Né quelque part entre l'année où Marilyn dit adieu à Monroe et la première crise du pétrole, Jean-Fabien est le croisement improbable de deux ingénieurs. C'aurait pu donner un truc intelligent, genre Einstein au carré, mais non, la consanguinité ne produit rien de bon. En l'occurrence, elle a donné Jean-Fabien. On ne réussit pas une recette à tous les coups, même avec les meilleurs ingrédients. Jean-Fabien est écrivain. Enfin, disons qu'il voudrait bien. En vrai, il est donc ingénieur comme ses parents et il l'ose depuis plusieurs années dans un grand groupe du CAC40 français. Cela lui donne le temps de glander à la machine à café et d'écrire. Al Bayane : «Le journal d'un écrivain sans succès» parle de l'absurdité du monde de l'entreprise et d'un ingénieur perdu qui veut devenir écrivain, est-ce autobiographique ? Jean-Fabien : L'interview commence fort (rire) ! Quand on écrit un livre, il est vrai qu'on mélange un peu des choses qui se sont réellement passées et des parties plus romancées, disons. Ce qui est vrai, c'est que j'écris sous pseudo... j'avoue que, quand j'ai commencé à me prendre pour un écrivain, l'idée que la DRH tombe sur mon blog me donnait quelques sueurs froides. De plus, j'ai re-contextualisé certaines situations réelles, notamment mon ancien Directeur qui avait des aventures avec tout ce qui ressemblait de près ou de loin à une blonde, donc pour certaines personnes cela doit paraître très réel ! Les personnages secondaires sont très drôles, sont-ils réels eux aussi ? Le personnage féminin (Servane) existe, même si je lui fais jouer un rôle qu'elle n'a pas du tout joué dans la vraie vie (chérie si tu me lis, je t'assure que je n'ai pas couché avec elle !). Sinon, le meilleur ami du héros est un ami à moi, grande source d'inspiration devant l'éternel dans sa façon lunaire et décalée de vivre sa vie. Comment êtes-vous venu à l'écriture ? Un peu par hasard finalement. J'étais au bureau avec un collègue et nous conversions d'un livre de Philippe Jaenada (Le chameau sauvage, une vraie révélation). Il faut dire que je converse beaucoup au bureau. Nous nous disions qu'avec nos expériences d'expatriation, on pourrait écrire des anecdotes dans ce style. C'est ainsi qu'est née «La perspective du primate», à paraître en juin d'ailleurs (cher futur lecteur, si tu m'entends). D'une manière plus générale, j'ai toujours énormément lu, et quand j'ai commencé à écrire, c'est comme si j'avais toujours eu ça en moi. Comme beaucoup de choses, cela ne demandait qu'à sortir ! Sur votre blog, vous parlez énormément de la difficulté que vous avez eu à trouver un éditeur. Oui, je suis chez un nouvel éditeur Paul&Mike qui est distribué par Hachette Livre. Alors que j'avais mis plus d'un an à trouver mon premier éditeur que j'ai quitté depuis pour divergence de point de vue, c'est Paul&Mike qui m'a contacté après être tombé sur mon blog (www.jean-fabien.fr). J'ai écrit «Le journal d'un écrivain » autour de cette expérience de l'écriture, de la perte de sens du cadre dans une caricature de world company... et de l'amour (pas avec mon éditeur, même si je l'aime beaucoup) ! Votre écriture est très vive et utilise beaucoup la métaphore, quels sont les auteurs qui vous ont inspiré ? Jaenada m'a donné envie d'écrire, Foenkinos me donne envie de progresser dans cette écriture, j'aime aussi beaucoup la sincérité et la tendresse d'un auteur comme Grégoire Delacourt. Je suis aussi fan absolu de l'écriture d'un Nabokov mais cela serait un peu présomptueux de dire qu'il m'a inspiré. Je suis juste admiratif de son style totalement bluffant. Pour le reste, je lis beaucoup de livres très différents, mais j'avoue avoir un amour de la langue. J'ai bien aimé récemment les livres d'Arnaud Le Guilcher, Julien Blanc-Gras, Antoine Senanque. J'aime bien aussi la SF (Dan Simmons, Pierre Bordage, Asimov bien sûr), et les polars bien ficelés (Donald Westlake, quel style !). Est-ce difficile de proposer une littérature qui n'est pas «formatée» ? Ne m'en parlez pas ! La recherche d'un éditeur est extrêmement frustrante. Entre «nous ne faisons pas ce style de littérature» (super j'ai un style !), ou le «votre écriture nous emmènerait trop loin» (véridique), on ne sait plus trop ce que l'on doit faire de tout cela, à part se pendre peut-être. Le mieux est de ne pas perdre la foi. Je crois qu'on écrit avant tout pour se faire plaisir à soi, l'écriture est une vraie libération, et puis si cela plaît tant mieux, sinon... tant pis ! Votre livre est très drôle, l'humour est-il une fin en soi ? Question intéressante, et je ne dis pas ça pour vous faire plaisir. Le premier manuscrit que j'ai envoyé à un éditeur, j'ai reçu un retour très complet qui m'expliquait qu'à force de vouloir faire rire, je devenais sinistre. C'est, je pense aujourd'hui, tout à fait vrai. L'humour est un vecteur, un moyen, et tout est question de rythme et de respiration. Il est donc utopique, voire contre-productif d'essayer de faire rire, on fait rire ou pas, mais cela ne doit en aucun cas être le but de la manœuvre. Par contre, c'est un outil formidable pour faire passer une situation ou rendre un personnage attachant. Ainsi, le héros du livre, qui me ressemble sans doute un peu, est un loser assez pathétique, mais qui finit par devenir sympathique dans sa quête perpétuelle d'une chose qu'il ignore (mais qu'il poursuit avec beaucoup de conviction !). Peut-on trouver votre livre « Le journal d'un écrivain sans succès » à Casablanca ? Le livre est distribué par Hachette, et disponible sur Amazon, donc, ma foi, cela ne devrait pas trop poser de problème. Si vraiment certains lecteurs veulent me lire, faites-moi venir dans votre superbe ville que j'ai déjà visitée plusieurs fois pour affaire (j'ai un souvenir ému des petits-déjeuners au Royal Mansour) et j'amènerais un stock dans mes valises ! Pour finir, quel message voulez-vous donner à nos lecteurs ? Que dire ? Je suis venu plusieurs fois au Maroc pour le business et pendant mes congés. J'ai été à Marrakech, à Casablanca, à Essaouira. J'adore la générosité des marocains, ainsi que la beauté et la diversité des paysages, sans parler de votre cuisine que j'adore ! A chaque fois que je viens, c'est une vraie surprise, et des rencontres formidables.