Les Echos : Comment est née «Terres de Femmes» ? Agnès Goffart : Au départ, assistante familiale et céramiste de profession, j'ai eu un coup de cœur en découvrant tout à fait par hasard des poteries rurales dans la région de Zerhoun. Par la suite, j'ai fait la connaissance de ces potières et du livre de Hammad Berrada sur «La poterie féminine». Je me suis alors de plus en plus intéressée à la poterie rurale dans le Nord et le Sud du Maroc et me suis aperçue qu'elle était en voie de disparition. Pourquoi avoir opté pour la «poterie» ? Ayant eu l'opportunité d'enseigner la poterie aux enfants des écoles, j'y ai ajouté un cours: «La poterie, le Maroc, toute une histoire». Une exposition de cette poterie me fut proposée et rencontra un grand succès. C'est de là que m'est venue l'idée d'ouvrir une boutique, et de parcourir tout le Nord à la recherche des dernières potières. Progressivement, des volontaires sont venues, d'où la création de l'association «Terres des Femmes». Quels sont les critères de choix des femmes auxquelles vous venez en aide ? Actuellement, nous avons retrouvé et rendons visite à une centaine de potières. Elles sont le plus souvent âgées ou veuves et mères. Certaines parmi elles avaient abandonné la poterie, alors que d'autres étaient sur le point de le faire. Nos visites régulières et l'achat de leurs produits les ont encouragées à continuer. Très vite, nous avons pu observer une amélioration de leurs conditions de vie : extension et aménagement de leurs maisons, création d'une chambre d'hôte, voire transformation en gîte avec stage de poterie. Pour les jeunes filles qui préfèrent la broderie, nous leur apportons tissus et coton de qualité, leur apprenons à améliorer la finition et leur donnons des idées nouvelles. Finalement, notre coup de cœur se porte autant sur la poterie que sur le vécu de ces femmes potières et leurs familles. Que cherchez-vous à concrétiser par les actions que vous accomplissez? Notre souci est de les encourager à améliorer leur travail afin d'obtenir un meilleur salaire, mais aussi de faire en sorte qu'elles transmettent leur savoir-faire aux jeunes. L'hiver dernier, toutes ont passé l'hiver à l'abri des intempéries car elles avaient réussi à réparer leur toiture. Cet hiver, elles ont presque toutes des sanitaires. Nous espérons à présent encourager trois familles de trois douars différents à transformer leur maison en «gîte rural» avec stage de poterie en partenariat avec d'autres associations. Comment financez-vous vos actions ? Etant tous bénévoles, nous arrivions à financer notre action par les ventes. Actuellement, nous vendons tous ces objets dans deux boutiques. L'une de ces boutiques est stiuée à la Kasbah des Oudayas de Rabat, et l'autre, plus ancienne, est située au complexe des potiers d'Oulja à Salé. Elle nous sert de dépôt pour les grosses pièces et pour la préparation des expositions et des grosses commandes. Depuis l'ouverture de la maison de la Kasbah des Oudayas, nous avons des problèmes financiers dus au prix du loyer élevé, au salaire d'une personne payée à temps plein pour assurer la permanence, et au manque d'acheteurs en été, en hiver et pendant le ramadan.