieux informé, tant par le gouvernement que par la Cour des comptes et qui dispose de pouvoirs d'investigations avec notamment un renforcement des moyens et des compétences des commissions parlementaires et un partenariat avec le gendarme des finances publiques. Les auteurs du rapport ont ainsi préconisé l'idée d'introduire le débat d'orientation budgétaire et de questions écrites dans le cadre du processus de réforme budgétaire. Le rapport a également proposé des mesures visant à étendre l'initiative parlementaire en matière financière mais également de contrôle, d'évaluation et de suivi de la performance en matière de politiques publiques. Ces mesures phares et autour desquelles se résument les principales mesures du rapport, devront également permettre au gouvernement de parvenir à une réforme budgétaire qui s'accom«mode, non seulement aux revendications populaires ayant justifié la réforme constitutionnelle actuelle, mais également de réajuster les efforts consentis par le gouvernement dans le sens de l'amélioration de l'efficacité de l'Etat et de la rationalisation de la dépense publique. Un processus qui semble geler en dépit de quelques avancées positives, assez limitées selon le rapport, comme la gestion axée sur les résultats, l'assouplissement des conditions d'exécution du Budget grâce à la globalisation des crédits, la consolidation de la déconcentration budgétaire ou le contrôle modulé de la dépense, entre autres. Il s'agit par cette proposition qui a reçu un écho favorable auprès de l'institution parlementaire de mieux orienter ces mesures qui permettront de restaurer, en grande partie, l'image du Parlement au sein de l'opinion publique. Reste à savoir si les parlementaires sauront saisir l'opportunité que leur offre le débat actuel sur la réforme constitutionnelle, afin d'assurer une prise en compte de ces propositions. Certains groupes parlementaires, comme ceux de l'USFP, ont pris l'engagement de faire de cette proposition de loi leur cheval de bataille pour l'actuelle session du Parlement. 1. Mieux préparer le budget C'est le premier axe de la réforme proposée. L'initiative de la loi de finances restera, certes et toujours, du ressort du gouvernement. Mais le Parlement sera consulté en amont de la préparation du budget et en ce sens, pourra interpeller le gouvernement à travers des questions écrites. Cela permettra aux parlementaires de mieux prendre connaissance des principales dispositions de la loi de Finances et des orientations stratégiques opérées par le gouvernement, notamment pour ce qui est des politiques publiques. Le budget sera préparé et structuré autour d'une logique de performance, en mettant un accent particulier sur les résultats et la justification détaillée de toutes les dépenses. 2. Renforcement du suivi de l'exécution du budget Le Parlement veillera également à l'exécution des opérations prévues par la loi de Finances. Un contrôle a priori, mais également a posteriori, à travers notamment le développement des mécanismes d'évaluation. À cet effet, une cellule de contrôle et d'évaluation des dépenses publiques sera créée afin d'appuyer les commissions parlementaires. Le Parlement prendra donc activement part à l'exécution budgétaire, à travers notamment une étroite collaboration avec le gouvernement. Dans ce même cadre, le calendrier budgétaire ainsi que celui du règlement du budget pourront être revus pour mieux les adapter au contexte. 3. Responsabiliser les acteurs publics La promotion de la bonne gouvernance en gestion publique est l'un des axes majeurs de la réforme constitutionnelle en cours. L'idéal serait que les mécanismes qui seront mis en œuvre puissent aboutir à une meilleure planification des politiques publiques, en parfaite adéquation avec les réelles préoccupations des citoyens. L'implication du Parlement dans ce cadre devrait permettre un meilleur contrôle, de façon à minimiser «les marges d'erreurs», mais également de permettre la reddition des comptes par les acteurs chargés de la mise en œuvre de ces politiques. In fine, la notion de «gouvernement responsable» devant le Parlement, et donc la nation, trouvera tout son sens et les citoyens pourront savoir, qui fait réellement quoi et comment. Et décider en connaissance de cause. «La politique, c'est avant tout une affaire de conviction, plus que de compétence» chez les électeurs, selon le professeur Tozy. 4. Une nouvelle culture de gestion publique L'une des conditions majeures de la démocratie budgétaire, c'est la transparence et l'implication de tous les acteurs dans la gestion des dépenses publiques. Le Parlement devra jouer en ce sens un rôle de pivot à travers l'instauration d'une nouvelle culture de gouvernance publique. Celle-ci devrait permettre de mieux planifier, gérer et rendre compte des politiques publiques. L'innovation, c'est qu'elle permet de mettre sur pied un Parlement et des citoyens acteurs du débat public. Ainsi, les attentes des citoyens pourront être mieux prises en compte par les pouvoirs publics, à travers un agenda gouvernemental mieux préparé et «démocratiquement validé». C'est une manière d'impliquer fortement les citoyens dans la dynamique des grands chantiers structurants de l'économie nationale et des politiques sectorielles, pour doper la croissance. 5. Exit l'article 51 La réforme de la loi budgétaire n'aura de sens que si elle instaure un cadre de transparence dans l'élaboration et la mise en œuvre du budget. Le Parlement devra donc être «sincèrement informé» sur toutes les dispositions du projet de loi de Finances. Il s'agit par exemple de réduire les «zones d'opacité budgétaire» et de mobiliser les outils devant permettre aux parlementaires d'examiner en profondeur le budget et toutes ses implications. Ce sont là les conditions pour un vrai débat budgétaire, qui permettra aux parlementaires de voter la loi en connaissance de cause. À ce titre, ils pourront, contre justification, amender les programmes d'un domaine donné. Dixit donc les articles qui comportaient des restrictions sur le pouvoir d'amendement des parlementaires. Ces dispositions, qui ont été très critiquées sont, en effet, une sorte de veto dont disposait le gouvernement pour contrecarrer toute «ingérence parlementaire».