Le secteur touristique peine toujours à décoller à Ouarzazate. La ville enregistre une crise structurelle découlant des problèmes qui se sont accélérés depuis 2018 et de l'aggravation de la situation par le contexte pandémique. Actuellement, le taux de récupération est bien loin des niveaux d'avant covid-19. Alors que plusieurs destinations touristiques nationales ont repris du poil de la bête, la destination Ouarzazate n'arrive toujours pas à sortir la tête de l'eau. En témoigne son taux de récupération, en matière de trafic aérien, qui s'est établi à 49% seulement, à fin novembre 2022. A contrario, les autres destinations touristiques du Royaume, telles que Marrakech, Agadir et Fès, ont retrouvé, plus au moins, leur niveau d'avant Covid-19 avec, respectivement, un taux de reprise de l'ordre de 73, 85 et 91%. «Après deux années de crise découlant du contexte pandémique de Covid-19, le secteur du tourisme a commencé à se redresser dans de nombreuses destinations touristiques nationales. En revanche, l'activité peine toujours à décoller à Ouarzazate qui enregistre une crise structurelle suite aux problèmes qui se sont accélérés depuis 2018 ainsi qu'à l'aggravation de la situation en 2020 et 2021», explique Zoubir Bouhout, expert en tourisme. Selon l'ancien directeur du Conseil provincial du tourisme de la ville, les raisons de cette situation, qui ne date pas d'aujourd'hui, sont multiples. Elles sont dues essentiellement, d'une part, à l'enclavement aérien et terrestre de la destination et au manque d'attractivité des investissements, et d'autre part, à l'accélération des fermetures d'hôtels ainsi qu'à l'absence ou à la faiblesse des budgets de promotion. Actuellement, le secteur continue d'enregistrer des baisses vertigineuses qui pourraient atteindre -64%, en termes de volume de nuitées en 2022 par rapport à 2019 sachant que les statistiques officielles relatives aux 10 premiers mois de 2022 ont fait ressortir une baisse à deux chiffres (-65% pour les arrivées et -61% pour les nuitées enregistrées dans les établissements classés, par rapport à la même période en 2019). Ouarzazate aura bouclé cinq saisons de crise De ce fait, durant l'année 2022, le tourisme à Ouarzazate aura enregistré ses cinq pires années de crise, notamment entre 2018 et 2022. Le constat est le même pour d'autres secteurs tel que le cinéma, ce qui a fait reculer la destination d'environ 40 ans en arrière en matière de performances touristiques, notamment par rapport aux niveaux enregistrés au cours des années quatre-vingt. Concrètement, «plusieurs facteurs sont à l'origine de cette crise, notamment le Covid-19, puisque le nombre de nuitées est passé de 380.000 en 2019 à 71.607 seulement en 2020 (-81%). De plus, Ouarzazate n'a pas bien bénéficié de la reprise de 2021, le nombre de nuitées n'ayant augmenté que de 6%, alors que le taux de croissance avoisinait les 32% au niveau national», souligne Bouhout. En outre, le taux de récupération en 2022, par rapport à 2019, y est d'environ 34% selon l'expert, soit moins de la moitié du taux de récupération au niveau national, qui est de 73%. Dans le détail, au cours des dix premiers mois de 2022, l'activité touristique à Ouarzazate a connu une baisse sur tous les marchés, par rapport à la même période en 2019. Dans ce sens, le marché français a enregistré -62% alors que les marchés italien et espagnol ont baissé, respectivement, de 66% et 75%. Aussi, le marché anglais a régressé de -79% tandis que le marché allemand s'est contracté de -88 %. De ce fait, «la crise sanitaire ne peut être tenue pour seule responsable des défaillances de ce secteur vital. En effet, en se référant aux performances du secteur avant cette crise, on comprend relativement les raisons de ce revers», explique notre interlocuteur. Des signaux de détresse depuis 2018 En 2017, Ouarzazate a enregistré le deuxième meilleur taux de croissance du nombre de nuitées, soit 37% : il s'agissait du double du taux de croissance des nuitées enregistrées au niveau national, qui a été de l'ordre de 15%. Cependant, début 2018, des signaux de détresse ont commencé à paraître et le taux de croissance des nuitées de Ouarzazate, qui était de 37% en 2017, est passé à 4% seulement en 2018 au moment ou ce taux atteignait 8% au niveau national. Au cours de l'année 2019, la situation a empiré puisque les indicateurs ont reculé à tous les niveaux, enregistrant, notamment, moins de 8% en volume de nuitées par rapport à l'année précédente, alors qu'un taux de croissance de 5% a été enregistré au niveau national. De ce fait, la destination Ouarzazate, qui challengeait en 2017 pour la première place en termes de croissance de nuitées, est entrée dans une phase de baisse d'activité avec -8% en 2019. Avec l'avènement du Covid-19, la pandémie a aggravé une situation déjà compromise. «Ces problèmes ont conduit à une accélération du rythme de fermeture des établissements touristiques au cours de l'année écoulée, soit cinq établissements, et le nombre total des établissements fermés a dépassé plus de 20 unités», affirme Bouhout. Avant de conclure que «la destination Ouarzazate a besoin d'efforts concertés impliquant les différents acteurs et forces vives ainsi que d'un travail de terrain afin de redresser la situation». Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO