Comme en France, l'heure est venue de sonner la fin de la récréation pour de nombreux influenceurs au Maroc. Ces derniers brasseraient des revenus importants au mépris de toutes les règles en vigueur régissant la publicité, estiment de nombreux fiscalistes. Les influenceurs en France n'y ont vu que du feu. La semaine dernière, Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des finances, a dévoilé la teneur d'un rapport visant à alimenter la proposition de loi destinée à réguler les activités des influenceurs, avec, à la clé, un risque d'interdiction d'exercer. Il s'agit, entre autres, d'interdire de promouvoir la chirurgie esthétique et d'obliger les influenceurs à appliquer sur les réseaux les mêmes règles que celles régissant la publicité classique. Un dispositif prévoit des signalements ainsi que le renforcement des contrôles avec la création d'une brigade relevant de Bercy (ministère de l'Economie et des finances). Selon la presse française, les contenus ayant fait l'objet d'une modification par tous procédés de traitement d'images doivent être accompagnés de la mention «Images retouchées» sur tous les formats. De plus, la promotion de produits ou services dangereux sera proscrite, à commencer par la mise en avant des boissons alcoolisées, des paris sportifs ou des produits financiers, sans oublier les publicités pour la médecine ou la chirurgie esthétique. Elles seront, elles aussi, formellement interdites. Un tel dispositif serait-il pertinent au Maroc d'autant plus que les cas de fraudes ou abus, qui ont motivé le texte en préparation en France, y sont légion ? La réponse est oui, soutient Abdelbasset Mohandis expert-comptable et commissaire aux comptes. On le sait tous, explique-t-il, l'activité des influenceurs au Maroc n'est pas toujours encadrée par des règles claires. Aussi, certains praticiens du marketing d'influence peuvent être tentés de ne pas déclarer la totalité de leurs revenus ou de ne pas respecter les règles en matière de publicité, ce qui peut conduire à des abus et des fraudes éventuelles. Selon Mohandis, «la mise en place d'un dispositif de régulation des influenceurs peut être bénéfique pour lutter contre les abus et les fraudes, à condition qu'il soit équitablement appliqué et qu'il respecte les droits et les intérêts des influenceurs. Ainsi, il faut travailler en étroite collaboration avec les acteurs locaux pour élaborer une réglementation adaptée au contexte national». Un autre fiscaliste, Mohamadi El Yacoubi, est du même avis et va même plus loin. Il estime, qu'au delà de la publicité en ligne, le Maroc gagnerait à réactualiser la législation sur la publicité de manière globale. Un arsenal devenu désuète et qui a perdu sa pertinence en raison des changements intervenus sur les plans social, économique et technologique. «En matière d'encadrement fiscal pour les influenceurs, nous sommes à un étage inférieur par rapport aux standards internationaux», regrette-t-il. Un arsenal désuet Se pose toutefois la question de savoir si le Maroc est suffisamment armé pour se payer le luxe d'une réforme fiscale à la française. À ce propos, Mohandis note que l'efficacité d'un éventuel dispositif de régulation pour les influenceurs dépendra, en grande partie, de l'environnement économique et juridique du pays. Or, «le marché marocain est différent de celui de la France en termes de taille, de réglementation et de pratiques commerciales, ce qui peut avoir un impact sur l'efficacité d'un dispositif de régulation», soutient-il. «Il faut élargir l'assiette fiscale aux influenceurs qui n'ont pas encore un statut formel», ajoute Mohamadi El Yacoubi pour qui, non seulement ce sont des gains de recettes fiscales qui sont en jeu, mais également et surtout, cela permettrait aux influenceurs d'avoir une meilleure image auprès du grand public où ils sont perçus comme des acteurs superficiels et malhonnêtes qui n'apportent aucune valeur ajoutée, ni à la société ni à l'économie de manière globale. Par ailleurs, Mohandis souligne que les règles fiscales dans le Royaume peuvent être différentes de celles en vigueur en France. Il est donc important de s'assurer que les modalités en matière de déclaration fiscale sont claires et adaptées à la situation marocaine, afin d'éviter que les influenceurs ne soient tentés de minimiser leurs revenus. Abdelbasset Mohandis Expert-comptable et commissaire aux comptes «En termes de surveillance, le Maroc dispose d'un arsenal juridique qui permet aux autorités compétentes de surveiller les activités des influenceurs, y compris sur le plan fiscal. Cependant, l'efficacité de la surveillance dépend en grande partie de la mise en œuvre effective des lois et des réglementations, chose qui n'est pas encore mise en œuvre». Mohamadi El Yacoubi Fiscaliste «En matière d'encadrement fiscal pour les influenceurs, nous sommes à un étage inférieur par rapport aux standards internationaux». Khadim Mbaye / Les Inspirations ECO