Le tribunal de première instance administratif de Fès lance un débat sur les divers aspects de la responsabilité médicale des institutions de santé publiques à l'égard des patients. La responsabilité individuelle des médecins, en tant que professionnels de la santé, est également évoquée. La relation entre le médecin et le patient peut parfois être complexe, soulevant des questions sur la responsabilité médicale et la protection des droits du patient. En effet, en cas de faute professionnelle ou de négligence, la responsabilité civile ou pénale du médecin peut être engagée. Pour décortiquer cette relation complexe, le tribunal de première instance administratif de Fès a organisé, vendredi dernier, en partenariat avec l'Ordre des avocats de Fès, le Conseil régional de l'Ordre des médecins Fès-Meknès, le CHU Hassan II de Fès et la Direction régionale de la santé et de la protection sociale de Fès-Meknès, un séminaire sous le thème, «La responsabilité médicale entre les obligations du médecin et la protection des droits du patient». Il s'agit d'un premier pas vers l'établissement d'une collaboration entre les mondes de la justice et de la santé. Lors de cette rencontre, les participants ont examiné divers aspects, accordant une attention particulière à la responsabilité médicale des institutions de santé publique à l'égard des patients, ainsi qu'à la responsabilité individuelle des médecins en tant que professionnels de la santé. Vers une meilleure évaluation de la responsabilité médicale Lors de cette rencontre, El Amine Al Alami Mohamed Noureddine, directeur général du CHU Hassan II à Fès, a souligné la hausse des jugements liés aux fautes médicales commises par les médecins, indiquant que ces derniers ont un impact financier considérable sur le budget de l'Etat, se chiffrant en plusieurs millions de dirhams. Il a également mentionné que le CHU fait face actuellement à près de 17 dossiers de fautes médicales en cours de traitement devant les tribunaux. Pour trouver des solutions à cette question épineuse, le directeur du CHU a proposé plusieurs recommandations pour mieux évaluer la responsabilité médicale toute en préservant les droits des patients. Il s'agit, notamment, de la création d'un noyau de discussion pérenne entre les institutions juridiques, notamment les juges, et les professionnels de la santé. Ce noyau favorisera, selon lui, la réalisation d'études conduisant à la création d'une base de données et à une réflexion approfondie sur le domaine du droit médical. Il s'agit de mettre en évidence «le droit de la médecine» plutôt que «le droit à la médecine», qui est un droit constitutionnel. Al Alami a suggéré la création d'un groupe universitaire rassemblant des scientifiques, des médecins et des experts en législation et en droit. L'objectif de cette initiative est de suivre de près l'évolution des diverses réglementations et de mener des recherches approfondies sur le droit médical, compte tenu de la nature en constante évolution de cette discipline, qui est influencée par les avancées technologiques et l'évolution des compétences des professionnels de la santé. Insécurité juridique des médecins Interrogé par nos soins sur le risque judiciaire du médecin dans les affaires de responsabilité médicale, Hicham Benyaich, chef de service de médecine légale au CHU Ibn Rochd-Casablanca, estime que l'exercice de la médecine nécessite une certaine sécurité aussi bien pour le patient que pour le professionnel de santé. Pour lui, «ce qui est constaté, c'est que les décisions judiciaires en matière de responsabilité médicale manquent parfois d'unicité, avec des affaires similaires jugées différemment. Cela crée un climat d'insécurité juridique pour le médecin, ce qui se manifeste aussi bien dans les affaires civiles (responsabilité civile du médecin) que dans la responsabilité pénale». Pour ce qui est de la responsabilité administrative, Benyaich souligne que beaucoup d'affaires ont mis en jeu la responsabilité des médecins fonctionnaires pour des fautes qui ont été qualifiées comme «faute personnelle détachable du service public», alors que traditionnellement, ces fautes étaient supportées par l'administration et indemnisées par le service public. À cet égard, l'expert en médecine légale n'a pas dissimulé ses inquiétudes face aux dérives potentielles de cette situation. Il souligne l'importance d'harmoniser les perspectives sur la responsabilité médicale et de trouver des alternatives à l'engagement de la responsabilité des professionnels et des établissements de santé, tout en assurant l'indemnisation des victimes. Il propose ainsi la mise en place d'un système d'indemnisation automatique qui ne nécessite pas nécessairement la reconnaissance de la responsabilité des praticiens et des établissements. Au cours des discussions, les participants issus de diverses disciplines ont convenu que la médecine demeure une science «inexacte», ce qui est susceptible d'entraîner des erreurs médicales. Mehdi Idrissi / Les Inspirations ECO