Quand on parle de parité, les femmes grignotent du terrain, il faut l'avouer. Le début d'une nouvelle ère se dessine à l'horizon. La profession de adoul, longtemps réservée aux hommes, compte aujourd'hui nombre de représentantes de la gent féminine. Oui, mais combien ? Et où en est-on pour ce qui est du témoignage «lafif» ? Y aura-t-il des changements ? Bouchaaib Fadlaoui, président de l'Association nationale des adouls, nous en dit plus. Malgré les stéréotypes ancrés dans la société, qui continuent de tirer les ficelles de manière implicite, un climat plus favorable à la femme se propage. C'est dans ce contexte sociétal, emprisonné par des préjugés dénués de tout sens, qu'une réforme de la profession des adouls s'est enclenchée. 220 adouls femmes Une révolution juridique. En janvier 2018, il a été décidé d'ouvrir à la femme la profession de notaire de droit musulman. «Depuis la première promotion sortie en 2020, on compte parmi nous aujourd'hui 220 femmes», s'enthousiasme, au bout du fil, Bouchaaib Fadlaoui, président de l'Association nationale des adouls. Autre précision importante, désormais, pour ce qui est du vieux procédé de «lafif», le témoignage de la femme vaut celui de l'homme. «On peut avoir 12 témoins, dont une seule femme», nous révèle le président de l'instance nationale des adouls. Et d'ajouter : «Qu'ils soient hommes ou femmes, cela ne change rien au nombre de cerveaux, désormais, c'est pareil. Même que parfois, celui de certaines femmes est mieux «nourri» !» Un commentaire qui prouve bel et bien l'évolution des mentalités et des comportements. Pour appuyer davantage son argument, notre interlocuteur souligne que la loi n'inscrit pas le fait d'être un homme comme critère d'accès à la profession. Il convient de rappeler qu'auparavant, le témoignage d'un homme valait celui de deux femmes. En réponse à la question autour d'éventuels changements quant aux conditions d'accès à la profession, Fadlaoui répond que la loi 16-03 relative à la profession d'adoul, telle qu'adoptée par la Chambre des représentants et celle des conseillers, ne prévoit aucun changement. Diminuer le nombre de témoins Procédé archaïque auquel est habituée la société, la déposition de 12 témoins est une tradition qui déplait à certains. Parmi les changements espérés par l'Association nationale des Adouls, figure principalement la réduction du nombre de témoins. «On a demandé à ce que le nombre de 12 soit réduit à 5 ou 6 personnes», indique Fadlaoui. Cela dit, aucune suite n'a été donnée pour l'instant à cette doléance. Un débat qui ne date pas d'aujourd'hui, mais la requête est toujours d'actualité. Il faut dire que pour beaucoup, la déposition de 12 personnes demeure un outil efficace contre toute falsification et irrégularité. Cependant, ce choix ne fait pas l'unanimité. Octroi de l'autorisation pour polygamie Toujours dans l'optique des mesures mises en place dans la réforme de la moudawana en faveur de la femme, le ministère de la Justice a tranché, dans le cadre d'une volonté de durcissement de l'octroi de l'autorisation de polygamie, qui ne pourra désormais être délivrée qu'une seule fois. Pour en réclamer une autre, il faudra reprendre le processus depuis le début, à savoir se représenter devant le juge qui le soumettra à une procédure spéciale pour connaître les raisons de la demande et savoir si le «prétendant» est marié ou divorcé. Selon le ministre, cette base de données permettra de confondre les personnes de mauvaise foi qui tentent de contourner la loi. Sont particulièrement visés les auteurs d'actes de polygamie, perpétrés sans le consentement préalable des premières épouses. Formation pour les futurs mariés Il convient de rappeler que les futurs mariés pourront suivre une formation prénuptiale et obtenir un certificat d'aptitude pour la vie conjugale avant de conclure l'acte de mariage. Cela dit, cette formation ne requiert, pour l'heure, aucune attestation administrative, et n'est pas obligatoire. Il reviendra aux adouls d'assurer cette mission, et pour ce faire, ils pourront bénéficier d'une formation adéquate. L'objectif escompté, cette première année, est de faire bénéficier 340 adouls d'un tel programme, pour les préparer à former les futurs mariés, et ce, dans six régions du Royaume. À noter qu'une expérience pilote a déjà été menée à Oujda.