David Foenkinos Romancier Les ECO : Vous avez fait un travail de réécriture pour adapter votre roman «La délicatesse» au cinéma. Est-ce difficile de réécrire son propre travail ? David Foenkinos : Ce n'est pas difficile, c'est effrayant. Je connais tellement de lecteurs qui ont aimé le roman et qui ont eu peur d'être déçu par le film, que j'ai travaillé deux ans sur le script. J'avais envie que les gens le voient. (Rires). Mais c'est également un signe fort d'amour d'un roman parce qu'on a soi même ses images... J'ai plusieurs romans qui ont été achetés par le cinéma mais dont je n'ai pas voulu m'occuper. Je l'ai fait pour La délicatesse parce que j'avais envie de rester dans ce roman. Mais je ne savais pas sur quoi ça allait aboutir, j'avais juste envie d'essayer d'autres choses. C'était très excitant. Je me suis amusé à créer un nouveau personnage, de nouvelles situations, à recréer la fantaisie du livre mais d'une façon différente. J'ai adoré ça ! J'ai tellement adoré que je l'ai fait aussi pour les souvenirs, mais par contre je n'avais pas envie de réaliser le film, j'ai laissé cela à Jean-Paul Rouve. J'ai écrit le scénario. Une petite idée sur le casting ? Je ne peux pas vous le dire. Le tournage commence normalement en novembre. Mais le cinéma est très compliqué. Je devais tourner mon deuxième film en juin mais cela ne se fera pas, donc je voyage, notamment au Maroc ! (Rires) En parlant d'écriture, avez-vous des rituels ? J'écris tout le temps. Quand on est vraiment dans un roman, c'est obsédant. Il y a toujours une partie de moi qui écrit, réfléchis, je ne m'arrête jamais. Je suis un vrai boulimique. Je viens de commencer un texte, j'ai écrit dans l'avion, j'y pense en ce moment même, j'ai envie d'y retourner. C'est un travail assez prenant. Concernant les rituels, je n'en ai pas vraiment. C'est n'importe où et n'importe quand. Je voyage beaucoup et je profite de tous les endroits. Je suis souvent seul avec mes carnets et mon ordinateur. Vous parlez souvent de sujets lourds comme la mort, la maladie, les problèmes conjugaux avec une légèreté déconcertante. C'est votre façon d'être ou s'agit-il d'une façon de faire passer un message ? Je suis très sensible à cela, aux détails risibles. C'est tout le temps comme cela. Un livre comme «Les souvenirs», où la mère du narrateur fait une dépression et où les cliniques à Paris pour les professeurs dépressifs, s'appellent Vincent Van Gogh ou Camille Claudel qui a été internée au début du siècle. Je trouve cela fou et en même temps d'un humour... Dans la vie réelle déjà, il y a beaucoup d'humour. Je m'inspire de cela. Mais c'est vrai que c'est ma façon d'être aussi. Je n'aime pas m'appesantir. J'aime bien mettre de la légèreté. L'humour, quand on dit que c'est la politesse du désespoir, je trouve que c'est une politesse tout court. Je trouve qu'il faut être assez prétentieux pour être glauque. Je n'ai peut-être pas assez confiance en moi pour être sérieux. L'humour est une façon de cacher votre timidité ? Peut-être. Je n'ai jamais pensé à cela, je n'en ai jamais parlé mais oui, ça se défend. Sous mes airs de personnage à l'aise, je suis très timide. Je fais des télévisons, je peux être à l'aise mais je peux aussi bégayer. Je ne sais jamais, à l'avance dans quel état je vais être. L'assurance et la timidité sont deux versions d'une même personnalité. Avec «Je vais mieux», vous choisissez la douleur comme déclencheur d'un bilan de vie. C'est une sorte de psychanalyse ? Non. Et en même temps, j'ai été gravement malade à l'âge de 16 ans. J'ai donc connu la réponse du corps qui vous propulse dans un moment de vie complètement bouleversé. J'ai passé deux mois à l'hôpital. Et pour une fois dans ce roman, j'ai mis des choses vraiment personnelles mais très déguisées. Je me suis rendu compte que c'était proche de «La délicatesse», puisque c'est l'histoire d'une femme dont le corps réagissait, son corps enfermé la pousse a survivre en embrassant le premier venu. Et lui, c'est ça. Son corps se réveille, c'est la manifestation de son corps qui le pousse enfin à réfléchir. Ça ressemble aussi à une crise de la quarantaine déguisée... Oui tout à fait. Crise de la quarantaine, cinquantaine, soixantaine. Tout le monde fait des crises. Peu importe l'âge. À un moment donné, réfléchir sur soi et se poser des questions a un intérêt, une valeur. Le personnage du bouquin n'aurait pas eu la lucidité de faire un travail sur lui-même sans cette douleur. Mais son corps a tiré la sonnette d'alarme et c'est une idée que j'aime bien. Ma vie a été changée par la maladie également. Je me suis mis à lire, à écrire. Je ne me suis pas dit que j'allais devenir écrivain mais je savais que j'avais besoin d'écrire... Vous parlez de panne d'inspiration dans votre roman «Qui se souvient de David Foenkinos» ? Considérez-vous qu'il s'agisse d'une réponse du corps également ? Absolument. D'ailleurs ce roman part d'une bonne idée mais je trouve que le résultat est raté. J'aime le fait que ce personnage, cet auteur en panne d'inspiration ait enfin une idée de roman de génie et l'oublie. Il passera son temps par la suite à essayer de se souvenir de cette idée de roman. Personnellement, je pense qu'une idée qui s'échappe n'est pas une bonne idée. C'est encore une histoire de corps. N'est-ce pas un trop plein de modestie ? Non je ne pense pas. Je suis très lucide sur ce que je fais. Je pense que mon film est raté, je trouve le début du film atroce à tel point que je m'arrange pour le rater. Je l'ai vu au moins 100 fois, j'ai aimé me faufiler dans la salle et constater que les gens riaient, d'ailleurs, il y a une partie du film que je trouve géniale aussi. Je pense que l'on peut créer les choses et les regarder honnêtement. C'est comme pour les enfants. Vous les créez et les aimez plus que tout mais je suis objectif et honnête sur ce qu'il est et ce qu'il n'est pas... Et l'avenir ? Je suis arrivé au bout d'un cycle. Je suis en train de finir l'extension d'une nouvelle que j'ai publiée, qui est d'ailleurs proche de «Je vais mieux». J'aimerai bien m'arrêter un peu pour me régénérer et voir où je veux aller.... C'est important de faire infidélité à son univers romanesque. Pendant un an, j'ai tout quitté pour me plonger dans la vie de Lennon par exemple et cela a été fabuleux. C'est le moment de réaliser autre chose, monter un groupe à 40 ans par exemple... Il me reste un an et demi pour me décider, on verra !