Mardi, devant les deux chambres du Parlement, Emmanuel Macron a entériné un tournant diplomatique en reconnaissant le Plan d'autonomie du Maroc pour les provinces du Sud, tout en retraçant une riche rétrospective historique. Le discours du Chef d'Etat marque une rupture nette avec la position plus nuancée de la France des années précédentes. C'est un moment d'une rare intensité au sein de l'hémicycle du Parlement, ce mardi 20 octobre, qui celui qui a précédé l'arrivée du président de la République française. A mesure que les minutes s'écoulaient, l'attente se faisait lourde... Emmanuel Macron, drapé dans un costume à la sobriété maîtrisée, fait une entrée remarquée accueilli par un parterre de députés, ministres et responsables marocains. La salle de presse attenante à l'assemblée grouillait de journalistes, reporters, photographes et cameramen venus immortaliser cet instant retransmis sur un écran géant : toute l'attention converge vers le Chef d'Etat français dont les propos scellent, ce qui s'annonce, comme un tournant historique dans les relations entre le Maroc et la France. «Communauté de destin» Emmanuel Macron a entamé son discours par une rétrospective historique marquante, mettant en lumière les étapes clés de la relation. Le président a évoqué avec éloquence la fascination qu'a toujours suscitée le Royaume dans l'imaginaire collectif français, en soulignant les liens culturels forts qui unissent les deux nations. Macron n'a pas, toutefois, éludé les moments difficiles de cette relation, notamment la colonisation, tout en reconnaissant le courage de certaines figures françaises qui ont soutenu l'émancipation du Maroc. Il a rappelé l'importance du retour du Sultan Mohammed V, un événement historique qui «a permis au Maroc et à la France de surmonter les cicatrices laissées par l'épisode colonial». Le président a également rendu un vibrant hommage aux Marocains qui ont contribué à la libération de la France et à sa reconstruction après la Seconde Guerre mondiale. Il a évoqué avec émotion «la bravoure et le sacrifice» des tirailleurs marocains, ainsi que l'apport des travailleurs marocains à l'industrialisation de la France après la guerre. Nouveau chapitre Ce rappel des sacrifices partagés entre les deux pays a été un moment fort du discours, qui témoignent des contributions de la «communauté de destin» qui unit les deux nations, appelées à relever, de concert, les défis du siècle. Macron a porté son discours sur les perspectives d'avenir, appelant à écrire un «nouveau livre» de la relation franco-marocaine. Il a salué la modernisation du Maroc sous le règne du Roi Mohammed VI, un souverain qu'il a décrit comme «incarnant la continuité de l'une des plus anciennes dynasties du monde et l'un des visages de la modernité industrielle et technologique». Ce nouveau chapitre de la relation entre les deux pays doit, selon Macron, reposer sur des piliers comme l'éducation, l'économie verte et la transition énergétique. Le président français a également évoqué les grands défis auxquels le Maroc et la France doivent faire face ensemble, notamment, celui de la transition énergétique et de la lutte contre le réchauffement climatique. «Il n'y aura pas d'avenir pour nos enfants si nous ne parvenons pas à réussir la transition énergétique», a-t-il déclaré, en appelant à une coopération accrue dans ce domaine. Appui historique au Plan d'autonomie Le moment le plus marquant de cette allocution a été sans conteste la reconnaissance explicite par Emmanuel Macron du Plan d'autonomie marocain concernant les provinces du Sud. «Pour la France, le présent et l'avenir de ce territoire s'inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine», a-t-il affirmé, des mots soigneusement pesés, destinés à résonner aussi bien à Rabat qu'à Paris. Il a exprimé son soutien au Plan d'autonomie de 2007 proposé par le Maroc, tout en insistant sur le fait que cette position n'est «hostile à personne». Cette déclaration marque une rupture nette avec la position plus nuancée de la France des années précédentes. Elle place désormais l'Hexagone aux côtés des pays soutenant pleinement l'initiative marocaine. Ce geste, hautement symbolique, intervient dans un contexte où les tensions autour de la question saharienne persistent. Il s'inscrit également dans la volonté de Paris de renforcer ses partenariats stratégiques au Maghreb, face aux dynamiques changeantes dans la région. Enfin, Emmanuel Macron a salué le rôle du Maroc sur la scène internationale, notamment en tant que stabilisateur dans la région. Il a souligné la «voix forte et singulière» que le Maroc porte dans les conflits au Proche-Orient et au Sahel. Le président a rendu hommage aux efforts diplomatiques du Maroc pour promouvoir la paix, tout en insistant sur la nécessité d'une coopération plus étroite face aux défis mondiaux. La veille du discours, vingt-deux accords stratégiques ont été conclus entre le Maroc et la France, renforçant une coopération économique de longue date. Ces conventions, représentant un montant global dépassant les 100 milliards de dirhams, couvrent des secteurs clés, illustrant une relation bilatérale en pleine reconfiguration. Parmi les plus notables, l'accord conclut entre l'ONCF et Alstom pour l'acquisition de douze rames à grande vitesse, avec une option pour six supplémentaires, s'inscrivant dans le prolongement de la ligne ferroviaire vers Marrakech, prévue à l'horizon 2030. Cet accord souligne l'importance du partenariat franco-marocain dans le développement d'infrastructures de pointe. Dans le domaine des énergies renouvelables, des engagements ont été pris avec Engie et EDF pour la mise en œuvre de projets éoliens et solaires, marquant une étape cruciale dans les ambitions partagées des deux pays pour la transition énergétique. «Le Maroc a posé le cadre qui lui permettra bientôt de devenir un acteur majeur des énergies renouvelables, qu'il s'agisse des électrons ou de l'hydrogène vert», a souligné Emmanuel Macron, consolidant ainsi le rôle central du Royaume dans cette dynamique. TotalEnergies a également scellé un partenariat stratégique pour le développement de l'hydrogène vert, en adéquation avec la stratégie nationale visant à consolider sa posture de leader régional en matière d'énergies propres. Un accord historique imminent entre le Royaume et la France Lors de son discours devant le Parlement marocain, Emmanuel Macron a annoncé la mise en place d'un nouveau cadre stratégique entre la France et le Maroc, 70 ans après la déclaration de La Celle-Saint-Cloud du 6 décembre 1955. Ce partenariat sera formalisé lors de la prochaine visite d'Etat du Roi Mohammed VI en France. «Le Royaume du Maroc sera ainsi le seul pays hors de l'Union européenne à bénéficier d'un tel partenariat», a précisé le président français, marquant une nouvelle ère dans les relations bilatérales. Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ECO