La récente visite à Rabat de Fernando Clavijo, président du gouvernement des Îles Canaries, marque un tournant stratégique dans les relations maroco-canariennes. En pleine gestion des crises migratoires et de la délimitation des frontières maritimes, les Canaries rejoignent officiellement la position du gouvernement central espagnol sur la question du Sahara. Une nouvelle étape dans une relation diplomatique déjà bien établie. L'importance de la visite de Fernando Clavijo à Rabat dépasse le cadre d'une simple réunion diplomatique. Ce déplacement intervient à un moment crucial pour les deux régions, notamment sur des dossiers sensibles comme la gestion des flux migratoires, la question des frontières maritimes et la position des Canaries vis-à-vis du Sahara marocain. Le président canarien a ainsi confirmé l'alignement de son gouvernement sur celui de Madrid concernant le dossier du Sahara, tout en saluant le rôle central du Maroc dans la stabilisation de la région. Cette visite s'inscrit dans une dynamique historique de rapprochement, mais aussi dans un contexte marqué par des défis géopolitiques majeurs. La déclaration de Fernando Clavijo, affirmant que son gouvernement soutient la position de l'Espagne sur le Sahara, réaffirme l'importance de l'unité de position au sein du gouvernement espagnol. Depuis la rencontre historique entre le roi Mohammed VI et le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, en avril 2022, l'Espagne s'est clairement positionnée en faveur de la souveraineté marocaine sur le Sahara. Cette prise de position est un signal fort, car elle s'inscrit dans une continuité diplomatique, malgré les tensions passées autour des accords de pêche et des décisions européennes controversées. «Un coup d'épée dans l'eau» Lors de son entretien avec Fernando Clavijo, Nasser Bourita a fermement réagi à la décision récente de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) concernant les accords de pêche et agricoles entre le Maroc et l'UE. Selon le chef de la diplomatie marocaine, cette décision est «un coup d'épée dans l'eau», sans effet sur la dynamique du dossier du Sahara marocain. Le ministre a souligné que cette décision n'a suscité aucune réaction de la part des Nations Unies, et que la souveraineté du Royaume sur le Sahara reste indiscutable. Le Maroc ne négociera jamais d'accords qui ne respectent pas son unité nationale et son intégrité territoriale, a rappelé Bourita. La balle est désormais dans le camp de l'Union Européenne pour trouver une solution juridique solide. Il appartient à la partie européenne de trouver des solutions et d'apporter la sécurité juridique que le Maroc est en droit d'attendre en tant que partenaire, sachant que les fondements et les lignes rouges du Royaume «sont clairs et non-négociables», a-t-il souligné. Malgré la décision de la CJUE, les accords entre le Maroc et l'UE restent en vigueur, et la majorité des Etats européens ont réaffirmé leur engagement à préserver et renforcer ce partenariat stratégique, une position partagée par le président canarien Fernando Clavijo. «Une situation difficile à assumer sans le Maroc» Le cœur des discussions entre Fernando Clavijo et Nasser Bourita a été la gestion de la crise migratoire. Le président canarien a souligné l'effort colossal du Maroc dans la gestion des flux de migrants, particulièrement ceux en provenance du Sahel, qui fuient guerres, pauvreté et changement climatique. «Sans le Maroc, la situation serait difficile à assumer pour l'Espagne et l'Union européenne», a affirmé Clavijo, en rappelant les 8.000 agents mobilisés par le Royaume pour lutter contre les réseaux de trafic d'êtres humains. Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a, quant à lui, insisté sur la politique migratoire marocaine, fondée sur la responsabilité partagée et la lutte contre les stéréotypes. «Le Maroc n'a pas de leçons à recevoir. Notre politique migratoire est en place depuis 2013 et a permis de régulariser la situation de 60.000 migrants », a-t-il affirmé, tout en soulignant la coopération exemplaire avec l'Espagne sur cette question. Frontières maritimes, une polémique apaisée Autre sujet brûlant, la délimitation des frontières maritimes. Ce dossier, qui a longtemps envenimé les relations entre le Maroc et les Canaries, semble connaître des avancées significatives. «La commission bilatérale progresse», a confirmé Fernando Clavijo, admettant que ce sujet complexe requiert un dialogue approfondi entre les deux parties. En 2020, la décision du Maroc d'étendre ses frontières maritimes avait suscité de vives réactions en Espagne, particulièrement aux Canaries, qui craignaient une perte de souveraineté sur certaines zones économiques. Aujourd'hui, l'objectif est d'arriver à une solution mutuellement bénéfique, tout en respectant les intérêts stratégiques des deux parties. Les relations entre les Canaries et le Maroc ne datent pas d'hier. Depuis des décennies, ces territoires voisins ont tissé des liens économiques, culturels et géopolitiques forts. Le Maroc, en tant que passerelle vers l'Afrique, est un partenaire commercial clé pour les Canaries, tandis que l'archipel espagnol joue un rôle essentiel dans les échanges avec l'Europe. Cette récente visite s'inscrit donc dans une continuité historique, mais elle marque également un renforcement du partenariat. Les enjeux actuels, qu'ils soient migratoires, économiques ou environnementaux, poussent ces deux régions à intensifier leur coopération. D'ailleurs, les deux parties se sont engagées à intensifier leur collaboration dans divers domaines, notamment la science, l'innovation et l'éducation. Clavijo a annoncé qu'une délégation canarienne de plus de 50 personnes se rendra prochainement à Benguerir, pour renforcer les échanges dans le cadre du programme «Africa Canarias challenge». Ce partenariat, axé sur le développement durable et la technologie, symbolise une relation tournée vers l'avenir, bénéfique pour les deux régions. Faiza Rhoul / Les Inspirations ECO