Le lithium est une bombe à retardement dont on ne sentira les effets néfastes que dans le long terme Pour le moment, c'est le grand vide en termes de prestations de services dédiées à ce type de déchet Pour la petite histoire, le texte juridique le plus récent portant sur la prise en charge des déchets dangereux remonte à décembre 2007. Cette loi définissait, très vaguement, ce qu'est un déchet dangereux. «Toutes formes de déchets qui, par leur nature dangereuse, toxique, réactive, explosive, inflammable, biologique ou bactérienne, constituent un danger pour l'équilibre écologique», mentionne-t-on. On pouvait donc supposer que le lithium (matériau de base de fabrication des batteries piles et accumulateurs électriques) est inclus dans cette définition...Un déchet parmi d'autres. En 2008, c'est un décret (n° 2-07-253 du 18 juillet 2008), qui apporte davantage de précisions et classe le lithium et autres substances provenant des piles électriques comme le mercure parmi «les déchets dangereux». Mais ce que le législateur semble avoir oublié, c'est que ce déchet, une fois laissé à la merci de la nature, met des dizaines d'années, voire des siècles à se désintégrer totalement. Une pollution «silencieuse», qui passe inaperçue. Ce métal lourd entre principalement dans la composition des piles, batteries de voiture et autres accumulateurs électriques à usage domestique ou industriel. Il n'est pas nécessaire de mener des sondages ou autres études du genre pour savoir combien de cette substance nos compatriotes rejettent, chaque jour, dans leurs corbeilles à ordures. Acheminés ensuite vers les décharges pour incinération avec d'autres types de déchets moins dangereux, le lithium et autres substances nocives issues de ces piles devient, à long terme, une source de contamination des sols cultivables et des nappes phréatiques. La question de la prise en charge de ce type de déchets au Maroc se pose alors. Créneau inexploré Du côté des principaux prestataires privés en matière d'environnement, les réponses sont très diverses. Pour Sita Maroc «On propose des filières pour les piles et les batteries, mais ça reste encore très embryonnaire», explique Brice Mégard, directeur technique de l'enseigne de propreté. «Pour le moment, nos prestations sur ce créneau portent sur la récupération des batteries usagées auprès des industriels». Les batteries sont composées principalement de trois substances, plomb, plastique et acide. Une fois récupérés, «le plomb et le plastique sont recyclés au profit de l'industriel, et l'acide est stocké et confié plus tard à un organisme spécialisé pour le neutraliser. Toutes ces opérations se passent sur le site de l'industriel», détaille Brice. Concernant les piles et autres accumulateurs électriques à usage particulier, Sita n'a pas encore investi ce créneau. «Le gisement est très dispersé et mal organisé pour le moment», déclare Brice. Autre prestataire, Tecmed Maroc. La réponse est catégorique : «Nous ne sommes spécialisés que sur les déchets ménagers», nous renseigne une cadre de l'entreprise. Ce qui veut dire, en d'autres mots, que l'enseigne de propreté ne dispose pas pour le moment d'une filière spécialisée dans la récupération et le traitement des piles électriques. Chez Veolia Propreté Maroc, pas de réaction au bout du fil, ce qui n'est pas étonnant, si on s'en réfère à l'importance du dispositif nécessaire à la collecte, au transport, au traitement puis au recyclage de ce type de déchets. L'avis est partagé par le directeur technique de Tecmed, qui pense qu'il faudrait d'abord «davantage de sensibilisation sur les dangers des piles usagées et éveiller les consciences au Maroc. Ce qui n'est pas encore une réalité», d'autant plus que l'entreprise n'a jamais été sollicitée par les autorités locales pour la prise en charge de ce type de déchets, nous confie le directeur technique. Ce tour d'horizon chez ces trois grands prestataires de la place nous informe ainsi sur le vide qui existe au sein des services prenant en charge les piles et batteries électriques usagées. Pour l'heure, nos décharges publiques demeureront pour un bon bout de temps encore, leur destination finale. En attendant un plan national... L'idée a été soulevée depuis en décembre 2006, à travers un texte de loi (28-00) recommandant la mise sur pied par le gouvernement d'un «plan directeur national de gestion des déchets dangereux», notamment le lithium. L'application de ce plan, qui devrait être effective à partir de 2011 d'après le législateur, est encore en ce moment sous forme de projet de décret. Mené à terme, ce plan devrait apporter une meilleure organisation pour la prise en charge des déchets de ce type et combler le vide qui y prévaut. Les concertations qui se déroulent actuellement autour de l'élaboration de la charte de l'environnement ne devraient pas manquer d'accorder une importance à la prolifération dans nos écosystèmes de ce type de substance.