Si vous êtes troublés par ce titre apparemment inadéquat par rapport au bled, je vous rassure : je ne vais pas parler ici ni des marrons glacés si chers à l'achat et si chers aux gourmets qui ont des sous, ni des marrons chauds qu'on déguste dans certains pays froids en public tout en soufflant dessus. C'est vrai qu'au Maroc, on connaît très peu les marrons. Par contre, on connaît bien les châtaignes, ou plus exactement, les castagnes, dont certaines sont légendaires du côté de notre Parlement. D'ailleurs, chez nous, on dit de quelqu'un qui a reçu une bonne castagne : «il l'a mangé». Le marron ! Oui, je sais, ce n'est pas marrant, mais mon propos d'aujourd'hui, ce n'est pas du tout de vous faire marrer. En vérité, j'ai choisi ce titre un peu par coquetterie, mais surtout pour introduire un autre substantif de la même famille et qui n'a, apparemment lui non plus, aucun rapport avec la choucroute. Mais, pourtant, vous allez voir... Il s'agit du mot «marronnier». Un marronnier c'est, bien sûr, l'arbre qui donne des marrons. Mais c'est aussi, en journalisme, comme l'indique si bien le dictionnaire, «un article d'information de faible importance meublant une période creuse, consacré à un événement récurrent et prévisible». En termes plus clairs, il s'agit d'un plat plutôt léger qu'on remet à plat d'une manière régulière, à chaque fois qu'on n'a rien d'autre à servir. Je pense que vous avez déjà pigé qu'aujourd'hui, moi aussi, je vais vous servir un marronnier. Mais, à la différence des autres, moi je suis, littéralement, obligé de le faire. Jugez-en vous-mêmes : «La commission ministérielle chargée du suivi de la mise en oeuvre du plan d'action du gouvernement pour la lutte contre la corruption tiendra, mardi à Rabat, une réunion sous la présidence du ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la modernisation des secteurs publics» (Ouf !). Je continue : «Figurent à l'agenda de cette réunion, la mise à jour et le suivi de la mise en oeuvre du plan d'action du gouvernement relatif à la moralisation de la vie publique, ainsi que l'examen des mesures urgentes et pratiques à entreprendre dans l'immédiat en matière de lutte contre la corruption, indique un communiqué du ministère». (Re-ouf !). Pas besoin de sortir de Polytechnique pour deviner que ce chef-d'œuvre sémantique est l'œuvre de notre inimitable agence de presse officielle, MAP pour les intimes. Au fond, je n'en veux pas trop aux pauvres mapeux qui n'ont, j'en suis sûr, que très peu de latitude. Mais, c'est à ceux qui leur filent ce type de potins que j'ai envie de botter le popotin. «... l'examen des mesures urgentes et pratiques à entreprendre dans l'immédiat en matière de lutte contre la corruption». N'importe quoi ! Mais, ça fait un siècle que vous nous répétez la même chose à propos de «la lutte contre la corruption» ! S'il y a des «mesures urgentes et pratiques» à prendre, c'est contre vous, messieurs et mesdames, et si possible, dans «l'immédiat». Pourquoi, me suis-je demandé, ils rebelotent encore aujourd'hui avec «ça» ? La réponse est dans le même texte : «La commission se penchera également sur la préparation de la conférence des pays signataires de la convention de l'ONU sur la lutte contre la corruption, prévue en 2011 au Maroc». Voilà ! Tout est dit. Et maintenant, bien sûr, je suis sûr que, comme toujours à la veille de ce type d'occasions, ils vont repeindre les façades, replanter de faux arbres et repasser une couche de goudron sur les chaussées. On doit juste espérer une seule chose : qu'ils évitent de placer des flics ripoux sur le chemin de nos futurs invités conférenciers. Vraiment marre, marre des marrons !