Comme toutes les collectivités territoriales du royaume, la commune urbaine et la région de Casablanca doivent se doter d'une vision à moyen et à long terme de leurs équilibres financiers. Elles doivent disposer d'un plan stratégique, visant à développer leurs ressources financières et fiscales, et à les préparer aux nouvelles délégations de responsabilité ouvertes par la perspective de la réforme constitutionnelle, qui institutionnalisera la régionalisation et élargira la politique de décentralisation. Ce plan stratégique doit être pensé en anticipation de l'évolution probable au Maroc du cadre juridique et opérationnel des collectivités locales et régionales, sur les dix à quinze années à venir. Dans cette réflexion, l'évolution des finances locales européennes, qui se caractérise par quatre grandes tendances, pourrait servir de repères : La volonté de renforcer les finances des collectivités locales et de les rendre plus autonomes par un développement de leurs ressources propres; La forte responsabilisation des collectivités territoriales par un transfert progressif de compétences; Comme corollaire aux deux orientations précédentes, la plus grande exigence de l'Etat dans l'évaluation de la gouvernance locale, qui est de plus en plus incitée à s'engager dans un partenariat public-privé; Une montée en puissance des régions, en relation avec la politique communautaire des fonds structurels. Partant de ces tendances fédératrices de l'espace européen et des choix politiques du royaume, il est possible de proposer plusieurs pistes de réforme pour la gouvernance stratégique et opérationnelle des collectivités territoriales au Maroc et à Casablanca plus particulièrement : 1/ Elargir le champ d'application de la fiscalité locale en identifiant de nouvelles sources de revenus (taxe sur l'électricité, redevance sur les déchets, «versement transports», révision du taux de la taxe sur les terrains non bâtis,...). 2/ Donner plus d'autonomie à la commune urbaine de Casablanca dans la maîtrise de ses ressources propres, en lui permettant de moduler les taux des trois taxes affectées. Cette mesure constituerait un tournant majeur dans la politique de décentralisation, qui hésite depuis longtemps entre le principe de l'autonomie fiscale et celui de la péréquation. 3/ Moderniser les impôts locaux et rendre leur assiette plus dynamique et plus en phase avec l'évolution du produit intérieur brut. 4/ Remplacer la taxe professionnelle par un nouvel impôt local ne frappant plus directement l'investissement, mais reposant sur une assiette comptable mixte et prenant en compte le chiffre d'affaires, la valeur ajoutée, l'excédent brut d'exploitation et le résultat net. 5/ Négocier avec l'Etat dans le cadre d'un contrat-programme, des transferts de compétences vers la ville de Casablanca en matière d'éducation, de santé, d'activités sportives et culturelles, et négocier des rétrocessions de ressources fiscales supplémentaires, ainsi qu'une révision des formules de péréquation pour les rendre plus en harmonie avec les réalités de la ville et les nouvelles ambitions de ses dirigeants. 6/ Soumettre les organes de gouvernance de la ville de Casablanca à des obligations de résultat, en les formalisant dans un cadre contractuel et coercitif. 7/ Doter la ville de compétences managériales pointues à tous les niveaux de la hiérarchie. 8/ Ouvrir avec courage et responsabilité le dossier de la restructuration du personnel de la commune urbaine de Casablanca en décidant de «dégraisser le mammouth» (20.000 agents à la ville de Casablanca, contre 6.000 à Barcelone, par exemple). 9/ Examiner avec la Trésorerie générale du royaume et Bank al Maghrib les conditions de rémunération des floats & soldes structurels de trésorerie de la Commune urbaine et identifier les sources d'amélioration de cette rémunération. 10/ S'engager dans une démarche de certification de la commune urbaine, permettant de mieux organiser les services de la ville et de gagner la confiance des administrés. 11/ Soumettre la gestion de la ville de Casablanca à la notation, en faisant appel aux grandes agences internationales de rating et publier régulièrement les résultats de la notation. 12/ Obtenir l'accord du ministère de l'Intérieur et du ministère de l'Economie et des finances pour que les ressources additionnelles, par rapport à une base de référence, issues de l'optimisation du potentiel fiscal de la ville de Casablanca, soient affectées dés le premier dirham à un fonds spécial d'investissement et de développement de la métropole, dont la gestion serait confiée aux dirigeants de la ville. 13/ Donner la capacité à la commune urbaine d'émettre des emprunts obligataires cotés à la Bourse de Casablanca et de lever des fonds sur les marchés internationaux de la dette, pour financer les programmes d'investissement et augmenter les fonds propres du fonds spécial d'investissement et de développement. 14 / Mettre en place un fonds régional de capital risque pour soutenir la création et le financement d'entreprises innovantes. 15/ Créer une Agence régionale de l'emploi et une Agence régionale d'industrialisation, qui seraient appuyées par le fonds spécial d'investissement. 16/ Favoriser le partenariat public-privé dans le financement des projets d'infrastructure, d'équipement et de transport et utiliser le vecteur des sociétés d'économie mixte locales (qui peuvent être également utiles en matière de délégation de gestion de services publics). 17/ Piloter la création de pôles de compétitivité (ou clusters) pour renforcer la compétitivité de Casablanca sur la scène internationale.