«En matière de finance islamique, la dynamique interne est insuffisante. Si on n'est pas bousculé par les banques étrangères, rien ne bougera», ce constat désabusé émane de Lahcen Daoudi, éminence économique du parti Justice et Développement. Un parti qui porte les revendications liées à l'édification d'un vrai secteur de finance islamique au Maroc. Dernier cheval de bataille pour l'économiste du parti de la lampe, l'amendement du décret fixant le tarif de droit de conservation foncière. «Nous sommes en train de batailler pour cet amendement qui dépend du département de l'Agriculture. Nous avons l'accord de principe de Nizar Baraka, mais cela a du mal à se concrétiser», plaide Lahcen Daoudi qui entend auditionner sur cette question, Taoufiq Cherkaoui, directeur de l'agence nationale de la conservation foncière et ce, dès l'entame de la rentrée parlementaire. Depuis leur lancement en 2007, les produits alternatifs ont du mal à prendre et souffrent autant du manque de visibilité que de la concurrence déloyale avec les produits bancaires classiques. «Il faut qu'il y ait une concurrence loyale entre les produits islamiques et les produits classiques, pour laisser le choix au citoyen», argue le député Pjidiste avant d'enchaîner : «au rythme très ralenti auquel vont les choses, la frilosité des acteurs est perceptible». Il est de notoriété publique que les banques marocaines craignent que les produits islamiques ne jettent l'opprobre sur les produits classiques. Le frein est donc psychologique plus que technique ou législatif. «Nous avons proposé une loi encadrant la question, mais le gouvernement n'y a pas donné suite», plaide Lahcen Daoudi qui ne rate pas l'occasion de tacler son adversaire politique: «nous n'avons pas d'interlocuteur disponible. Salaheddine Mezouar est trop occupé avec son parti, or le ministère des Finances est un département central aux larges prérogatives». En attendant, ce dossier avance lentement et prive le Maroc de la possibilité de «faire rentrer toute une couche de la population dans le circuit bancaire». Pire, dans le contexte actuel de crise de liquidité, cela prive le royaume de mannes financières importantes provenant du Golfe... A.S Point de vue : Belkacem Boutayeb, Expert conseiller en finance islamique Il est étonnant de constater que le Maroc qui est en avance sur beaucoup de plans en matière d'environnement des affaires, soit l'un des rares pays arabo-islamiques à ne pas s'engager dans la finance islamique. L'ouverture des produits alternatifs est une demi-mesure qui ne répond pas aux attentes de la clientèle marocaine, du Golfe et de l'Asie. Cela prive le Maroc de grosses mannes d'investissement. L'avènement de la finance islamique donnerait plus de poids aux road show des officiels marocains. Les gens répondraient avec plus d'entrain à leurs appels. Les Etats Unis, l'Angleterre et la France ont compris tout l'intérêt de la finance islamique, alors que le Maroc reste en retard. Il faut ouvrir une vraie banque islamique qui puisse développer du capital investissement et du capital développement. Bank Al-Maghrib a d'ailleurs reçu plus d'une vingtaine de demandes dans ce sens. Il est clair que le lobby des banques classiques doit dépasser la crainte et prendre conscience que les banques islamiques et les banques classiques peuvent évoluer cote à cote. Elles peuvent même se retrouver ensemble dans des syndications de financement. En cas d'installation des banques islamiques, cela amènera un investissement considérable. Ces institutions financières pourront répondre efficacement aux préoccupations des PME-PMI, à travers le partage de la responsabilité, du risque et des revenus.