Secrétaire général de l'Organisation démocratique du travail (ODT) Faisant partie des cinq grandes centrales syndicales qui ont appelé à la grève générale nationale, l'Organisation démocratique du travail estime que ce «premier signal d'alarme» a été largement suivi. Son secrétaire général, Ali Lotfi, annonce que la loi sur la grève est attaquée devant la Cour constitutionnelle, et que «s'il le faut, un arbitrage royal sera sollicité». Interview. Après ces deux jours de grève générale, quelles sont les prochaines étapes dans ce bras de fer avec le gouvernement ? Nous agissons de façon concertée avec l'ensemble des centrales syndicales engagées dans la lutte. Nous allons donc d'abord évaluer et tirer les leçons de cette première action d'alerte et d'alarme, pour ensuite annoncer les prochaines étapes. Cela dit, en ce qui concerne le projet de loi organique sur la grève, nous allons sûrement l'attaquer devant la Cour constitutionnelle malgré son adoption par le Parlement. Je pense que nous n'avons pas le choix, et surtout, nous sommes conscients que le droit est de notre côté puisque les dispositions de cette loi sont anticonstitutionnelles. Je reste convaincu que la Cour constitutionnelle nous donnera raison, comme elle a d'ailleurs eu à le faire courageusement sur d'autres dossiers. Nous envisageons également de saisir le Bureau international du travail (BIT) et nous n'excluons pas, in fine, de solliciter un arbitrage royal pour trouver une solution sage à cette loi. Selon nous, celle-ci marque un retour en arrière regrettable pour notre pays, et surtout, elle risque d'être source d'instabilité pour notre pays. D'ailleurs, comme vous l'avez constaté, cette loi a été votée par une minorité d'élus dans les deux chambres. Et qu'en sera-t-il de la suite du dialogue social avec le gouvernement et les autres partenaires ? S'agissant du gouvernement, je pense que tout le monde a constaté son manque de respect vis-à-vis du mouvement syndical. Cela, parce qu'il refuse d'institutionnaliser ses relations avec le mouvement syndical, à travers une disposition réglementaire. Comme nous l'avons toujours dit, il faut une loi qui régisse les interactions entre le gouvernement et les syndicats, afin d'empêcher une démarche unilatéraliste, à l'instar de ce à quoi nous venons d'assister dans ce processus d'adoption de la loi sur la grève. Il y a eu un manque total de concertations avec les syndicats et cela doit cesser, surtout sur des questions aussi importantes qui touchent la classe laborieuse marocaine. La loi a été votée le jour même de la grève générale nationale. Pensez-vous que cette mobilisation a réussi ? L'appel à la grève lancé par une majorité des centrales syndicales a été largement suivi. Le taux de réussite et de mobilisation se situe entre 80% et 90%. C'est suffisant pour montrer que l'appel a été entendu et suivi par la classe laborieuse du Maroc, qui exprime ainsi son mécontentement. Cette loi, contrairement à ce que dit le ministre de tutelle, n'est conforme avec aucun cadre légal en matière de travail sur le plan international. C'est pour cela, d'ailleurs, que nous comptons l'attaquer devant le BIT, comme je l'ai dit tout à l'heure. Le mouvement syndical et les travailleurs demeurent mobilisés, et cette grève générale n'est que le premier acte pour pousser le gouvernement à revenir à la raison. Pensez-vous pour autant, que malgré les avancées annoncées sur le plan social au cours de ces dernières années, le gouvernement a failli dans sa gestion de la situation sociale ? Les urgences sont toujours là, et d'ailleurs, l'autre vraie urgence, c'est justement de concrétiser les grands chantiers sociaux voulus par SM le Roi Mohammed VI. Au-lieu d'œuvrer à les concrétiser, nous constatons qu'aujourd'hui, le gouvernement s'attaque au mouvement social marocain, ce mouvement qui a été là avant l'indépendance du pays et qui a toujours joué en faveur de l'avancée démocratique. Au-lieu de créer de l'emploi, vous voyez comment ce gouvernement affaiblit la classe laborieuse. Le taux de chômage chez les jeunes ne fait qu'exploser, ainsi que le taux de chômage global au niveau national. La situation est telle que la grève n'est plus seulement l'apanage des travailleurs, mais même au niveau des étudiants, la situation demeure sous tension. Le parlement valide la loi sur la grève ! Alors que les centrales syndicales observaient une grève générale nationale, la Chambre des représentants adoptait, à la majorité, mercredi 5 février, en deuxième lecture, le projet de loi organique 97.15, sur le droit de grève. Le texte a été approuvé par 84 voix, tandis que 20 députés ont voté contre. Il faut dire que la moitié de l'hémicycle ne s'est pas présentée pour le vote. Malgré tout, pour le ministre de l'Insertion économique, de la petite Entreprise, de l'Emploi et des Compétences, Younes Sekkouri, cette loi organique renferme des dispositions «importantes et fondamentales». Avant de revenir à la Chambre des représentants, où il était passé sans encombres lors de la première lecture, le texte a subi plusieurs amendements et retouches chez les conseillers. Mais pour les centrales syndicales, ce n'est pas suffisant, car le caractère liberticide et anticonstitutionnel du texte demeure. Abdellah Benahmed / Les Inspirations ECO