Menacée de désuétude, la profession d'Adoul a besoin d'une réforme pour s'adapter à la modernité. Une demande inlassable des professionnels, à laquelle les députés istiqlaliens ont répondu par une proposition de loi. Détails. Issu de la tradition religieuse, le métier d'Adoul fait face aux défis de la modernité au point de risquer de sombrer dans la désuétude. Mécontents de leur situation, les professionnels « auxiliaires de la Justice », dont la vocation ressemble de près à celle des notaires, exigent une réforme de fond de la loi 16.03, qui encadre leur métier. L'objectif est de moderniser cette profession, pour qu'elle soit conforme à la société contemporaine. Après plusieurs réunions avec le ministère de la Justice, qui, paraît-il, n'ont pas abouti à des convergences des vues, les corporations des Adouls ont annoncé une grève générale au niveau national, d'une semaine, à partir du premier juillet. Tous les bureaux des Adouls seront ainsi fermés, et même les consultations, ne serait-ce qu'à distance, seront suspendues. Lors d'un point de presse, le président de l'Ordre national des Adouls, Mohamed Sassioui, et les représentants de Conseils régionaux des Adouls ont exprimé leur volonté accrue de moderniser et d'améliorer la profession. Parmi les revendications, on trouve l'intégration des femmes, l'indépendance de la profession, la dématérialisation des procédures formelles, et la simplification de la réception des témoignages. Le chevauchement entre les compétences des Adouls et celles des notaires, et surtout leur exclusion de certains types de contrats commerciaux, en l'occurrence ceux de vente à crédit bancaire, et la lenteur des procédures des contrats, sont autant de sources d'agacement de cette catégorie professionnelle, qui réclame la réforme d'une loi-cadre, jamais révisée, depuis 2006, selon Bouchaïb Fedlaoui, Président de l'Association nationale des Adouls. L'Istiqlal prend l'initiative Bien qu'aucun texte réformateur ne soit proposé par l'Exécutif et notamment par le ministère de la Justice pour répondre aux revendications des Adouls, l'initiative est venue de l'opposition parlementaire. Le groupe istiqlalien « Pour l'Unité et l'Egalitarisme » a déposé une proposition de loi, modifiant la loi 16.03, à la Commission de Justice à la Chambre des Représentants, afin de remplir certaines lacunes de la loi en vigueur, concernant la qualification des Adouls. Le texte propose de donner une chance de rattrapage aux stagiaires, qui échouent leur examen professionnel, avec une possibilité de poursuivre leur stage, sachant que ces derniers sont dépourvus de cette chance par la loi actuelle. Il s'agit de l'un des aspects de la réforme tant souhaitée, les instances représentatives demandent de réviser la procédure de conclusion des actes, de toutes sortes, et la transcription des témoignages. En effet, plusieurs articles de la loi 16.03 compliquent la tâche des Adouls. Ils sont souvent assujettis à l'autorité du Juges des affaires notariales en matière de contrôle des actes et de supervision de leur activité. À titre d'exemple, la réception des témoignages est conditionnée à la présence de deux Adouls à l'étude. Seul le juge en question peut permettre de déroger à cette obligation. S'ajoute à cela le fait que l'acte adoulaire n'est officiel que s'il est homologué par le juge. Dialogue de sourds avec la tutelle ? Si les Adouls en viennent à se mettre en grève, c'est parce que le dialogue avec le ministère de la Justice est bloqué actuellement, nous confie Bouchaïb Fadlaoui, qui nous explique que plusieurs ministres se sont succédé au portefeuille de la Justice sans que rien ne change. Par conséquent, toutes les initiatives de réforme ébauchées, jusqu'à présent, n'ont pas été suivies d'effets, faute d'un accord entre les parties concernées.
Anass MACHLOUKH
Les députés se penchent sur la proposition de l'Istiqlal Repères Déposée le 17 mars 2021, la proposition de loi, modifiant la loi 16.03 relative aux Adouls, a été programmée enfin à la Commission de la Justice et de la Législation à la première Chambre. La proposition de l'Istiqlal sera débattue, ce mardi, à 10h, en présence des députés concernés. Elle modifie uniquement l'article 8 de la loi en vigueur. Pendant cette séance, d'autres propositions seront discutées, dont une portant sur la réforme du code de la procédure pénale.
Adoul : une profession marginalisée ? La réponse est négative, selon Bouchaïb Fadlaoui, qui estime que les métiers de notaire et d'Adoul peuvent parfaitement coexister, à condition qu'il y ait une amélioration constante des cadres législatifs pour qu'ils puissent s'adapter à l'évolution de la société. « Nous n'avons rien contre les notaires, nous souhaitons uniquement l'amélioration des conditions de l'exercice de notre métier », nous a-t-il indiqué. 3 questions à Bouchaïb Fadlaoui « Le retard de la réforme de la loi 16.03 est incompréhensible et injustifié »
Bouchaïb Fadlaoui, Président de l'Association nationale des Adouls, a répondu à nos questions sur les revendications de la corporation dans le cadre de la réforme de la profession. Vous avez, aux côtés des instances représentatives des Adouls, annoncé une grève nationale, en guise de protestation contre la loi 16.03. Celle-ci vous est complètement anachronique ?
Depuis 2010, comme la loi n'a subi aucun changement depuis son élaboration, elle est devenue déphasée, puisqu'elle accuse plusieurs manquements, qui rendent pénible l'activité des Adouls dans l'accomplissement des actes. En effet, elle ne permet pas de recueillir des témoignages féminins, sachant que l'exigence des 12 témoins est tellement dure à respecter qu'il nous est devenu difficile d'accomplir nos actes. Nous demandons, à cet égard, la baisse du nombre des témoins requis à six personnes. En plus, nous demandons l'annulation de la condition qui consiste à ce que deux Adouls soient impérativement présents pour la réception des témoignages pour les actes de vente, dons, testaments et successions, et reconnaissances de dette. Il est injuste de nous imposer cela alors qu'on le permet aux notaires. Nous souhaitons également adhérer à la CDG, pour avoir plus de marge de manoeuvre dans les actes de vente et d'achat et les transactions financières. Vous insistez sur la dématérialisation des procédures, en quoi cela est-il vital pour votre profession? En fait, il est indispensable de mettre ne place un registre électronique où sont consignés automatiquement toutes les opérations et les actes conclus par les Adouls. Cela nous épargnera le temps que prend l'homologation du juge des affaires notariales, vu que la procédure manuelle prend énormément de temps. Cela serait donc plus facile par voie électronique. Ceci est d'autant plus urgent que nous vivons à l'ère numérique où les transactions sont devenues de plus en plus rapides. Existe-t-il actuellement des pourparlers avec le ministère de la Justice pour faire avancer les choses? Nous avons déposé nos doléances, pour réformer la loi 16.03, qui furent reçues par l'ex- ministre de la Justice, Mohammed Oujar, et maintenant elles sont soumises à l'actuel ministre. Or, nous attendons toujours une initiative législative, qui tarde à voir le jour.